Au fil des années, le Maroc a lancé une palette de politiques d’aménagement tous azimuts, qui ont bénéficié à une infime minorité de population à cause de l’absence de cap et de colonne vertébrale structurante. Ce constat mitigé doit nous faire réfléchir à la mise en place de réformes profondes favorisant des approches pluridisciplinaires orientées vers les résultats, condition sine qua non pour atteindre des améliorations palpables des conditions de vie des individus dans nos villes et villages.
D’une manière méthodique, il est crucial de réussir la combinaison d’une stratégie de planification territoriale robuste permettant de se projeter dans le temps long, et des instruments rapidement actionnables facilitant la réalisation de projets d’intérêt général qui s’adaptent en temps réel pour inclure les réalités changeantes de chaque bassin de vie. Pour donner un nouvel élan à cette vision intégrative, il paraît indispensable d’instaurer des Observatoires régionaux de l’excellence territoriale (ORET) qui auront la mission de guider la prise de décision dans une logique participative. De la même manière, il faudrait placer le métier d’urbaniste au centre de l’action publique en vue de donner une cohérence à nos territoires et garantir leur épanouissement sur le long terme.
Pour cela, nous devons ré-imaginer de nouvelles organisations en capacité de piloter les grands changements et d’anticiper les futures transformations, en s’inspirant du modèle asiatique, qui a fait ses preuves via des structures puissantes dédiées à la prospective, à l’image du Seoul Institute et de l’Urban Redevelopment Authority (URA) déployée par Singapour.
S’agissant des agences urbaines, il est grand temps de les réinventer pour en faire des entités jouant le rôle de libérateur de la créativité et de co-constructeur de lieux de vie et de prospérité, plutôt que celui de gendarme veillant au respect de normes dénuées de tout fondement qui produisent des aberrations dans bien des cas et freinent les ambitions progressistes. Notre pays gagne en attractivité, en s’appuyant sur une diplomatie active qui enregistre des succès extraordinaires sur le plan sportif grâce au fort portage du Roi Mohammed VI. Comme concrétisation de cette réussite, l’organisation conjointe de la Coupe du monde 2030 par le Maroc constitue un outil de soft- power pour agir à bon escient. En d’autres termes, il est important de saisir cette formidable occasion pour élever nos standards en matière d’aménagement du territoire et de connectivité, en recherchant constamment les meilleures innovations pouvant rendre nos territoires idéales pour vivre, travailler et se divertir.
Gestion chaotique
Concrètement, la recherche continue de la performance territoriale implique le déploiement d’une gestion responsable et rigoureuse des actifs municipaux, pouvant augmenter les revenus et mieux gérer les risques. Il est clair que la diversité des villes sélectionnées pour accueillir cet évènement planétaire dénote du grand potentiel offert par nos territoires. Ainsi, ce moment sportif fédérateur pourrait sortir certaines villes d’importance du déclin, comme Fès qui souffre depuis de longues années d’une gestion chaotique marquée par une croissance atone et dépourvue de toute vision ou socle stratégique créateur de richesses urbaines au service du bien-être des populations. De manière pragmatique, Il est fondamental de donner le pouvoir aux nouvelles générations détentrices de compétences reconnues et valoriser davantage le tissu local.
En même temps, il y a une nécessité de construire des modules de formation en direction des élus et des dirigeants de services techniques, tout en faisant évoluer les processus de désignation des candidats aux élections municipales, pour éviter les erreurs de casting qui coûtent très cher à nos villes, sans oublier de durcir les contrôles tout en musclant les sanctions à l’égard des élus ne respectant pas les règles de probité et d’éthique. Réellement, la technologie renforce la transparence de la gestion territoriale via la possibilité de soumission du budget municipal au vote des citoyens à travers une plateforme numérique dédiée. En conclusion, les villes disposent de plusieurs options pour améliorer nos expériences urbaines quotidiennes et s’adapter aux exigences futures, notamment dans le domaine des transports, de la planification, de l’énergie, de la sécurité publique et de la santé. Le mieux serait de prototyper des initiatives sur mesure répondant à des besoins précis et intuitivement identifiés.
Sur le plan du financement, il existe des outils modulaires à l’instar des obligations municipales, des partenariats public-privé et de la levée de fonds auprès des investisseurs. La solution du crowdfunding incitant à une collaboration d’un public large autour de projets inclusifs, forme également une piste d’avenir. A chaque ville d’adopter la stratégie intelligente adéquate en se servant essentiellement du design urbain comme moyen de reconquête de nos espaces publics et de cohésion au vu de sa vocation de connecteur des personnes et des lieux.
Par Mohammed El Kettani, Expert international en Stratégie, Durabilité et Innovation