Scandale à la CNOPS : Abdelaziz Adnane viré comme un malpropre!

En poste  à la tête de la CNOPS depuis 2005, le directeur général de la CNOPS a été mis à la retraite dans des circonstances outrageantes pour un haut fonctionnaire compétent et intègre au bilan plus qu’honorable. Décryptage d’un coup de force !

Ahmed Zoubaïr

La nouvelle s’est répandue en début de soirée du vendredi 29 novembre comme une traînée de poudre. Un communiqué émanant de la CNOPS indique un changement à sa tête, confirmant une rumeur insistante qui a circulé quelques jours plus tôt.

Exit le directeur général, Abdelaziz Adnane. Bonjour Lahcen Laghdir, « le directeur-adjoint de la CNSS», « nommé par le chef du gouvernement » pour assurer l’intérim. En moins de 24 heures, le sort de M. Adnane est scellé. Quelle célérité ! La cérémonie de passation de pouvoirs a lieu dans la foulée sans la présence de celui qui a appris la décision de sa mise à l’écart dans la matinée de ce vendredi même via une lettre signée par le directeur du budget! Précision significative, cette cérémonie s’est déroulée sous la houlette d’un syndicaliste, Miloud Massid, qui fait office de président du Conseil d’administration de la CNOPS. Est-ce pour cette raison que M. Adnane a refusé d’y assister lui qui a été installé dans ses fonctions à la tête de la CNOPS en 2005 par Mustapha Mansouri, ministre RNI de l’Emploi de l’époque? Deux décennies plus tard, c’est un dirigeant syndical, entouré d’une kyrielle de patrons de mutuelles, qui est chargé de cette formalité ! Un changement dont les connaisseurs des dessous des cartes de l’assurance maladie et de ses enjeux financiers colossaux interprètent comme un retour en force des syndicats dans la gestion des deniers publics dans le domaine de la santé. Ce que la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, a reconnu officiellement en déclarant mardi 26 novembre devant la commission des Finances et du Développement économique que le gouvernement compte continuer à « s’appuyer sur les acteurs syndicaux dans la gestion  » de la fusion CNSS et CNOPS…

Nommé par décret du temps de l’ex-Premier ministre Driss Jettou, Abdelaziz Adnane, 70 ans, a été maintenu en poste par le conseil d’administration au-delà de la limite d’âge. Certes, il aspire au repos, comme tout fonctionnaire ou commis de l’État. Mais après plus de 40 ans de bons et loyaux services dans le dévouement à l’Etat, il était en droit d’attendre un départ dans des conditions plus dignes. Avec une cérémonie en son honneur à l’occasion de son départ à la retraite. Au lieu de cela, M. Adnane s’est fait débarquer de manière brutale sans même que son nom ne soit cité dans le communiqué ! Du jamais vu en pareil rituel… Mieux encore, il n’a pas eu, dans une enfreinte aux usages, le moindre compliment sur son action passée alors que son successeur, le directeur par intérim, inconnu au bataillon, a fait l’objet d’un panégyrique sur « sa compétence et son expertise ». La volonté d’humilier est plus que manifeste… Ceux qui ont côtoyé Abdelaziz Adnane autant dans la sphère administrative que dans le landernau médical furent choqués par cette attitude qui respire un manque de considération flagrant, surtout pour un serviteur de l’État réputé pour sa compétence et son intégrité. Est-ce ainsi que l’on remercie désormais les hommes de la haute fonction publique ? s’interrogent d’aucuns…

Et pourtant, le Maroc de la santé doit beaucoup à Abdelaziz Adnane qui peut se targuer d’un bilan plus qu’honorable. Sa gestion en bon père de famille des ressources de la CNOPS mais aussi ses multiples alertes sur la cherté du médicament et des dispositifs médicaux remboursables qui ont abouti depuis quelques années à une révision régulière de leurs tarifs par le ministère de la Santé. Fait assez rare pour être souligné, l’ONG Transparency Maroc lui décerne en 2013 le prix de l’intégrité « en reconnaissance de son engagement et de ses positions courageuses contre les abus qui caractérisent les secteurs du médicament et des prestations médicales ainsi que pour son action, à la tête de la Caisse, pour améliorer sa gouvernance et la qualité de ses services rendus».

Auréolé d’une réputation d’incorruptible et de manager public honnête et rigoureux, Abdelaziz Adnane ne craignait pas de dénoncer à haute voix les superprofits réalisés par les lobbys pharmaceutiques aux dépens des patients et de sévir contre les fraudes dans le secteur de production de soins. Mais rien de concret en revanche n’a été entrepris par le gouvernement actuel, qui a fait le choix contesté de fourguer la CNOPS a la CNSS, ni les précédents pour agir sur les facteurs structurels menaçant l’équilibre financier de l’organisme de prevoyance des fonctionnaires, aujourd’hui déficitaire, à savoir la faiblesses du taux de cotisation et son plafonnement, le vieillissement de la population et la flambée spectaculaire de certains postes de dépenses.

La mise à la retraite de Abdelaziz Adnane intervient dans le sillage du projet de loi controversé de l’absorption de la CNOPS par la CNSS avec lequel il est en désaccord. Une « réforme » approuvée le 7 novembre en conseil de gouvernement dans sa nouvelle version qui a obtenu l’imprimatur de l’UMT après que celui-ci a dénoncé avec véhémence la mouture initiale. Veni, vidi, vici ! C’est la victoire du syndicalisme mokharikien !

Avec la mise à la retraite de Abdelaziz Adnane, c’est un expert de la protection sociale et de l’actuariat que l’on éloigne. Or, c’est dans le contexte actuel, crucial pour la réussite d’une réforme stratégique et complexe qu’il peut être utile au pays. Mais il semble que son savoir-faire connu et reconnu dans ce domaine essentiel n’est pas utile -il est même gênant – pour ceux qui ont échafaudé un autre scénario pour l’assurance maladie… A votre santé !

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