J’avais donc fini par me rendre à l’évidence, il me fallait trouver un nouveau logement… La résidence se dégradait de jour en jour, nombre de copropriétaires ne payaient plus leurs charges et les ascenseurs étaient pour la plupart hors service, faute d’entretien… Quant aux malheureux gardiens, ils ne percevaient plus leurs maigres dus qu’un mois sur deux, dans le meilleur des cas !
La bonne nouvelle, si j’ose dire, c’est que notre immeuble était relativement épargné, notre ascenseur étant un des rares de la résidence encore en fonctionnement, et notre valeureux concierge répondant toujours présent en dépit de ses deux mois d’arriérés de salaire ! Par ailleurs, le marché de l’immobilier avait flambé depuis 1988, année où j’étais passé du statut de locataire à celui d’heureux propriétaire. Je pouvais donc raisonnablement envisager de réaliser une plus value appréciable d’autant plus que j’avais fait quelques travaux d’embellissement qui étaient du plus bel effet : peinture moderne, fusion du séjour avec le salon, placards en bois « dial chouk » dans la cuisine… Dans ces années-là, point de réseaux sociaux et de sites de ventes où vous pouviez proposer votre appartement à la vente directement, de particulier à particulier, sans débourser le moindre dirham. C’est dans les locaux du « Matin » que je me présentais donc, de bon matin, pour y déposer mon annonce en style télégraphique, en rognant au maximum sur le nombre de mots pour éviter une facture salée. La première semaine, je reçus deux ou trois coups de fil de curieux qui désiraient avoir plus d’informations… Mais pas une seule visite ! La semaine suivante, une dame d’un certain âge, et d’une classe sociale apparemment aisée, se présenta pour une visite. Elle nous précisa, d’emblée, que « c’était pour son fils » qui allait bientôt se marier, de peur sans doute que nous ne pensions qu’une dame de son rang ne se contente d’un modeste appartement dans une résidence de moyen standing… Je vous passe les remarques déplacées qu’elle fit à peu près sur tout, l’exiguïté des pièces, le carrelage de fabrication locale, l’ensoleillement insuffisant et tout le toutim… Et de conclure, avec un sourire qui se voulait complice, « je comprends pourquoi vous cherchez à vous en débarrasser » !
Bref, plusieurs semaines passèrent sans que notre appartement ne trouve preneur, les quelques rares visiteurs n’ayant fait aucune offre… Je commençais à désespérer lorsqu’un candidat sérieux se manifesta enfin… Et pas n’importe qui ! Il s’agissait, ni plus ni moins, d’un footballeur connu d’un grand club de la capitale, un des meilleurs défenseurs du championnat national qui jouait en équipe nationale ! Un jeune homme modeste et taciturne, de surcroît, qui se présenta accompagné d’un ami… Il fit un rapide tour de la «propriété», sans faire le moindre commentaire déplacé… Ce qui me changea passablement de la bourgeoise maniérée qui avait effectué la première visite ! Puis, il prit congé en promettant d’appeler dans l’après-midi pour me faire une offre, en précisant qu’il destinait cet achat à un investissement locatif.
Effectivement, il appela bel et bien quelques heures plus tard pour me faire part de son offre ferme et irrévocable… Laquelle correspondait, à 20.000 DH près, à mes prétentions…. Autant vous dire que je m’empressais d’accepter sa proposition d’autant plus volontiers que je m’étais déjà engagé dans l’acquisition de mon futur logement… Chose que je vous conseille de ne jamais faire… N’achetez jamais un logement avant d’avoir trouvé acquéreur pour l’ancien, c’est le stress assuré et le risque de laisser quelques plumes dans l’affaire !