Investissements dans les Provinces du Sud : Une vision royale à haute portée stratégique

Un projet structurant pour un engagement panafricain et mondial fort.

Au-delà des chiffres, le Sud marocain devient une nouvelle frontière géopolitique dans la recomposition des routes atlantiques. 

Abdelghani YOUMNI*

Abdelghani Youmni 1

En 2025, le Nouveau Modèle de Développement des Provinces du Sud atteint un tournant décisif. Annoncé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI à Laâyoune le 6 novembre 2015, ce programme doté d’un budget initial de 77 milliards de dirhams, porté ensuite à 81 milliards puis à 87,5 milliards, a permis la concrétisation de plus de 700 projets structurants et inscrit durablement ces territoires dans la dynamique nationale de croissance.

Entre 2016 et 2024, le taux de réalisation global dépasse 80 %. Sur les 87 milliards mobilisés, plus de 200 projets sont achevés et près de 300 sont en cours. Ces investissements ont redessiné les équilibres du Sud, qui couvre plus de la moitié de la superficie du Royaume et repositionne Agadir comme nouveau centre géographique et logistique du pays, à mi-chemin entre Tanger et Dakhla. Les provinces du Sud concentrent désormais près de 20 % des nouveaux flux d’exportations énergétiques et halieutiques du Maroc.

L’effort infrastructurel reflète la mesure de cette ambition. Pas moins de milliards de dirhams y sont consacrés, dont 8,5 pour la voie express Tiznit-Dakhla longue de 1 000 kilomètres et 7,5 milliards pour le port de Dakhla Atlantique, futur pilier du commerce avec l’Afrique de l’Ouest. À Foum El Oued, une technopole de 2 milliards de dirhams fait émerger un pôle de compétences inspiré du modèle de Benguérir.

Dans cette dynamique de développement, le secteur énergétique joue un rôle d’accélérateur majeur. Plus de 7 milliards de dirhams ont été investis dans les parcs éoliens d’Aftissat, Laâyoune, Akhfennir et Tarfaya, auxquels s’ajoutent les centrales solaires du programme Noor Atlas. Ces projets couvrent 20 % de la production éolienne nationale et renforcent l’indépendance énergétique du Royaume.

Le Maroc s’affirme comme une économie maritime en devenir. Une étude internationale publiée en 2021 dans la revue Sustainability montre qu’une hausse de 10 % du trafic portuaire ou des investissements maritimes peut stimuler jusqu’à 1,6 % la croissance du PIB par habitant. Ce constat illustre le pari marocain. Avec 3 500 kilomètres de côtes ouvrant à la fois sur l’Atlantique et la Méditerranée, le Royaume dispose d’un avantage comparatif unique en Afrique. Le port de Dakhla Atlantique s’inscrit dans cette logique de création de valeur logistique et d’ouverture commerciale, prolongeant l’élan de Tanger Med et annonçant un nouvel équilibre entre les façades nord et sud du pays.

Les retombées économiques sont visibles. Le PIB par habitant atteint environ 5 230 dollars à Dakhla, 2 744 à Laâyoune et 2 514 à Guelmim. Le taux de chômage est passé de 21 % à 15,5 % et le taux d’activité atteint 46 %, proche de la moyenne nationale. Plus de 10 000 emplois directs ont été créés, et le double en emplois indirects.

Le secteur privé n’est pas en reste, qui poursuit son effort avec 59 projets accompagnés par la Confédération Générale des Entreprises du Maroc, totalisant 5 milliards d’investissement dans les services, le commerce et l’éducation. La France, les États-Unis et les institutions multilatérales telles que la Banque mondiale et la Banque africaine de développement soutiennent des initiatives représentant près de 20 milliards de dirhams entre 2023 et 2025.

Au-delà des chiffres, le Sud marocain devient une nouvelle frontière géopolitique dans la recomposition des routes atlantiques. Dakhla, point d’ancrage du corridor Lagos-Lisbonne, incarne la naissance d’un axe logistique africain majeur. Le gazoduc Nigeria-Maroc dessine un triangle énergétique reliant le Golfe de Guinée, le détroit de Gibraltar et l’Europe du Sud. Par cette diplomatie des infrastructures, le Maroc ne se contente plus d’aménager son territoire, il redéfinit les équilibres économiques de l’Atlantique et s’impose comme l’un des pivots de la nouvelle géographie africaine de la croissance.

Le port de Dakhla Atlantique associé au gazoduc Nigeria-Maroc long de 5 600 kilomètres et reliant 11 pays fera de la façade atlantique du Royaume un corridor stratégique entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques. Ces deux projets devraient générer plus de 50 000 emplois pendant les phases de construction et environ 7000 emplois permanents, contribuant à l’émergence d’une nouvelle dynamique urbaine dans une région où la densité demeure faible.

Le Maroc a investi massivement pour transformer son territoire saharien en nouvelle frontière économique. Ces provinces représentent aujourd’hui près de 8 % du PIB national et 20 % de la dynamique des exportations et de la croissance. Cette trajectoire confirme la portée géopolitique d’une vision royale qui fait du Royaume un pont stratégique entre l’Europe et l’Afrique.

* économiste et spécialiste des politiques publiques

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