Gen Z 212 : Les grandes manoeuvres partisanes ont commencé

Une énergie protestataire à canaliser dans l’intérêt du pays.

Face à un mouvement qui se veut indépendant et horizontal, les partis se sont lancés chacun à sa façon dans des opérations de récupération politique. Tour d’horizon.

Laila Lamrani

Depuis une dizaine de jours, les manifestations pacifiques menées par le collectif GenZ212 se multiplient à travers le Maroc, dessinant les contours d’une mobilisation inédite : jeune, connectée et farouchement indépendante des structures partisanes. Cette effervescence sociale a déclenché, dans les états-majors politiques, une intense activité pour tenter d’entrer en dialogue avec une génération qui refuse les canaux classiques de la représentation politique.

Un électrochoc pour les appareils politiques

Dans les sièges des principaux partis – de la majorité comme de l’opposition – l’heure est à la mobilisation. Réunions d’urgence, séances de brainstorming, analyses en cascade: tous cherchent à comprendre les motivations profondes de cette jeunesse qui s’organise en dehors des cadres institutionnels.

Plusieurs formations ont même tenté de pénétrer dans les espaces numériques privilégiés par GenZ212, notamment Discord, devenu l’un des principaux lieux d’échange du mouvement, avec des milliers de participants connectés simultanément. Une démarche destinée à se rapprocher d’une tranche de la population éveillée et espérer effacer l’image d’une classe politique vieillissante, déconnectée et souvent compromise. 

Le RNI, le PAM ou encore l’Istiqlal ont multiplié les signaux d’ouverture : rencontres avec des influenceurs, discussions avec des jeunes leaders, ateliers de réflexion… Le fait d’intégrer dans leur discours les revendications du mouvement, ils cherchent à désamorcer les critiques les plus virulentes visant l’ensemble du système. En un mot, chacun joue sa partition pour tirer le meilleur parti de cette ébullition juvénile. Autre objectif inavoué, transformer une énergie protestataire horizontale en un soutien vertical, électoralement utile. 

En se posant en « médiateurs obligés » entre la rue et le pouvoir, l’Istiqlal, PAM, le RNI et les autres tentent de justifier leur existence dans un paysage où ils sont perçus comme des structures inutiles et dépassées. Parmi les démarches les plus élaborées, l’Académie Istiqlalienne de la Jeunesse a lancé un vaste programme intitulé «Équipe Génération Z», réunissant plus de 200 jeunes autour de quatre thématiques : santé, éducation, emploi et responsabilisation citoyenne. L’initiative combine réunions en présentiel et débats sur Discord, en plus d’un dispositif baptisé « Microphone Ouvert » permettant une libre expression. Le secrétaire général de l’Istiqlal, Nizar Baraka, a présenté les premières conclusions d’une Charte de la Jeunesse mettant en lumière une double réalité : une frustration sociale largement partagée et une forte appétence pour la justice sociale et l’action collective. Il a proposé la création d’une Académie numérique nationale et d’un cadre légal pour développer le volontariat. Une nouvelle usine à gaz et à palabres en devenir. Alléluia ! 

Mais ces contorsions partisanes, qui respirent l’opportunisme, se heurtent à une ligne rouge clairement tracée par le mouvement : celle du refus de toute récupération. Dans un podcast largement diffusé, plusieurs membres de GenZ212 ont rejeté tout parrainage, financement ou soutien logistique des partis, y compris ceux affichant une proximité idéologique.

Offensive de charme

Malgré cette nouvelle mise en garde, les principales formations poursuivent leur offensive de charme. Le PAM et le RNI multiplient les rencontres publiques pour vanter leurs réformes en matière de santé, d’éducation ou d’emploi et encouragent les jeunes à s’engager « de l’intérieur » pour transformer le système. 

Au-delà des stratégies de communication, la montée en puissance de GenZ212 révèle une mutation politique plus profonde. Pour la première fois depuis longtemps, une génération biberonnée à la culture numérique impose ses codes, ses outils et ses priorités dans le débat national. Sans structure hiérarchique, sans leaders identifiés et en marge des circuits institutionnels, elle oblige les partis à repenser leur rapport à la représentation et à la participation.

Qu’il débouche ou non sur une structuration politique formelle, ce mouvement a déjà modifié l’équation : la voix des jeunes n’est plus marginale ou périphérique, elle devient centrale et audible dans un paysage frappe d’autisme politique.Pour les partis, la question n’est plus de savoir s’ils doivent dialoguer avec cette génération, mais comment, par quels canaux et quels arguments .

Lignes rouges

Le mouvement Gen Z, qui revendique son indépendance vis-à-vis des formations politiques, a également rejeté toute tentative de récupération par des militants ou figures de la société civile. Lorsque le chercheur Rachid Achachi a annoncé la création d’un parti politique se réclamant de l’esprit de GenZ212, les jeunes ont rapidement pris leurs distances, dénonçant une tentative de captation de leur mouvement. Le message de la Gen Z est clair : aucune tutelle, qu’elle soit partisane ou associative, ne sera acceptée. Ils ont une vision construite de A à Z. Les mille et une manœuvres pathétiques lancées autour de leur mouvement ont dû leur inspirer ce commentaire.

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