Fruit d’une vision royale éclairée pour la région de Nador, la valorisation de la presqu’ île de Marchica a bénéficié dès 2009 d’un financement public colossal pour devenir un pôle d’éco-tourisme de premier plan. Mais la mauvaise gouvernance a en a décidé autrement…
Chorionique d’un ratage.
Marchica est un joyau de la Méditerranée, unique en son genre, qui a tous les atouts pour devenir une destination touristique à haute valeur écologique.
Mais la mise en œuvre des projets programmés dès 2009 a connu un énorme retard et bien des ratages avec de forts soupçons de malversations pesant sur la gouvernance de l’ex-directeur général Saïd Zaro.
Celle-ci a fait l’objet d’un mission d’enquête de la Cour des comptes, dont le rapport a été transmis récemment à la justice, dans la foulée de son remplacement en novembre 2023 par l’ex-secrétaire d’État au Tourisme Lamia Boutaleb, chargée de relancer un méga-projet qui s’est enlisé plus que de raison alors que des moyens colossaux lui ont été alloués. Plusieurs investissements ont englouti des milliards sans voir le jour. Des relents de faillite douteuse s’en exhalent.
Bienvenue à Marchica Med , un projet très ambitieux, fruit d’une vision royale éclairée. Objectif : valoriser les attraits naturels de la région de Nador via la réalisation de 7 cités thématiques autour de la lagune de Marchica qui représente un écosystème naturel d’une superficie de 115 km² : Cité d’Atalayoun, Cité des deux mers, la Ville Nouvelle de Nador, le Village des Pêcheurs, la Baie des Flamands, Marchica Sport et les vergers de Marchica.
D’un montant d’investissement de 26 milliards de DH dont 1,5 consacré à la dépollution de la lagune, ce mega-chantier prévoit la réalisation de golfs, d’espaces dédiés aux sports nautiques et équestres, de zones d’hôtellerie, de zones résidentielles et de ports de pêche et de plaisance. «Chacun des projets donnera lieu à la création de filiales distinctes, qui accueilleront, aux côtés de l’Etat, la participation de capitaux privés », annonçait l’agence Marchica dès 2009. Mais toutes ces composantes sont encore figées au stade de projets et seul un hôtel 5 étoiles, Machica Lagoon resort, a pu sortir de terre à ce jour. Séparé de la Méditerranée par un cordon littoral fragile de 25 km de long, ce site lagunaire a tout pour devenir un pôle touristique de premier plan.
Allant au-delà de l’aménagement touristique du site de cette belle lagune, la vision royale s’inscrivait dans le cadre d’un vaste programme de développement économique et territorial de l’ensemble de la région de l’oriental.
D’où l’intérêt multiforme de lagune sur les plans à la fois biologique, écologique, touristique et économique. Autant d’attraits qui lui ont valu d’être classée Site d’intérêt biologique et écologique (SIBE) ainsi que Ramsar (Convention sur les zones humides) depuis 2005. Mais la mise en œuvre de ce projet ambitieux a été victime d’un problème de pilotage. Allant au-delà de l’aménagement touristique du site de cette belle lagune, la vision royale s’inscrivait dans le cadre d’un vaste programme de développement économique et territorial de l’ensemble de la région de l’oriental.
Projet-phare de cette région pleine de potentiel , s’étirant sur une superficie de 20.000 hectares, conçu pour transformer la face des villes de Nador et Beni-Ansar, Marchica Med forme un prolongement côtier vers l’enclave marocaine de Melilia. Marchica Med recèle aussi une vocation stratégique par l’émergence d’un pôle de compétences et de développement durable en cohérence avec les grands projets de la région, notamment le complexe portuaire Nador West Med, l’agropole de Berkane et la centrale thermo-solaire de Ain Beni Mathar. Carrefour multiculturel, Nador a forgé son histoire au contact de plusieurs civilisations : phénicienne, carthaginoise, romaine et tamazight.
C’est une ville en plein essor touristique grâce à sa lagune, sa corniche et son port. Elle possède aussi un aéroport desservi par les compagnies Royal Air Maroc et Ryanair ainsi que deux gares desservant Casablanca, Taourirt, Fès et Tanger. Il est aussi possible d’arriver en ferry depuis Almeria avec la compagnie Trasmediterranea qui dessert régulièrement la ville. Depuis Sète, la compagnie Grandi Navi Veloci effectue deux liaisons par semaine.
Il est vrai que l’agence Marchica Med, créée en vertu de la loi N° 25-10, pour piloter l’exécution de ce complexe d’envergure , a été confrontée à un mouvement de contestation de la population locale juste après l’élaboration du plan d’aménagement. Les protestataires se recrutent notamment parmi les riverains qui voient d’un mauvais œil les procédures de leur expropriation pour utilité publique. Mais ce probleme, qui sera réglé par les autorités, ne justifie guère les lacunes qui ont plombé le développement de la lagune.