Nous célébrons le centenaire de la ville de Khouribga et de l’OCP, l’Office Chérifien des Phosphates voulu par Lyautey. ‘‘Jnaynar Lotti’’, comme le nommaient les Ouled Abdoun, en signant le décret du 27 janvier 1920, était le seul à être conscient du caractère exceptionnel de ce ‘‘Loufisse’’. En confiant l’exploration et l’exploitation de l’OCP au seul ‘‘Magasin’’ (ma5zen), Lyautey a ainsi évité la rapacité du secteur privé. Dès juin 1921, la première cargaison de phosphates était transportée à bord du train de Boujniba vers le port de Casablanca. Le gisement des Ouled Abdoun à Boujniba, dans les environs de la future ville de Khouribga, est le premier à être exploité. Au début, l’extraction se fait avec des moyens rudimentaires dans une région semi-désertique, où, à part quelques lieux-dits, il n’existe aucune population agglomérée et dont l’économie repose essentiellement sur l’élevage et une agriculture de subsistance.
Le phosphate extrait de la mine de Boujniba doit être acheminé vers le port de Casablanca d’où il est exporté. Le transport se fait par train, grâce à des wagons-trémies spécialement aménagés. Les gamins s’amusaient à compter le nombre de wagons de chaque train, en surveillant le cheptel des ovins, bovins et autres caprins. C’était l’une des rares distractions qu’offrait l’OCP aux enfants de la contrée dans les années 20. Au début de l’exploitation, le chargement se faisait à la force des bras des « zoufria dial loufisse » (ouvriers de l’OCP en français). Le port de Casablanca est alors le seul au Maroc à permettre l’export de ces phosphates. Jusqu’en 1923, le chargement des phosphates sur les bateaux se fait avec des moyens de fortune et presque exclusivement à dos d’homme qui ne sont pas des zoufria dial loufisse, mais plutôt des « taleb m3achou » (plus des portefaix que des dockers en français). La vitesse moyenne de chargement est limitée, de l’ordre de 1200 tonnes/jour. Pour manager l’OCP, ‘‘Jnaynar Lotti’’ va choisir personnellement le polytechnicien Alfred Beaugé car il a déjà une longue expérience d’administrateur dans les mines de phosphate de la Compagnie des phosphates de Gafsa en Tunisie. Il ne prendra effectivement ses fonctions qu’un an plus tard. En attendant son arrivée, l’intérim est assuré par André Delpit, Directeur des Travaux publics du protectorat. Dès le début, l’OCP est confronté à un problème de main-d’œuvre et doit construire des logements pour attirer et installer des ouvriers venus des quatre coins du Maroc. La planification urbanistique commence ainsi dès la création de l’OCP qui affirme d’emblée son rôle de bâtisseur, en même temps que sa vocation sociale.
Le phosphate extrait de la mine est humide et doit être séché pour faciliter son transport. Au tout début, le séchage se fait au soleil. Dromadaires, mules et ânes sont également mis à profit pour tracer des sillons, retourner le phosphate et ainsi hâter son séchage. La construction de la première usine de séchage (appelée « fawaratte » par les indigènes) marque une étape importante dans le processus de mécanisation et augmente sensiblement la capacité de production. Jusque-là, Khouribga était desservie par la ligne militaire de 0,60 m. Décidé en juin 1920, le nouveau tronçon ferroviaire Casablanca – Khouribga avec un écartement des rails « normal » court sur environ 150 km. A l’origine, il est composé d’une voie à sens unique qui sera progressivement dédoublée. Pendant longtemps, elle restera la seule double voie du Maroc, faisant la fierté des 5ribguis ! Le premier four de l’OCP de la nouvelle ville de Khouribga vient en renfort de celui de Boujniba, qui a atteint ses capacités maximales. Aujourd’hui, cette usine est une friche industrielle en voie de réhabilitation par le Groupe OCP, en mémoire des débuts de l’aventure phosphatière marocaine et en hommage à Khouribga, « capitale mondiale des phosphates ». En septembre 1924, le Sultan Youssef, himself, visite les mines de Khouribga. C’est la première fois qu’un souverain marocain visite les installations de l’OCP. La tournée du sultan a fait la Une de la presse de l’époque. Tous les sultans et rois qu’a connus le Maroc depuis la création de l’OCP ont tous inauguré ses infrastructures les plus importantes. (A suivre)