Ceux qui font leur marché ont dû certainement constater ces derniers jours la faiblesse de l’offre en poisson blanc (merlan, sole, lotte..) sur les étals des poissonniers de Casablanca et d’autres villes du pays. Explications de fond.
La rareté concerne essentiellement le poisson blanc (merlan sole, lotte..) dits espèces de fond, pêchés par les chalutiers. L’offre à ce niveau-là est vraiment maigre et la rareté inhabituelle met n naturellement le feu aux prix. Confirmée au Canard par un dirigeant de la Chambre de Pêches maritimes, cette pénurie qui a débuté vers le 20 septembre et qui risque de se prolonger pendant les mois à venir est due à l’arrêt de l’activité de la pêche dans la zone sud, notamment de la ville de Boujdour jusqu’à la frontière avec la Mauritanie. L’alerte a été donnée par une étude menée par une équipe de chercheurs de l’Institut national de recherche halieutique (INRH) qui a conclu en avril dernier à une dégradation considérable de la biomasse marine de l’ordre de 60%. Ce qui est énorme. Voire critique. Sur la foi de ces conclusions alarmantes, le ministère de la Pêche a décidé de prolonger le repos biologique sine die dans les zones concernées. Censées reprendre leur activité le 1er juillet après la fin du repos biologique instauré entre le 1er mai et le 30 juin de chaque année, les pêcheurs du sud, à l’inverse de leurs collègues du nord, n’ont pas pu reprendre la mer jusqu’à ce jour, condamnés au chômage technique.
Les experts de l’INRH attribuent cette diminution drastique de la biomasse à la surpêche qui en termes plus directs signifie la pratique de la pêche illégale et sauvage. Celle-ci a pour conséquence la destruction de la ressource essentiellement les poissons de fond dont fait partie le poulpe, tourné essentiellement vers l’export, qui intervient à hauteur d’environ de 60% dans le chiffre d’affaires des armateurs. Selon une source proche du dossier, le fond marin en général est soumis à un pompage en règle par les adeptes de la pêche illégale et sauvage qui se sont multipliés ces derniers temps. Une activité néfaste qui échappe d’autant plus au contrôle qu’elle bénéficie de diverses complicités, renchérit un professionnel du secteur.
Or, le Maroc a réussi grâce à la mise en œuvre du plan Halieutis, élaboré en 2010 sous l’époque de Aziz Akhannouch, à rationaliser de façon significative l’effort de pêche via une politique des quotas et divers plans d’aménagements des pêcheries, notamment les petits pélagiques, le poulpe, les crevettes, le thon rouge, l’espadon… Il semble qu’un certain relâchement du contrôle de l’activité de pêche a été constaté ces derniers temps. Insuffisance des moyens, absence de volonté ou distraction des responsables? Pour se disculper complètement, les gros poissons s’empresseront certainement de se cacher derrière un autre avis qui leur servira d’argument-massue pour noyer le poisson. (Voir encadré).
Le réchauffement climatique en cause
Publiée en 2019 dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), une étude réalisée par une équipe internationale de 35 chercheurs (de 12 pays et 4 continents) qui a combiné plusieurs modèles climatiques et écosystémiques a établi un diagnostic sans appel:
La biomasse mondiale d’animaux marins, c’est-à-dire le poids total des animaux marins dans l’océan (poissons, invertébrés et mammifères marins), diminuera d’ici la fin du 21e siècle du fait de la hausse des températures et de la diminution de la production primaire. Le constat est vrai quels que soient les scénarios d’émissions de CO2 envisagés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat GIEC), même si l’ampleur du phénomène peut être réduite (…).
Cette nouvelle enquête confirme, si besoin est, l’importance d’une gestion raisonnée des milieux marins et surtout du développement de mesures de préservation et de pérennisation de la biodiversité en milieu marin.