Rencontre avec Charafat Afilal : « Certains choix agricoles demeurent inadaptés au contexte climatique »

Charafat Afilal, ex-ministre PPS.

Ancienne ministre déléguée auprès du ministre de l’Energie, des mines, de l’eau et de l’environnement, chargée de l’eau, Charafat Afilal  revient dans cet entretien sur le stress hydrique qui touche le Maroc et les solutions à mettre en œuvre pour en atténuer l’impact. 

Le Canard Libéré : Quels ont été les principaux défis auxquels le Maroc a dû faire face en matière de gestion des ressources en eau au cours des 25 dernières années ?

Charafat Afilal : Le Maroc est confronté à plusieurs défis majeurs en matière de gestion des ressources en eau. Le premier défi concerne les effets du Changement Climatique qui impactent considérablement le cycle hydrologique. Des baisses substantielles des précipitations ont été observées dans les bassins du Nord. Les projections futures du GIEC dans son 6ème rapport ne sont pas non plus rassurantes, soulignant ainsi l’urgence de développer des stratégies résilientes pour faire face à ces défis croissants. Le  deuxième défi  est lié à la rareté et la variabilité des précipitations. Le Maroc fait face à des précipitations souvent irrégulières et disparates dans le temps et dans l’espace, ce qui complique la gestion des ressources en eau. En effet, 70% des précipitations se concentrent sur seulement 15% du territoire national.

La pression démographique et l’urbanisation posent un défi non négligeable à la  croissance démographique et l’urbanisation rapide qui  ont entraîné une demande croissante en eau autant pour l’approvisionnement en eau potable que pour d’autres secteurs de production.

Le défi majeur  reste sans conteste l’agriculture intensive et la  vétusté  des systèmes d’irrigation. Certains choix de développement agricole au Maroc demeurent inadaptés au contexte climatique et dépassent les capacités hydriques locales, entraînant parfois une surexploitation alarmante des ressources disponibles. L’agriculture, étant le principal consommateur d’eau comme partout dans le monde, est parfois affectée par des pratiques d’irrigation inefficaces dues à la vétusté des systèmes d’approvisionnement en eau. De plus, l’extension non contrôlée des terres agricoles irriguées par les réserves souterraines a exacerbé la surexploitation des nappes phréatiques stratégiques du pays. Ces défis représentent des obstacles majeurs à la durabilité des ressources en eau nationales. De tous ces défis découle la nécessité impérieuse de relever le challenge de la gouvernance. La gestion intégrée des ressources en eau et la coordination entre les divers secteurs et niveaux de gouvernance représentent un défi constant. Il est crucial de promouvoir une convergence efficace des politiques sectorielles pour assurer une gestion intégrée et durable des ressources en eau. Ces défis nécessitent des stratégies et des politiques adaptatives et résilientes pour garantir la sécurité hydrique  du pays.

Pouvez-vous nous expliquer les grandes lignes de la stratégie nationale de l’eau lancée sous le règne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI ?

Tout d’abord le secteur de l’eau a toujours été une priorité pour les plus hautes institutions de l’État au Maroc, grâce aux visions éclairées et aux orientations stratégiques de l’institution monarchique. Sous le règne de Feu Hassan II, pionnier de la politique de mobilisation des ressources en eau à travers de grands aménagements hydrauliques, le pays a considérablement avancé dans la généralisation de l’accès à l’eau potable et le développement de l’agriculture irriguée. Cette politique a été poursuivie et renforcée sous le règne de Mohammed VI, qui supervise directement le programme prioritaire de l’approvisionnement en eau potable et l’irrigation 2020-2027 et de nombreux grands chantiers qui en découlent, témoignant ainsi de l’engagement continu su souverain envers la sécurité hydrique nationale. En plus de la construction de grands barrages, des efforts ont été déployés pour la diversification des sources d’approvisionnement notamment la promotion des eaux non conventionnelles, la modernisation des infrastructures hydrauliques afin de les rendre plus efficaces et durables, et l’amélioration de la gouvernance du secteur.

Quels sont les projets phares initiés par SM le Roi  Mohammed VI pour améliorer l’approvisionnement en eau potable dans les zones rurales ?

Sous le règne de Sa Majesté le Roi Mohammed  VI d’ambitieux programmes et projets ont été lancés pour généraliser l’accès à l’eau potable dans les zones rurales du Maroc. Ces programmes portent sur la mise en place des systèmes d’approvisionnement plus durable via grandes adductions et des stations de traitement situées à l’aval des barrages.  Grâce à ce modèle, le taux d’accès à l’eau potable  en milieu rural a atteint environ 98%, ce qui a eu des retombées positives sur le développement humain en milieu rural.

Quels progrès ont été réalisés dans le domaine de la réutilisation des eaux usées et le dessalement de l’eau de mer ?

Pour faire face aux défis croissants liés au stress hydrique, le programme prioritaire de l’eau potable et de l’assainissement 2020-2027 prévoit l’accélération de l’investissement dans la mobilisation des eaux non conventionnelles notamment le dessalement et de la réutilisation. Dans le domaine de la réutilisation des eaux usées, des avancées significatives ont été réalisées, dans le cadre de la mise en place du Plan National de l’Assainissement Mutualisé en impulsant la composante de la réutilisation.

Dans le domaine du dessalement un programme ambitieux est prévu dans le cadre du programme prioritaire visant à intensifier les efforts d’investissement dans la technologie du dessalement sur le littoral, où les ressources en eau douce sont limitées. Cette approche permet de répondre à la demande croissante en eau potable et industrielle dans les régions côtières, souvent confrontées au stress hydrique. 16 grandes stations de dessalement sont programmées à l’horizon de 2045. L’intégration d’énergies renouvelables comme source d’alimentation pour les stations de dessalement démontre le leadership du Maroc  dans la transition vers une économie plus verte et plus durable. Le coup d’envoi de la plus grande station de dessalement en Afrique situé à Casablanca a été donné récemment  par le prince héritier, marquant ainsi une étape significative dans la sécurisation de l’approvisionnement en eau dans la région. Cette saltation prévoit la production de 300 millions de m3 par an pour sécuriser l’accès à l’eau potable de 4.3 millions d’habitants.

En conclusion, la réutilisation des eaux usées et le dessalement de l’eau de mer représentent des axes stratégiques essentiels pour atténuer les pressions sur les ressources en eau dans le contexte de stress hydrique croissant. Les progrès technologiques, les initiatives nationales et les investissements continus sont cruciaux pour développer ces solutions de manière durable.

Quelles initiatives ont été prises pour sensibiliser les citoyens à l’importance de la conservation de l’eau et à une utilisation plus efficace ?

Plusieurs initiatives visant à sensibiliser les citoyens à l’importance de la conservation de l’eau et à une utilisation plus efficace des ressources hydriques ont été lancées par les différents acteurs. Il s’agit  notamment  de Campagnes de sensibilisation publique, de dispositifs éducatifs dans les écoles  et de plateformes numériques.  Ces initiatives jouent un rôle crucial dans la sensibilisation des individus et des communautés à adopter des comportements et des pratiques qui contribuent à une gestion plus responsable et durable des ressources en eau.

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