Sous Kaïs Saïed, la Tunisie est devenu un pays qui ne produit que le pire au grand malheur d’une population livrée au chômage et aux privations : la répression politique avec l’arrestation à tour de bras des voix dissonantes (hommes politiques, syndicalistes, journalistes, juges, militants des droits humains) et une capacité de nuisance liée à l’export des migrants vers l’Europe via l’Italie voisine. C’est la Tunisie plate-forme privilégiée de la migration clandestine qui inquiète le plus l’Union européenne et non les atteintes flagrantes aux droits de l’homme. Au point que ses dirigeants, dont la patronne de la Commission européenne Ursula Von der Leyen et la présidente du Conseil Italien Giorgia Meloni, ont débarqué dimanche 11 juin à Tunis. Objectif : convaincre le nouvel autocrate du palais de Carthage de jouer les gendarmes pour l’Europe en contrepartie d’un paquet de subsides maquillé en «partenariat renforcé». Selon le haut-commissariat aux réfugiés, 51.215 migrants dont 26.000 venus de Tunisie sont arrivés sur les côtes italiennes depuis le début de l’année, soit une hausse de 154% en un an. Asphyxiée par une dette a hauteur de 80% de son PIB, empêtrée dans de grandes difficultés économiques, incapable de faire face aux importations y compris des denrées de base objet de pénuries récurrentes, la Tunisie de Saïed flirte avec la faillite surtout qu’elle ne peut plus emprunter.
Von der Leyen veut en profiter pour avancer ses pions et amener son interlocuteur à agir en partenaire fiable. «Il est de notre intérêt commun de renforcer notre relation et d’investir dans la stabilité et la prospérité [de la Tunisie], a-t-elle déclaré, tout en évoquant le projet d’une «assistance financière qui pourrait atteindre 900 millions d’euros» en plus «d’une aide supplémentaire de 150 millions d’euros à injecter dès maintenant» dans les caisses d’un État exsangue. Von der Leyen espère signer un accord avec la Tunisie lors du prochain sommet européen prévu à la fin du mois de juin. Ce qui n’est pas acquis avec un homme imprévisible qui a fait de son pays une wilaya algérienne. N’avait-il pas déclaré à Sfax, ville d’embarquement des migrants illégaux, que la Tunisie refuse d’être «le gardien des frontières» de l’Europe ?
Derrière le forcing diplomatique de l’UE se profile aussi la pression sur le président tunisien pour reprendre langue avec le FMI et accepter ses exigences : le déblocage d’un prêt de 1,75 milliard d’euros contre la mise en route d’un programme de privatisation des entreprises publiques et la décompensation de certains produits de première nécessité. Refus catégorique de l’enseignant universitaire adoubé président qui a dénoncé des «diktats étrangers». Autrement dit, Saïed veut des fonds sans faire de réformes. Avec la Tunisie de Kaïs Saïed, l’UE est bien partie pour subir des déferlantes continues de migrants clandestins et de se noyer dans un océan d’incertitude…