La réconciliation historique entre Madrid et Rabat est visiblement restée en travers de la gorge des milieux nationalistes et gauchistes hostiles au Maroc. Entre mauvaise foi, stéréotypes et attaques perfides, la rhétorique anti-marocaine fait rage.
Questions à mille voix ! Comment reconnaît-on que l’Espagne va bientôt entrer en campagne électorale ? L’immense honneur fait au Maroc dans certains milieux médiatiques qui relaient à son sujet stéréotypes et contrevérités. La première personnalité politique à sonner l’hallali contre le Royaume n’est autre que la ministre du Travail et cheffe du bloc d’extrême gauche «Sumar», Yolanda Diaz. Membre de Podemos (groupuscule d’extrême gauche fondé en 2014 ) et deuxième vice-présidente du gouvernement, celle-ci a qualifié le Maroc de « dictature » dans un entretien accordé dimanche 16 avril à la chaîne de télévision la Sexta. Elle sera aussitôt désavouée par le Psoe (le parti socialiste ouvrier espagnol) de Pedro Sanchez qui dirige le cabinet de coalition.
Propos réfléchi ou dérapage contrôlé? Le jeudi 20 avril, aux Nations-Unies, elle salue le soutien apporté par le Maroc à une résolution sur l’économie sociale présentée par l’Espagne. «Le Maroc nous a accompagnés. Par conséquent, aujourd’hui, je veux dire merci», a-t-elle lancé. Une déclaration qui ne mange pas de pain que certains médias marocains se sont empressés de qualifier de rétropédalage. Or, la cheffe du bloc d’extrême gauche «Sumar», ne s’est pas excusée pour avoir traité le Maroc de régime dictatorial. En attaquant vertement le Maroc, Yolanda Diaz se positionne pour les élections municipales et régionales du 28 mai prochain et les élections générales prévues en décembre 2023.
La ministre communiste est convaincue de grappiller des voix dans les milieux traditionnellement hostiles au Royaume. Le Parti Populaire (PP) joue la même partition anti-marocaine. Son chef, Alberto Núñez Feijóo, a essuyé les critiques du ministre des Affaires étrangères José Manuel Albares qui lui a reproché sa volonté de «faire glisser» le parti vers des « positions anti-marocaines ». « Au fond, ce tournant est un retour aux origines du Parti Populaire, un retour à une politique conflictuelle avec le Maroc, un retour à Perejil », a-t-il dénoncé le 23 avril sur les colonnes du journal espagnol The Objective.
Les tirs croisés contre le Maroc continuent de plus belle. Le président de Vox (parti d’extrême-droite) Santiago Abascal, a sonné la charge contre le président du gouvernement Pedro Sanchez dans un entretien donné le 24 avril au quotidien ABC. « Sa [ M. Sanchez] position [Sur le dossier du Sahara] a changé : on ne sait pas si parce qu’il veut une chaire à l’OTAN, on ne sait pas si par intérêt personnel, on ne sait pas si parce qu’il est victime de chantage, on ne sait pas si parce que le Maroc le paie(…). Nous ne savons pas et ne le saurons probablement jamais » Et d’ajouter : « Ce que nous avons dit au président du gouvernement, c’est d’informer ses interlocuteurs marocains que bien entendu les décisions qu’il a prises seul n’engagent pas le futur gouvernement espagnol ». Autrement dit, le soutien apporté par l’Espagne au plan d’autonomie au Sahara proposé par le Maroc n’engage que le Psoe. Le rapprochement maroco-espagnol a fait également sortir de sa quasi-retraite politique José Maria Aznar, l’ex-chef du PP (droite franquiste), l’instigateur, du temps où il était président du gouvernement, de la fameuse invasion en juillet 2002 par l’armée espagnole de l’îlot Leila (Perejil). Détracteur de la concorde politique entre le Maroc et l’Espagne qui lui est resté en travers de la gorge, Aznar le va-t-en-guerre analyse cette nouvelle ère dans les relations maroco-espagnoles sous le prisme militariste. Pour celui qui s’exprimait le 21 avril lors d’un colloque consacré à l’Amérique Latine, l’accord militaire entre les États-Unis et le Maroc montre que l’Espagne « a moins d’influence » sur Washington et perd des « possibilités ».
«Nous avons perdu nos capacités et beaucoup de nos possibilités parce que notre maison a été mise en désordre», ajoute-t-il en faisant allusion à l’information rapportée par le quotidien El Mundo sur l’accord militaire entre les États-Unis et le Maroc consistant en la vente au Maroc de « 18 systèmes de lanceurs-roquettes HIMARS et 112 missiles sol-sol plus puissants que ceux fournis à l’Ukraine ». Une manière d’insinuer qu’un Maroc militairement fort constitue une menace pour l’Espagne. Or, le Maroc est un pays pacifique, qui n’est pas connu pour son bellicisme et le fait qu’il développe son armement s’inscrit dans une logique de défense contre son ennemi de l’est dont le budget de l’armement est autrement plus considérable. Mais Aznar et ses semblables ne font que jouer sur les peurs de la société espagnole pour revenir au pouvoir quitte à déformer la réalité en présentant le Maroc en péril potentiel.
Le narratif anti-marocain, développé par certaines sphères connues pour ses accointances avec le Polisario, coïncide aussi avec la pénalisation des entreprises algériennes installées en Algérie. Celles-ci ont perdu du jour au lendemain leurs privilèges économiques du fait de la rupture en juin 2022 par la junte militaire algérienne du traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération conclu en 2002 avec l’Espagne, en guise de représailles de son changement de doctrine sur le dossier du Sahara marocain. Les lobbys anti-marocains, déclarés ou occultes, sont à l’œuvre pour faire capoter la réconciliation historique entre les deux voisins condamnés à s’entendre et à fortifier dans le respect mutuel leur coopération dans les domaines d’intérêt commun. Le Maroc fait souvent l’objet de diverses formes d’instrumentalisation politique et électorale en Espagne. Être anti-marocain ça peut rapporter des voix. Les résultats des prochains scrutins nous renseigneront sur la perception du Maroc par l’opinion espagnole. On saura alors si l’électeur plébiscite ou non le cercle vertueux installé par le Psoe dans sa relation avec son voisin et ami du sud.