Le titre du roman que vient de publier Youssouf Amine Elalamy aux éditions Le Fennec en dit long sur son style sarcastique. « Un style empreint de réalisme magique, de dérision et de fantaisie », selon l’éditeur.
Le livre, 167 pages, « raconte l’itinéraire imaginaire d’un leader du monde arabe qui, en voulant un jour réaliser la vision qu’il a eu dans son bain, ne se doute pas qu’il va exposer son peuple à toutes sortes de malédictions et aux situations les plus insolites. Parsemé de scènes drôles et burlesques, ce roman satirique mène le lecteur de surprise en surprise avec, en toile de fond, les thèmes éternels de la folie des grandeurs et de l’exploitation de l’homme par l’homme ».
Extrait : « On prêtait au Président Big le Grand des pouvoirs et une anatomie hors du commun. Il était de ceux, bénis par le ciel, dont le cœur était placé du côté droit pour qu’il puisse battre à la gloire de Dieu et continuer à pomper le sang, à l’abri du diable. A leur mort, ceux-là ne pourrissaient pas et, même à dix pieds sous terre, ils gardaient leur apparence et semblaient seulement dormir. Après quelques jours, ils se desséchaient légèrement, gardaient leurs cheveux et leurs ongles intacts et leur peau, bien que quelque peu déshydratée, continuait à embaumer le musc, l’encens et la fleur d’oranger. La résistance de leur corps à l’appétit morbide des vermines était, aux yeux de tous, une preuve incontestable de leur supériorité sur le règne animal et, par voie de conséquence, sur les bipèdes de leur espèce. Pour l’heure, personne n’avait encore jamais vu son Excellence mourir et on n’eut donc aucun mal à le proclamer immortel.
Né droitier de cœur, Big le Grand avait cultivé une véritable aversion pour la gauche et ne pouvait imaginer que l’on pût boire, manger, se peigner ou même se moucher, autrement qu’avec la main droite. On tenait de son propre chambellan que sa démarche atypique, ce curieux boitillement que l’on avait longtemps mis sur le compte d’une ancienne blessure de guerre, provenait en réalité de son obstination à ne jamais porter de chaussure gauche à son pied gauche qu’il forçait à rentrer dans une deuxième chaussure droite. Toujours selon les indiscrétions dudit chambellan, il avait pris l’habitude, de jour comme de nuit, de dormir avec ses chaussures, non pas pour être prêt en cas d’urgence ou de possible trahison, comme on aurait pu le penser, mais uniquement pour être sûr de ne jamais se lever du mauvais pied (…) »
Écrivain et artiste marocain, Youssouf Amine Elalamy est l’auteur de plusieurs romans : Un Marocain à New York, Les clandestins (Prix Grand Atlas et Prix Le Plaisir de Lire), Paris mon bled, Miniatures, Oussama mon amour, Amour nomade, Drôle de printemps, Même pas mort, C’est beau la guerre (Prix Orange du livre en Afrique), J’ai fait un dream. Ses livres sont traduits dans plusieurs langues.