Les nouvelles dispositions fiscales contenues dans le PLF 2023 ont provoqué une montée spectaculaire des corporatismes. C’est le principal résultat, il est vrai prévisible, de cette loi de Finances qui n’est pas au goût des professions libérales comme les avocats qui sont vent debout contre la retenue à la source. Les Robes noires se sont montrées les plus virulents de tous, multipliant en guise de protestation sit-in in et grèves qui ont paralysé les tribunaux, histoire de faire pression sur le gouvernement et le pousser à revenir sur sa décision.
Ce nouveau dispositif fiscal, qui se substitue au système déclaratif jusque-là en vigueur, consiste à prélever pour les professionnels dont les revenus proviennent d’honoraires, commissions ou frais de courtage un impôt sur le revenu (IR) de l’ordre de 15% (il était de 20% avant un amendement à la première Chambre) sur toutes les factures émises. L’impôt ainsi retenu à la source sera déduit du montant total de la déclaration de l’impôt avec le droit de se faire rembourser la différence.
Visiblement, le système en question est trop transparent pour passer comme une lettre à la poste… Haro sur le baudet ! Avocats, architectes, médecins, experts-comptables… Tous réclament dans une agrégation des colères la surpression du nouveau format fiscal, allant jusqu’à manifester leur exaspération dans un mouvement de contestation inédit en dénonçant à l’unisson une mesure qui va à l’encontre de « l’équité fiscale » et l’esprit de concertation dans l’élaboration du PLF 2023. Excipant de diverses arguments dont l’aggravation de la fragilité financière de certaines professions, tous parlent d’une seule voix en donnant de la voix pour obtenir par le recours au bras de fer à la suppression à la source de l’impôt calculé sur leur revenu réel des uns et des autres…
Le nouveau dispositif d’imposition est trop transparent pour passer comme une lettre à la poste… Haro sur le baudet ! Avocats, architectes, médecins, experts-comptables comptables… Tous réclament la suppression du nouveau format fiscal, allant jusqu’à manifester leur exaspération dans un mouvement de contestation inédit…
Aux dernières nouvelles, les avocats ont obtenu gain de cause sur certains des aspects de leurs revendications comme la baisse à 300 DH au lieu de 500 DH l’avance sur impôt pour chaque dossier et l ‘exonération fiscale au profit des nouveaux avocats pendant les cinq premières années d’exercice professionnel. Or, le prélèvement à la source a été instauré sans bruit en France depuis janvier 2019 pour les avocats exerçant à titre individuel. Au Maroc, il est imposé depuis des lustres aux salariés aussi bien du privé que du public. Mais ce régime ne plaît pas aux professions libérales marocaines soumises jusque-là à une déclaration annuelle. Sauf que celle-ci favorise justement la sous-déclaration, l’absence de transparence et ne va pas par conséquent dans le sens de la justice fiscale que tout monde réclame dans les discours et l’appelle de ses vœux. Mais dès qu’il s’agit de sortir des slogans pour lui donner un contenu concret, le ton change, la tension monte et la résistance s’organise pour que rien ne change… Drôle d’attitude !
Disons le tout de go : La levée de boucliers suscitée chez les professions libérales par la modification du cadre d’imposition met en lumière une certaine lutte corporatiste pour sauvegarder des acquis, un réflexe d’autodéfense dans un contexte de crise qui bouscule le confort des positions sociales acquises par des activités habituées à l’indulgence fiscale. Force est de constater que ce mouvement de contestation met en avant la défense des intérêts particuliers de certaines catégories socio-professionnelles au détriment de l’intérêt collectif. Et le devoir de solidarité, bon sang ? Ils s’en fisc !
La conjoncture actuelle marquée par une tension sans précédent sur les finances publiques (généralisation de l’assurance maladie obligatoire, hausse considérable des charges de la compensation pour le gaz butane et le blé, subvention carburant accordée aux transporteurs) sont censés imposer d’autres réflexes. L’État, appelé en plus à financer toutes les politiques publiques et à tenir ses engagements de premier investisseur, ne peut plus se permettre de subir des moins-values fiscales importantes générées par des régimes qui freinent l’élargissement de l’assiette fiscale et empêchent du coup le traitement du contribuable sur un pied d’égalité. Dos au mur, le gouvernement n’a d’autre choix que de ramener sur le chemin de la juste imposition des activités championnes de la sous-déclaration, de l’évasion et de la fraude fiscale.Cette dérive corporatiste naissante, conduite de manière véhémente par les avocats, est antinomique avec la cohésion sociale qu’il faut préserver en jouant notamment la carte de confiance qu’il faudra construire. Ce qui signifie que les pouvoirs publics doivent à leur tour faire preuve de transparence sur l’usage fait de l’argent du contribuable en montrant qu’il est judicieusement investi dans des projets utiles pour la communauté et des services publics de qualité (hôpital, école, transport en commun, administration…). Tout un programme. Une véritable gageure. C’est à ce prix que la contribution fiscale cessera d’être considérée comme une mesure impôt-pulaire.