Ahmed Zoubaïr
Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani s’est rendu récemment en visite privée au Maroc pour s’enquérir de l’état de sa femme en séjour médical à Rabat. A cette occasion, SM le Roi Mohammed VI a reçu le chef de l’état mauritanien le vendredi 20 décembre 2024 au palais royal de Casablanca. La rencontre entre les deux chefs d’État « s’inscrit dans le cadre des relations solides de confiance et de coopération liant les deux pays et des liens de fraternité sincère unissant les deux peuples frères », a indiqué à l’issue de cette audience le cabinet royal dans un communiqué qui fait état de la teneur de l’entrevue : Le Roi Mohamed VI et M. Ould Cheikh El Ghazouani « ont aussi affirmé leur détermination à développer des projets stratégiques pour la liaison entre les deux pays voisins, et à coordonner leurs contributions dans le cadre des Initiatives royales en Afrique, particulièrement le gazoduc Africain-Atlantique et l’Initiative visant à favoriser l’accès des États du Sahel à l’Océan Atlantique».
Le déplacement du chef de l’État mauritanien a suscité un vif intérêt dans le landerneau politique et médiatique des deux pays où il a été copieusement commenté. De part et d’autre, on y décèle les signes d’un rapprochement bienvenue et largement souhaité entre les deux pays. Et pour cause. Combien même s’inscrivant dans un cadre privé, la visite de M. Ould Cheikh El Ghazouani au Maroc revêt une signification particulière surtout qu’une dizaine de jours plutôt il a reçu la visite de son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune dans le cadre de la Conférence continentale sur l’éducation, la jeunesse et l’employabilité organisée à Nouakchott. Il s’agit de la première visite d’un président algérien en Mauritanie depuis 37 ans, la dernière visite remontant à 1987 a été effectuée par le président Chadli Bendjedid dans la ville mauritanienne de Nouadhibou.
Comme il fallait s’y attendre, la séquence marocaine de Cheikh El Ghazouani n’a pas été du goût du régime des caporaux algériens qui dans leur délire doivent la considérer comme un acte de trahison. Ces derniers temps, les deux régimes ont multiplié les gestes de rapprochement, moins à l’initiative de Nouakchott que d’Alger qui a toujours agi pour mettre son voisin sous tutelle en l’empêchant de développer une coopération sans complexe, franche et fructueuse avec son voisin naturel qu’est le Maroc. Ce que la junte militaire algérienne a réussi en partie en jouant de sa capacité de nuisance et de déstabilisation de la Mauritanie dont les dirigeants, pour préserver leur pouvoir, veillent à trouver un point d’équilibre dans ce jeu d’influence et de « guerre froide» que livre depuis 1975 l’ennemi algérien au Maroc. Isolée diplomatiquement sur les scènes régionale, continentale et internationale, la junte militaire algérienne, aux abois et sans projet sauf celui de nuire, s’accroche au voisin mauritanien qu’elle instrumentalise dans son entreprise hostile contre le Maroc.
Souffrant de cette tension géopolitique permanente, la relation maroco-mauritanienne a toujours été rythmée de fâcheries et de réconciliations. Mais ces derniers temps, les points de friction ont tendance à se multiplier. Fin décembre 2023, les responsables mauritaniens, visiblement poussés par les généraux algériens, instaurent de manière unilatérale une taxe vertigineuse aux camions marocains transportant les produits agricoles qui transitent par la Mauritanie… Ce pays est de par sa situation géographique un passage obligé et incontournable vers l’Afrique de l’Ouest et le Sahel. D’ailleurs, l’Initiative du Roi Mohammed VI pour favoriser l’accès des États du Sahel à l’Océan Atlantique, que Nouakchott soutient du bout des lèvres, ne sera pas viable si la Mauritanie n’y adhère pas pleinement. Pour cela, il faut que Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani cesse de céder aux pressions d’Alger pour faire capoter le grand projet royal proposé dans son discours du 6 novembre 2023.
Ce qui suppose un certain courage politique et l’affranchissement de la tutelle contreproductive des caporaux algériens. Étant entendu que l’avenir de la Mauritanie et la prospérité du peuple mauritanien se trouvent dans une coopération étroite avec le Maroc, l’Algérie n’ayant rien à proposer ni au Maghreb ni à l’Afrique, encore moins à son peuple, sauf sa haine pathologique du Maroc et son anachronisme politique et géopolitique, porteurs de sous-développement et de régression. Même si les relations politiques maroco-mauritaniennes ne sont pas vraiment au beau fixe (la Mauritanie n’a toujours pas retiré sa reconnaissance à la pseudo-RASD !), la coopération économique, elle, est un modèle du genre. Premier investisseur africain en Mauritanie, le Royaume est présent dans divers secteurs d’activité comme les télécoms, les banques, la pêche, la construction, les services et la logistique. Le niveau des échanges commerciaux entre les deux pays n’a de cesse de se développer, ce qui est prometteur pour l’avenir. La relation politique, qui manque de franchise côté mauritanien, doit se hisser à la hauteur du partenariat économique», explique un diplomate marocain qui ajoute que « le temps est venu pour les autorités mauritaniennes de choisir leur camp et de sortir de leur politique de « ni chair ni poisson» pour s’inscrire clairement dans la dynamique de développement régional et continental initiée par le Maroc ».
Une idée largement partagée par la classe politique mauritanienne, la société civile et les leaders d’opinion qui poussent sans cesse vers un véritable rapprochement avec le Maroc. Mais le président Ould Cheikh El Ghazouani continue à faire la sourde oreille à cette revendication de bon sens… La Mauritanie n’est pas seulement stratégique pour l’Initiative Atlantique pour le Sahel. Elle l’est aussi pour le gazoduc Maroc-Nigeria (qui était au centre avec cette Initiative au centre de l’entrevue royal avec le président mauritanien) depuis la découverte du champ gazier offshore Grande Tortue Ahmeyim (GTA), situé à la frontière maritime avec le Sénégal. L’implication effective de la Mauritanie dans ce mégaprojet est de nature à lui donner une nouvelle dimension en permettant à Nouakchott d’exporter son gaz vers le continent européen.
Sur ce chantier stratégique aussi, l’Algérie fait pression sur la Mauritanie pour favoriser le gazoduc Transsaharien qui représente l’un des principaux projets de partenariat conclu en 2001 entre l’Algérie et le Nigeria pour le transport de gaz naturel vers l’Europe. Mais ce projet se trouve dans l’impasse en raison de considérations notamment sécuritaires liées à la présence de groupes armés au Niger… Ce projet mort-né, que la partie algérienne a récemment cherché à relancer vainement, ouvre une voie royale au gazoduc Maroc-Nigeria considéré comme une alternative crédible de par sa capacité à impulser une nouvelle dynamique tant sur le plan géopolitique que sur le plan énergétique. Comment? en reliant l’ensemble des pays de l’Afrique de l’Ouest au Maroc, ce qui ferait émerger un marché régional du gaz naturel et permettre aux pays connectés d’accéder à une énergie propre et bon marché. L’audience royale accordée au président mauritanien est-elle annonciatrice d’une émancipation du pouvoir mauritanien par rapport à la junte disjonctée d’Alger et une réconciliation définitive avec Rabat?
L’avenir proche nous le dira.