Une équipe du Canard a été reçue par le ministre de l’Enseignement supérieur Abdellatif Miraoui pour analyser le boycott massif des examens par les étudiants en médecine et pharmacie.
Les étudiants en médecine et pharmacie ont massivement boycotté les examens de juin. Qu’en pensez-vous ?
Je n’en pense rien. J’avoue qu’il s’agit-là d’une équation complexe pour le pays mais ce n’est pas mon problème même si les chiffres des boycott oscillent entre 80 et 90% à l’échelle nationale. Je n’en perd pas l’appétit, je reste zen.
C’est le problème de qui alors?
C’est le problème des étudiants, des boycotteurs. Et de leurs parents qui n’ont pas su les convaincre de reprendre le chemin des facultés. Je le répète : c’est leur échec, pas le mien.
Mais comment peut-on passer des examens alors que les étudiants en médecine et pharmacie n’ont pas pu suivre ni les cours théoriques ni les travaux pratiques?
Ce n’est pas mon problème si les quelques futurs médecins ne sont pas assez formés pour cause de boycott des cours.
Mais vous auriez pu éviter avec votre collègue de la Santé ce scénario-catastrophe qui ressemble à une année blanche…
Non, ce n’est pas une année blanche puisque les examens ont eu lieu.
Il était hors de question pour moi de revenir sur la décision de réduire les années d’études de 7 à 6 ans. Il y allait de notre crédibilité en tant que gouvernement.
Mais au fait, pourquoi avez-vous baissé la durée du cursus ? Personne, ni vous ni votre collègue n’a donné des explications à ce sujet ?
On veut stopper l’hémorragie des médecins qui mine gravement le secteur national de la santé confronté à une grave pénurie de praticiens. En clair, le gouvernement tient à garder ses médecins formés au pays avec l’argent public en les empêchant de s’expatrier.
Mais ce n’est pas en réduisant d’une année le nombre d’années de formation que l’on agit sur la migration des blouses blanches, qu’ils soient médecins ou infirmiers….
Je suis tout à fait d’accord mais il fallait tenter quelque chose pour provoquer une prise de conscience quant à l’ampleur de la fuite des médecins, soit près de la moitié des 2100 médecins formés au Maroc. Si on les laisse partir sans les freiner, on risque de se retrouver sans médecins pour soigner les Marocains…
Mais le problème chronique de la médecine au Maroc c’est qu’elle manque d’attractivité notamment dans le secteur public : absence de motivation financière, carence de moyens…
Je sais que les pays développés qui nous piquent nos médecins et infirmiers leur offrent des conditions salariales alléchantes. Sur ce plan, il est vrai que nous ne sommes pas compétitifs.
Cela porte un nom : la mobilité ou la mondialisation des compétences. Plus de frontières qui tiennent…Avez-vous une stratégie pour convaincre les futurs médecins de rester dans leur pays ?
Franchement non. Mais je suis convaincu que le vrai cancer du Maroc c’est la migration massive de ses médecins.