Une équipe du Canard a été reçue par la ministre de l’Économie et des Finances Nadia Fettah Alaoui dans son bureau ministériel à Rabat. Elle n’a rien perdu de sa zénitude…
Comment se présentent les finances et l’économie du pays avec la guerre en Ukraine ?
Sincèrement, ce n’est pas la joie. L’agression russe contre l’Ukraine a fait exploser notre loi de finances et mis le feu à toutes nos prévisions optimistes. Avec Poutine, ça n’a pas fini de partir dans tout l’essence. Franchement, ça va mal. Nous sommes fragiles.
Quelle parade ?
Pour le moment, c’est la panade. Avec un baril à plus de 125 dollars, un gaz à plus de 700 dollars, des céréales dont les prix ont plus que doublé et un déficit budgétaire qui ne cesse de se creuser, il y a de quoi manger son pain blanc et avoir une grave panne d’idées.
Quel est le scénario du pire sur lequel vous travaillez ?
Le scénario du pire c’est se serrer la ceinture en trouvant des alternatives. Remplacer le pain consommé à longueur de journée par le petit pain au chocolat ou aux raisins le matin, abandonner l’automobile au profit de la marche à pied et du vélo et préférer le tagine au feu de bois à la marmite pour cuisinière à gaz. Vive les outils du bon vieux temps. Le salut gouvernemental passe par des comportements écoresponsables…
Écologique ?
Non, économiquement responsables. Il s’agit de ménager les finances exsangues de l’État et en même temps arrêter l’érosion du pouvoir déjà chétif de bien des Marocains. Au Maroc, les gens n’ont pas faim d’écologie qui est une préoccupation de pays riches.
Donc pas de gaspillage ?
La chasse au gaspillage est une priorité absolue en cette période de vaches maigres et de rareté des pluies qui nous donne du fil à retordre. Comme les barrages sont pratiquement vides, il faut faire barrage à l’irresponsabilité et à la prédation des ressources.
La prédation ?
Je parle essentiellement de la prédation hydraulique et céréalière. Il faut arrêter de gaspiller l’eau et réduire la consommation du pain. Côté alimentation, la meilleure solution est le jeûne intermittent à base de salades, fruits secs et de jus detox, et le bannissement de l’eau des hammams traditionnels au profit d’une démocratisation des SPA. Le bien-être de la population en dépend.
Comment concevez-vous votre fonction de ministre de l’Économie et des Finances?
Comme je ne possède pas le nerf de la guerre, qu’est le budget, je me considère comme une ministre qui doit faire l’économie des efforts difficiles et des stratégies inutilement intelligentes.