L’Algérie entre le garde-à-vous et la garde-à-vue

Un président en civil élu par la caste des militaires…

Même les naïfs endurcis  ne croient pas que les procès en cascade et leurs lots d’emprisonnement visant les anciens dignitaires du régime sont annonciateurs d’un quelconque  changement. De la poudre aux yeux.

En Algérie, les montagnes de dollars détournés sont partout. Il suffit juste de fouiller dans les maisons des anciens dignitaires du régime militaire pour les retrouver. Le président algérien a déclaré  récemment que la bagatelle de 36 milliards de dollars a été retrouvée chez une seule famille ! La somme est faramineuse et il faut non pas des coffre-fort mais plusieurs bunkers pour pouvoir planquer un tel magot. A moins que le président élu des caporaux ne confonde le dollar et le dinar. Ce qui est certain c’est que le feuilleton de corruption de la période  Bouteflika continue de révéler  l’ampleur des  fonds volés.  Les chiffres sont vertigineux et ils donnent une idée sur le degré de la rapine généralisé auquel sont soumis les deniers publics  issus de l’exportation des hydrocarbures.

Dans une mise en scène grotesque visant à faire croire que l’Algérie de Tebboune est entrée dans  ère de transparence, de fin de l’impunité et de changement, les condamnations des mis en cause continuent de tomber les unes après les autres depuis l’arrivée  au pouvoir en décembre 2019 de l’homme-lige de l’homme fort du pays le général Saïd  Changriha. Dernier verdict  en date, celui visant l’ex-ministre de l’Énergie Chakib Khelil condamné  par  le tribunal de Sidi M’Hamed à Alger pour corruption par contumace  jeudi 19 janvier, à 20 ans de prison ferme. La même juridiction a distribué des peines de prison entre 5 et 10 ans pour d’anciens hauts fonctionnaires poursuivis pour «dilapidation de deniers publics lors de la conclusion de marchés avec des entreprises étrangères » : l’ancien ministre des Travaux publics, Amar Ghoul, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, et deux  ex-patrons de la Sonatrach, Noureddine Bouterfa et Abdelmoumen Ould Kaddour.

Réfugié aux États-Unis, il était rentré en 2016 en Algérie après l’abandon des poursuites à son encontre, avant de prendre de nouveau la fuite après la relance de son procès après la chute du système  Bouteflika le 2 avril 2019 sous la pression du mouvement de protestation Hirak qui a longtemps revendiqué la chute du système. Pour que la junte militaire qui régente le pays et exploite ses richesses depuis l’indépendance en 1962 se maintienne en place et sauve sa peau, décision a été prise de jeter en pâture les symboles de l’ancien pouvoir. Premiers ministres, ex-ministres, hauts gradés de l’armée et hommes d’affaires… Des simulacres de procès ont été instruits à la va-vite pour faire diversion, faire taire les protestataires tout en réprimant les plus durs  d’entre eux.

Oligarchie absolutiste

Dégageant les relents de règlement de compte politique, les procès sont merveilleusement expéditifs comme peut l’être une justice inféodée au clan actuellement au pouvoir. Preuve, Khaled Tebboune, le fils du président actuel, sera étrangement acquitté dans une affaire où il est poursuivi pour «trafic d’influence », «corruption» et  «perception d’indus cadeaux» en relation avec les micmacs immobiliers du principal accusé  du nom de Kamel Chikhi, alias «El Bouchi», également poursuivi dans le cadre d’une affaire de trafic de 701 kilos de cocaïne.

Lors de son réquisitoire, le procureur de la République avait requis une peine de deux ans de prison ferme contre le fifis de Tebboune. Mais le juge de la séance n’en a nullement tenu compte en décrétant en février 2020  dans un bel exercice d’indépendance de la justice la relaxe pure et simple au profit du fils du chef de l’État qui croupissait en prison depuis juin 2018.  

Justice aux ordres instrumentalisée  contre les  privilégiés du système d’hier par  les puissants du moment. Ces derniers subiront certainement le même sort peu enviable une fois qu’il seront écarté du pouvoir par le clan rival. Ainsi va l’histoire de l’Algérie, rythmée depuis l’indépendance par  les assassinats des opposants et des présidents, les coups d’Etat,  les complots politiques  et l’instauration de la terreur élevée au rang de gouvernance. C’est la seule feuille de route de cette oligarchie absolutiste qui n’agit sournoisement que pour rester aux manettes du pouvoir et ne pas les rendre aux civils dans le cadre d’une véritable démocratie. Dans le logiciel de ce système militaire préoccupé juste par sa propre survie, le peuple algérien n’a pas  de place jusque dans certains de ses besoins les plus élémentaires. Est-il normal que la population, alors que son pays est riche en hydrocarbures, vit régulièrement  le calvaire des pénuries de produits de première nécessité comme l’huile de table et le lait ?

C’est ainsi qu’en octobre 2020, le peuple algérien, soumis aux pires privations, se fait distraire par   la saga de « madame Maya », une  étrange  femme d’affaires, se présentant comme la fille cachée de l’ancien président  Abdelaziz Bouteflika, qui a entraîné dans sa chute une brochette de gros bonnets du système Boutef.

Entre les accusations de complotisme proférées par un pouvoir aux abois contre le Maroc jusqu’à l’obsession pour masquer ses multiples turpitudes et ratages et les procès téléguidés à l’encontre des anciens dignitaires du système afin de croire à l’avènement d’une Algérie démocratique et vertueuse, le peuple algérien est saturé mais pas dupe. L’illusion du changement est bel et bien en marche dans un système dont la férocité et  la rapacité sont intactes. L’Algérie de Tebboune est plus que jamais au garde-à-vous et en garde-à-vue !

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