C’est sans surprise que Kais Saïed décroche un deuxième mandat alors qu’il a mené la Tunsie au bord du gouffre politique, social et économique. Le rêve du changement s’éloigne plus que jamais.
Après avoir écarté ses adversaires les plus sérieux dont l’un d’eux a écopé de 12 ans de prison ferme pour « falsification de parrainages » et modifie la loi électorale en pleine campagne, le président sortant a balisé le terrain pour sa propre succession. Sans surprise, il sort vainqueur du scrutin de dimanche 6 octobre.
Kais Saïed, dont le nouveau mandat expire en 2029, n’est pas fou pour lâcher le pouvoir. Il l’a même conservé avec un score soviétique, 90,7 et un taux de participation officiel de 28,8%, soit le plus fort taux d’abstention à une élection présidentielle depuis 2011. Ce n’est pas un plébiscite compte tenu de ce qui ressemble à une immense indifférence du peuple à l’égard de cette élection sans enjeu. Les autres candidats ont obtenu des scores maigres : Ayachi Zammel, un industriel libéral inconnu du grand public qui n’a obtenu que 6,9 % des voix. Le troisième, un député de la gauche panarabe Zouhair Maghzaoui, 59 ans, s’est adjugé seulement 3,9% des suffrages, selon des données de l’institut Sigma Conseil diffusées sur la télévision nationale.
Prenant la parole dimanche soir dans son quartier général de campagne, le président réélu a déclaré , sur un ton martial, vouloir «poursuivre la Révolution de 2011» et bâtir «un pays nettoyé des corrompus et des complots». «La Tunisie restera libre et indépendante et n’acceptera jamais l’ingérence étrangère», a-t-il lancé, plus populiste que jamais.
Le bilan du précédent mandat de Kais Saied ? Environ 170 opposants et citoyens critiques de son régime embastillés, recul des libertés, baillonnage des médias et confiscation des acquis de la révolution des œillets de 2011 dans le sillage de la chute du régime de Benali. Ceux qui ont vu en lui le sauveur providentiel de la Tunsie mesurent aujourd’hui à quel point ils se sont trompés. Cette dérive autoritaire a soumis le pays, aux prises avec une crise économique et sociale étouffante, à une chape de plomb telle qu’elle a accentué l’exaspération populaire et accéléré la fuite des compétences. Les Tunisiens qui méritent mieux que leur sort actuel doivent prendre leur mal en patience et supporter Saïed jusqu’en 2029.