Le Maroc doit tout entreprendre pour réduire sa dépendance vis-à-vis des solutions IA étrangères.
Seddik MOUAFFAK
Le gouvernement a organisé les 1er et 2 juillet 2025 la première édition des assises de l’intelligence artificielle (IA) Les promoteurs de cette manifestation se sont fixés comme objectif de « définir les contours d’une stratégie nationale d’une IA souveraine, adaptée aux besoins de la population et des secteurs stratégiques du Maroc », selon les termes de Amal El Fellah Seghrouchni, ministre en charge de la Transition numérique et de la Réforme de l’Administration, lors de son intervention devant un parterre de participants.
Ces premières assises de l’IA, tout en lançant une réflexion inédite sur les opportunités offertes par cette technologie de rupture, n’en posent pas moins de défis pour le présent et l’avenir. D’autres pays, parmi les plus développés, et à leur tête les Etats-Unis d’Amérique, suivis de plus près par la Chine, nous ont devancé dans ce domaine. Tout près de nous, l’Europe essaie de rattraper le retard. Il est de plus en plus certain que celui qui domine l’intelligence artificielle domine le monde. Les autres pays d’Asie, d’Amérique et d’Europe suivent tant bien que mal cette course au leadership mondial.
Chacun de ces leaders fait tout pour mener la danse en vendant au prix fort ses dernières solutions IA. L’inventeur de chatbot d’intelligence artificielle ChatGPT est désormais valorisé à 300 milliards de dollars. Ce qui signifie que l’IA est une affaire de matière grise mais aussi d’investissements lourds à consentir pour entrer dans ce nouveau marché hautement juteux. Le Maroc veut-il se positionner comme destination qui attire les gros capitaux dans cette technologie révolutionnaire? Pour le moment, le Maroc fait partie, à l’instar des pays émergents, consommateurs des solutions IA américaines et chinoises qui dominent le marché. Le défi est tel que notre pays doit agir pour favoriser les conditions de sa souveraineté numérique en agissant sur les facteurs décisifs que sont la formation des compétences dans ce domaine et la création d’un écosystème performant et compétitif.
Les bonnes intentions sont là. La prise de conscience aussi. Mais le Maroc ne fera pas ce l’IA un allié de taille dans les différents usages avec juste la signature de conventions ministérielles. Nous n’avons pas encore construit les bases solides pour prendre le train de la révolution IA en cours. Le chemin est difficile, long, car dans ce domaine, ce qui compte le plus c’est le passage à l’action. A l’instar des autres pays qui nous ont devancé, aussi bien par le renforcement des infrastructures de calcul et les maillons critiques de la chaîne de valeur de l’IA, que par la formation des talents de l’IA. Le tout en passant à la vitesse supérieure en matière d’accélération des usages de l’IA.
Or, dans ce domaine, il n’y a pas de modèle unique à suivre. Chaque pays a adopté, en temps opportun, sa stratégie nationale. Résultat : les Etats-Unis, qui arrivent largement en tête du classement mondial, excellent dans les piliers de la recherche et du développement (R&D) et de l’économie de l’IA nous apprend le Stanford Institute for Human-Centered AI (HAI) AI Index. En effet, selon cet Institut « si les États-Unis produisent systématiquement les modèles d’apprentissage automatique de l’IA les plus remarquables, attirent les plus hauts niveaux d’investissement privé dans l’IA, et sont les premiers à publier des travaux de recherche responsables sur l’IA », la Chine, elle « fait preuve d’atouts considérables dans les domaines de la R&D, de l’économie, et des infrastructures. En mettant l’accent sur le développement de technologies d’IA avancées et en intensifiant ses investissements en R&D ».
Quant au Royaume-Uni, qui trône à la troisième place de ce classement mondial « il est particulièrement performant dans les domaines de la R&D, de l’éducation, et de la politique et de la gouvernance », tandis que « l’Inde affiche de solides performances en matière de R&D et des améliorations récentes dans le domaine de l’économie ». En 5ème position et première au niveau arabe, les Émirats arabes unis « ont une bonne note dans le secteur économique », note l’institut, qui place la France juste après grâce au dynamisme dans les domaines de la politique et de la gouvernance, de l’éducation, et des infrastructures. Quant à la Corée du Sud, elle se classe au septième rang, notamment, grâce à « ses excellents résultats obtenus dans les domaines de la politique et de la gouvernance, des infrastructures, et de l’opinion publique ». Elle est suivie par l’Allemagne avec « de bonnes notations en matière de R&D, d’IA responsable, et d’éducation ».
Enfin, le Japon et Singapour ferment la marche des 10 meilleurs au niveau mondial et ce, grâce à « leurs bonnes performances dans la R&D ou encore l’économie ». Rappelons que les auteurs de ce classement mondial, observent que l’AI Index suit, rassemble, distille et visualise les données relatives à l’intelligence artificielle (IA) et que cet outil est conçu pour permettre aux décideurs politiques, aux chefs d’entreprise, aux chercheurs et au public de disposer d’informations exploitables et fondées sur des données concernant le développement de l’IA à l’échelle nationale ou internationale. Or, sans aller jusqu’ à suivre à la lettre l’un ou l’autre de ces modèles le Maroc peut s’en inspirer, s’il le veut, pour tracer sa propre voie de développement.