Des personnalités politiques ciblées par des cybercriminels: Qui se cache derrière Jabaroot DZ?

Le groupe de hackers, qui siphonne depuis avril dernier des milliers de données personnelles sensibles, donne la pétoche aux gros pontes du pays dont il révèle, à coups de documents confidentiels piratés, les petites affaires immobilières plus ou moins claires…

Laila Lamrani

Après le piratage des données de la CNSS, les ministères de l’Emploi et de la Justice, la plateforme des notaires Tawtik, le mystérieux groupe Jabaroot DZ frappe de nouveau. Cette fois, sa cible est politique : des ministres du Parti Authenticité et Modernité (PAM), membres de la majorité gouvernementale, sont mis en cause dans des affaires immobilières et foncières connues pour être l’une des plus grandes sources d’enrichissement au Maroc. Dernières « victimes » de Jabaroot en date sont le ministre de la Justice Abdellatif Ouahbi et son collègue Fatima Ezzahra El Mansouri. Pour le premier, les fuites portent sur des documents relatifs à une villa luxueuse de 2887 m2 située au quartier huppé Souissi à Rabat d’une valeur de 11 millions de DH achetée par prêt bancaire (CIH Bank) en 2020, soit avant son entrée au gouvernement intervenue en 2021. Un prêt bancaire qu’il réussira à rembourser jusqu’au dernier centime en l’espace de 4 ans comme l’atteste la mainlevée datant du 17 juillet 2024. Visiblement, le gouvernement est un accélérateur des remboursements par anticipation… Mais la meilleure c’est l’estimation de prix du bien dont il fera donation à son épouse dans l’acte notarié : 1 million de DH seulement alors qu’il vaut 11 millions de DH. La distorsion entre les deux montants – un écart de plus de dix fois la valeur déclarée – indique un contournement des droits d’enregistrement qui s’appliquent normalement à hauteur de 1,5 % de la valeur réelle du bien en cas de donation. Au lieu des 3,3 millions de DH réglementaires, seuls 300.000 DH auraient été donc versés à l’administration fiscale. Fraude fiscale ? atteinte à l’éthique ? Scandale ? Pas du tout, affirme Abdellatif Ouahbi sur le site Hespress, en écarquillant les yeux, indifférent aux réactions outrées des réseaux sociaux. Le donateur béni par sa moitié justifie cette sous-évaluation par le fait qu’il s’agit d’une donation sur laquelle il n’a réalisé aucun bénéfice ! Moralité de l’histoire : Au diable les lois du pays dont il est censé veiller à leur application stricte quand elles ne l’arrangent pas. Notre vaillant ministre de la Justice invente les siennes. Il est ministre de la Justice quand même !

FZ Ouahbi
Les ministres PAM dans l’embarras.

Avec sa bonhomie joviale, M. Ouahbi a au moins le mérite de se défendre publiquement contre ses détracteurs. Une qualité que n’a pas la ministre de l’Aménagement du territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville Fatima Ezzahra El Mansouri qui n’a pas daigné répliquer au leak de Jabaroot : Une jolie vente immobilière consignée dans une expédition (de notaire) d’un terrain agricole situé dans la commune de Taseltante (Marrakech) d’un plus peu plus de 66 hectares pour la misérable somme de 266 millions de DH et des poussières… Les vendeurs sont, outre Lallahoum Fatima, ses deux frères Zouhair et Saad, associés dans une SARL du nom de «Atlas Mountain View ». On découvre une autre dimension de notre ministre-maire (de Marrakech) et coordinatrice du PAM. C’est une femme de terrain (s) qui entre deux réunions ministérielles n’oublie pas de bétonner ses comptes en banque, ironise ses détracteurs. Fatima Zahra El Mansouri a mis plusieurs jours avant de répondre au contenu accusatoire de Jabaroot. Dans une mise au point rendue publique, elle explique que «le terrain en question est constitué de parcelles héritées de son père, Si Abderrahmane Mansouri, qu’il avait acquises en 1978 auprès de propriétaires privés et non pas des domaines de l’État ou d’institutions publiques». Elle ajoute que «le lotissement de ce terrain n’est intervenu qu’en 2023, à la suite du décès de sa mère, et ce, conformément aux dispositions légales en vigueur». 

Transparence

Une autre ministre repeinte aux couleurs PAM est tombée dans les filets des hackers: Leila Benali. La ministre franco-marocaine de la Transition énergétique et du développement durable n’a pas jugé nécessaire de se défendre alors qu’elle était la première à se faire épingler sur un dossier de conflit d’intérêt flagrant en relation avec le dragage des ports. Notre Leila Rachel international est associée avec deux frères, Lemounar et Amine Benali, dans une entreprise de dragage des ports du nom de «Atlantic Dredging Maroc» dont le siège est situé à Casablanca. Il faut reconnaître que la société, où figurent trois autres associés d’origine grecque issues visiblement d’une même famille, a été créée en 2010, soit bien avant que la ministrabilité ne sourit à Leila Rachel naturalisée en 2009. Mais en février 2025, « Atlantic Dredging Maroc, seule soumissionnaire, décroche un marché de l’Agence nationale des ports (ANP) pour des travaux de dévasage d’une vingtaine de ports marocains. Montant de la transaction : 47 millions de DH seulement. Pas de quoi faire des vagues ! Face à ce conflit d’intérêt, notre ministre qui sait naviguer par gros temps s’est emmurée dans le silence. En 2002 déjà, «Atlantic Dredging Maroc» a remporté un appel d’offres lancé par l’ANP pour le dragage et le déroctage du port de Casablanca pour la coquette somme de 71 millions de DH. Là aussi, l’entreprise des Benali est la seule à avoir soumissionné… La concurrence craint-elle à ce point de se noyer dans la transparence ?

Jabaroot ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Les hackers se targuent d’avoir dans son cabas d’autres révélations explosives, évoquant une personnalité en vue qui « ne s’est pas seulement contentée d’acheter de nombreux biens immobiliers mais aussi toute une zone industrielle pour 30 millions de DH ». Mais qui se cache derrière le groupe se faisant appeler « Jabaroot DZ» qui accompagne ses leaks d’actes de ventes, copies de CIN, actes notariés des personnalités publiques visées? La question taraude bien des esprits dans les sphères du pouvoir. S’agit-il effectivement, comme il se définit lui-même, de cybercriminels algériens ou d’une nébuleuse marocaine qui cherche à brouiller les pistes en se faisant passer pour une entité dzairie ( DZ) ? La tonalité contestataire de ses écrits et commentaires laisse penser qu’il s’agit d’un groupe marocain qui s’attaque aux hauts responsables en mettant sur la place publique leurs données personnelles sensibles portant notamment sur leurs péchés mignons qui sont au Maroc d’essence foncière et immobilière Des hackers étrangers prendront-ils par exemple la défense sur leur site de Me Mohamed Ziane en détention depuis plusieurs années ?

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