Un scandale d’État et des questions…

Le président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez

Nouveau coup de tonnerre diplomatique dans le ciel des relations maroco-espagnoles. L’acceptation par Madrid d’hospitaliser sous une fausse identité le chef du Polisario Brahim Ghali, poursuivi pour des crimes gravissimes, a l’allure d’une sale affaire.

Tout est faux dans la séquence scandaleuse de l’hospitalisation de Brahim Ghali en Espagne. Un faux leader d’une pseudo cause, doublé d’un criminel de guerre admis sous une fausse identité, le 21 avril, pour se faire soigner du Covid dans un hôpital près de Saragosse. Sur cette histoire pour le moins troublante, Madrid, actionné par le seul ennemi du Royaume qu’est l’Algérie, a joué les faux amis du Maroc, à rebours de l’esprit de partenariat et d’amitié qui doit normalement prévaloir entre les deux royaumes amis liés par une communauté de destin. A rebrousse-poil du comportement des États et des conventions internationales, la pratique rappelle les agissements des barons du crime organisé qui pour protéger un  chef recherché par la police se débrouillent  pour le faire hospitaliser sous un nom d’emprunt… Dès que le secret de l’hospitalisation de Brahim Ghali fut éventé, Madrid s’est empressé de réagir en invoquant des raisons « humanitaires ». Un argument qui n’a pas convaincu le Maroc, la maladie ne pouvant constituer en aucun cas une entrave au travail de la justice dans les pays démocratiques.

Il aurait fallu constater la présence sur le sol espagnol du criminel de guerre présumé recherché pour crimes de guerre et atteinte aux droits de l’homme, constater l’usage par ce dernier d’un faux document de voyage et le placer sous surveillance policière en attendant que son état de santé s’améliore pour qu’il soit interrogé.

Imbroglio

Telle est la procédure qui devrait être adoptée dans pareil cas et non pas d’accueillir l’accusé qui plus est dans des conditions illégales en cautionnant sa fausse identité. Surtout que Brahim Ghali  est visé par une action en justice en Espagne pour des charges très lourdes : «Crimes de guerre, meurtres, blessures, terrorisme, arrestations illégales, tortures et enlèvements». Les chefs d’accusation portés contre le patient polisarien sont donc  particulièrement graves, notamment ceux émanant de l’association canarienne des victimes du terrorisme. Mais pas seulement, le chef du Polisario est également sous le coup d’une accusation de viol, dont il n’a jamais répondu devant les tribunaux espagnols, portée par Khadijatou Mahdmoud. Dès que la nouvelle de l’entrée illégale de Brahim Ghali sur le territoire espagnol fut connue, les victimes de ce sinistre personnage se sont manifestées pour raconter dans des vidéos postées sur les réseaux sociaux ce qu’il leur a fait subir et demander que justice soit faite, à l’image de Khadijatou Mahdmoud qui a posté un témoignage très émouvant. « J’ai appris, il y a quelques jours, à travers les médias, que Brahim Ghali, l’homme qui m’a violée, se trouve ici (…). Je suis très reconnaissante à ce pays qui m’a donné l’opportunité de porter plainte, qui a reconnu mes droits. Mais je serais encore plus reconnaissante s’il est arrêté », a déclaré la jeune femme.

L’attitude de l’Espagne a suscité stupeur et incompréhension au Maroc.  Dans un communiqué rendu public par le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération africaine, le Royaume a « exprimé sa déception à l’égard d’un acte contraire à l’esprit de partenariat et de bon voisinage et qui concerne une question fondamentale pour le peuple marocain et ses forces vives ». Ce qui a surtout irrité Rabat ce n’est pas tellement le fait que Madrid ait accepté de soigner son ennemi public numéro 1 mais le fait que les autorités ibériques aient joué dans le dos du Royaume en ne prenant pas la peine d’en informer au préalable les responsables marocains.

Explications

Jugée déloyale, cette démarche donne un coup de canif à l’esprit de confiance et de transparence qui caractérise habituellement la coopération entre les deux pays sur des dossiers de haute importance comme le terrorisme, l’immigration ou le trafic de drogue. La déception marocaine s’est exprimée à ce niveau-là. Jugeant ce geste « inamical », le Maroc a convoqué l’ambassadeur d’Espagne à Rabat afin de lui signifier la position marocaine en lui demandant de fournir au Maroc des explications.  Mais pourquoi l’Espagne s’est-elle fourvoyée dans un tel imbroglio politico-diplomatique en  prenant le risque d’irriter son voisin?  Pour faire plaisir à l’Algérie qui représente son principal fournisseur en gaz. Mais est-ce une raison valable pour privilégier l’économique et le politique au détriment des impératifs de justice et de l’État de droit? «Cette affaire questionne aussi la réalité de la séparation des pouvoirs en Espagne», selon une source politique marocaine. La ministre espagnole des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la Coopération Arancha González Laya, a fait cette déclaration à la presse, vendredi 23 avril 2021 à Madrid, en marge d’une réunion avec son homologue palestinien Riad Al Maliki. Après avoir confirmé la présence de Brahim Ghali sur le territoire espagnol « pour des raisons strictement humanitaires », elle a tenté de minimiser l’importance de l’incident dans une volonté de jouer la carte de l’apaisement : «Bien sûr que cette question n’entrave, ni ne perturbe les excellentes relations que l’Espagne entretient avec le Maroc». Et d’ajouter, le Maroc est « un voisin, un ami et un partenaire privilégié» dans tous les domaines et «cela ne change pas». Cela se voit !

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