Cette Dacia qui tient la route…

Vous l’aurez remarqué, Lhaj Miloud n’est pas du genre à jeter des fleurs à qui que ce soit… Caresser dans le sens du poil, encenser à longueur d’articles, très peu pour lui… Il aurait même une fâcheuse tendance à toujours voir le verre à moitié vide, en pointant du doigt les imperfections de ses congénères et les travers de notre société schizophrène, en minimisant ses avancées, pourtant indéniables… Que voulez-vous, un perfectionniste, ce Lhaj Miloud qui rêve du meilleur pour ses concitoyens et son pays, et ne se contente pas de demi-mesures ! Mais là, il est obligé de reconnaître qu’il s’agit d’une véritable success story… Une réussite que bien peu auraient été capables de prédire… Lorsque le groupe Renault Nissan avait jeté son dévolu sur le Maroc pour y monter le Dacia, cette petite roumaine agonisante, dont personne ne voulait en Occident, les critiques avaient fusé de toutes parts… Le Maroc allait se transformer en sous-traitant low-cost pour fabriquer des véhicules bas de gamme à destination du tiers-monde… Même les Marocains préféreraient continuer à importer de vieilles Jetta plutôt que de s’afficher au volant d’un Dacia… La « hchouma », la honte ! Parce qu’en dépit de leur pouvoir d’achat étriqué, le bon peuple aime rouler allemand plutôt que de se faire rouler par des Roumaines ! Bref, le pari semblait perdu d’avance…

Eh bien, ces oiseaux de mauvais augure ont eu tout faux, et Lhaj Miloud également, qui, en homme sage, sait reconnaître ses erreurs… Dacia a connu un succès fulgurant et circule fièrement sur toutes les routes du monde, même chez nous où particuliers et professionnels ont succombé à ses nombreux atouts et à son rapport qualité prix imbattable ! D’ailleurs, pour ceux qui hésiteraient encore à franchir le pas, l’adoption du Dacia par les chauffeurs de grands et petits taxis a constitué la preuve irréfutable que la voiture, en plus d’être abordable, était fiable,… Et il n’y a pas de plus critique et de plus expert en la matière qu’un de nos taxi drivers, on est d’accord ? Parce que pour le convaincre d’abandonner sa préhistorique Mercedes 240 pour un Lodgy, il faut se lever de bonne heure et surtout ne pas manquer d’arguments ! Comme la Volkswagen, littéralement voiture du peuple, qui était destinée à tous les foyers germaniques à une époque où la voiture était encore considérée comme un produit de luxe, le Dacia s’est donc imposé en tant que voiture populaire, non seulement au Maroc mais également en Europe où on se l’arrache ! Renault vient de fêter, comme il se doit, la production de son 2.150.000ème Dacia dans ses usines de Tanger et de Casablanca… Impressionnant, n’est-ce pas ? Un Dacia sur deux vendu dans le monde est produit au Maroc et, last but not least, l’usine de Tanger constitue incontestablement le fleuron du groupe Renault ! Un groupe dont le patron est un Marocain, encore une première ! Il faut dire que la petite Roumaine a bien grandi… Fini les formes improbables et l’allure tristounette… La voiture propose désormais des modèles élégants et bien équipés qui soutiennent avantageusement la comparaison avec la concurrence… Qui ne l’avait pas vu venir !

Et elle est en train de monter en gamme, suivant ainsi l’exemple de son homologue allemande… Renault s’apprête d’ailleurs à lancer l’année prochaine un modèle tout électrique qui risque de faire beaucoup de bruit ! Je ne parle pas, bien sûr, de son moteur, qui sera sobre et silencieux ! La voiture dite économique joue désormais dans la cour des grands ! Avouez qu’il y a de quoi bomber le torse, non ? Le Maroc s’est imposé définitivement comme le premier producteur de voitures en Afrique, devant l’Afrique du Sud… Avec ces 10 milliards d’exportations et ses 220.000 salariés, le secteur constitue la principale source de devises du Royaume… Et ce n’est pas fini puisque de nouveaux prétendants se bousculent au portillon… Après Renault Nissan et le groupe Stellantis, d’autres constructeurs d’envergure mondiale lorgnent sur le Royaume…

Que demander de plus ? Touchons donc du bois et réjouissons-nous de la vision Royale, qui, au-delà des alternances politiques et des calculs politiciens à court terme des uns et des autres, a su définir une trajectoire et tenir fermement le gouvernail contre vents et marées. Pendant ce temps, nos responsables continuent à rouler dans des berlines allemandes hors de prix, dilapidant ainsi les maigres ressources publiques qui auraient pu trouver bien meilleur usage… D’aucuns diront que la fonction impose un certain standing… Vous ne voulez quand même pas que des représentants du peuple roulent dans des voitures populaires ? Où irait-on ? Ce serait le début de la fin ! On n’est pas au Danemark où les personnalités publiques se rendent au travail en tram ou en vélo, ni même en France où on privilégie les marques nationales… Non, nos élus ont suffisamment investi dans les tajines et les couscous préélectoraux pour espérer un juste retour sur investissement confortable !

Je vous disais bien que Lhaj Miloud est un éternel râleur… Et il n’aura de cesse de dénoncer, jusqu’au dernier souffle, les abus et la dilapidation des deniers publics. Des avantages liés à la fonction, et puis quoi encore ? Ou alors, qu’on divise leur salaire par deux et qu’on leur serve des indemnités de fonction raisonnables pour le logement, la voiture et le personnel de maison… Vous verrez alors que nos éminents responsables géreront leurs deniers privés en bons pères de famille… En espérant qu’un jour ils en feront de même pour les deniers publics ! En tout cas, Lhaj Miloud, quant à lui, continuera à rêver d’un jour où nos responsables opteront pour les voitures de monsieur tout le monde… Voire pour des Dacia premium, qui sait ?

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