Investir en Algérie revient à construire une maison dans le lit de la Cosna, une rivière en Alaska connue pour être imprévisible, pleine d’obstacles et dangereuse. Les investisseurs espagnols viennent de l’apprendre à leurs dépens…
Les entreprises étrangères qui ont mis leur billes en Algérie ne sont pas à l’abri des représailles du pouvoir militaire en place. Les investisseurs espagnols viennent de l’apprendre à leurs dépens après avoir subi de lourdes pertes se chiffrant à plusieurs centaines de millions d’euros. En violation des règles du droit des affaires et du droit tout court, le pays de Chengriha et de Tebboune leur a fait payer le choix politique de Madrid de soutenir le plan d’autonomie pour le Sahara marocain proposée par le Maroc. Un changement qualifié par un communiqué de la présidence algérienne de 8 juin 2022 de «violation de leurs obligations juridique, morale et politique» par les autorités espagnoles. Ce qui a résulté la suspension du «traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération» signé en 2002, entre les deux pays. Ordre a aussitôt été donné par le régime des caporaux à l’Association professionnelle des banques et des établissements financiers du pays d’arrêter les paiements à destination et en provenance de l’Espagne portant sur toutes les formes de commerce et d’échange entre les deux pays, excepté pour l’approvisionnement en gaz. Investir en Algérie revient à construire une maison dans le lit de la Cosna, une rivière en Alaska connue pour être imprévisible, pleine d’obstacles et hostile…
Ainsi dysfonctionne l’Algérie des affaires où les investisseurs étrangers sont à la merci du pouvoir militaire en place habillé en civil. C’est du bon vouloir de ce dernier que dépend l’investissement, qu’il soit national ou étranger, et il est autorisé comme il peut être défait par un simple coup de fil du chef de la junte. Quant aux entreprises étrangères en sursis, elles doivent se coltiner régulièrement des imbroglios juridiques et réglementaires dans un pays où la fameuse règle 51-49 (obligation pour un investisseur étranger d’accorder 51% du capital pour son partenaire local) est toujours en vigueur. Sauf, en vertu d’une réformette introduite dans la loi de finances de 2020, pour les projets jugés à caractère stratégique pour l’économie locale dont les hauts gradés détiennent les principaux leviers. Gérée comme une caserne, l’Algérie n’offre aucune protection, aucun recours pour les entrepreneurs victimes de l’arbitraire. Encore moins l’espoir d’obtenir réparation auprès de la justice. Celle-ci est complètement inféodée aux généraux qui l’instrumentalisent pour régler leurs comptes comme c’est le cas avec les derniers procès des anciens symboles, dirigeants politiques et hommes d’affaires, du système Bouteflika. Il est inutile de chercher en Algérie les droits de l’homme d’affaires et les droits de l’Homme tout court. Ils sont simplement inexistants…
Turpitudes
En Algérie, les lois, pour la plupart aussi obsolètes et anachroniques que la vision du monde de ses dirigeants, ne valent pas plus que du papier kleenex. Un ministre se lève du mauvais pied peut changer séance tenante une circulaire ou un texte de loi et pénaliser telle ou telle entreprise. Sans que celle-ci puisse se défendre ni obtenir réparation. L’Algérie est tout, sauf un partenaire fiable en raison du caractère imprévisible de la caste aux manettes.
Pareilles oukases et aberrations n’arrivent que dans l’ancienne colonie française bien enkystée dans un autoritarisme d’un autre âge qui a figé la société et l’économie dans un système basé sur des stratégies de captation des richesses en hydrocarbures et des pratiques clientélistes. Ce système s’est renforcé avec l’arrivée de la paire Tebboune-Chengriha en devenant ouvertement répressif des opposants, qu’ils soient militants politiques, associatifs ou journalistes. La « nouvelle Algérie » dont se targue Tebboune et ses mentors n’a rien de neuf. Et pour continuer à s’accrocher au pouvoir, protéger leurs intérêts et masquer leurs multiples turpitudes et ratages, les pontes du régime investissent à fond dans la production d’un récit national faisant de l’Algérie une victime permanente de complots fomentés par ses ennemis historiques, principalement le Maroc. Les entreprises françaises tentées de troquer le Maroc contre l’Algérie ne sont pas sans ignorer où ils mettent les pieds. Dans une terre qui tient le haut du pavé en termes de risque politique et économique. Cela revient à quitter une Mercedes solide, fiable et sécurisée pour embarquer dans une vieille 4L déglinguée, improbable et sans aucun dispositif de protection et de sécurité. Au premier cahotement, c’est l’éjection garantie. L’Algérie a beau se rêver en eldorado des investisseurs, le comportement de ceux qui la tiennent en coupe réglée indique plutôt le contraire…
A quelque chose, malheur est bon. Les entreprises ibériques victimes de la vengeance des caporaux d’Alger ont la possibilité de délocaliser leur activité au Maroc où elles ont tout à gagner. Le ministre espagnol de l’Industrie ne s’y est pas trompé, qui a conseillé récemment aux entreprises lui réclamant des dédommagements pour les pertes subies en raison des représailles algériennes de changer de pays. Le Maroc et l’Espagne ont décidé de lier leur destin dans le cadre d’un partenariat stratégique porteur de belles opportunités de développement mutuel. L’avenir commun n’a jamais été aussi prometteur.