Tout le monde veut devenir Français, les enfants d’immigrés comme les nouveaux arrivants, les clandestins comme ceux qui rêvent de faire le hrig! Français ou Belge… Allemand ou Danois ! Les candidats ne font pas la fine bouche… N’importe quelle nationalité serait la bienvenue pourvu que ce soit celle d’un pays du Nord ! Quand Lhaj Miloud dit tout le monde, il ne pense pas seulement aux ressortissants des pays subsahariens ou aux victimes du sinistre « printemps » arabe… Mais d’une manière générale, dans la plupart des pays dits du Sud ! Lequel regroupe environ le tiers de l’humanité ! Un tiers-monde qui n’aura donc jamais autant mérité son appellation ! Un vaste rassemblement de déshérités qui a refusé de « s’aligner » au temps du bipolarisme triomphant, refusant de trancher entre le capitalisme et le communisme… Entre l’Ouest et l’Est… Entre l’axe du bien et celui du mal, pour autant qu’on puisse les situer géographiquement ou idéologiquement ! Essayant de chercher sa propre voie de développement économique et social, dès les années soixante, au temps des grands « Zou3amas » ! Une voie qu’il n’a donc toujours pas trouvée, quelques dizaines d’années plus tard et après bien des expériences malheureuses initiées par de prétendus héros des indépendances ou de fringants officiers, qui se voulaient libres, et qui se sont vite transformés en tyrans honnis… Poussant leurs concitoyens vers l’exode et à ne plus rêver que d’une chose : quitter leurs terres ancestrales, arrosées du sang des martyrs pour rejoindre le camp des anciens colonisateurs… Le camp des nantis pour les uns, celui des mécréants pour les autres… Le camp des gagnants, tout simplement !
Cet amour immodéré pour les drapeaux occidentaux, qu’ils soient tricolores, sang ou or, pour la bannière étoilée de l’Oncle Sam, voire pour l’étoile de David, interpelle Lhaj Miloud… Voilà donc des malheureux que le désespoir pousse à prendre tous les risques, qui quittent leurs familles et leurs amis pour essayer de rejoindre la triste et pluvieuse Europe et demander, que dis-je, exiger le passeport « francisse », un des plus convoités, y voyant une sorte de sésame censé leur ouvrir toutes les portes… Mais peut-on vraiment leur en vouloir ? Après tout, ils ne font que suivre l’exemple de leurs élites intellectuelles et économiques… Qui, non contents d’avoir envoyé leurs enfants étudier à l’étranger ont, pour la plupart, acquis la double nationalité… Un pied ici et un pied là-bas, comme on dit chez nous… Une partie du patrimoine ici et une autre là-bas, également ! Lhaj Miloud est convaincu, quant à lui, que si les sudistes de la Méditerranée tentent souvent le tout pour le tout pour tenter de rejoindre leurs futurs et combien réticents compatriotes du Nord, ce n’est pas du fait d’une subite passion dévorante pour le rêve américain, ni pour la France et ses lumières. Ils sont bien évidemment animés par deux aiguillons majeurs, la sécurité physique, en l’absence des libertés fondamentales chez eux, et la sécurité alimentaire, vu le fiasco économique et social qui est le lot de leurs pays d’origine.
Voilà donc les préoccupations réelles, et ô combien compréhensibles, des candidats à une nationalité d’un pays « mécréant », quel qu’il soit. Or, pour être accepté en tant que Français, il faut tout simplement ressembler à un Français de souche… Élémentaire, mon cher Watson ! Il faut donc remplacer le tarbouche par le béret… Condition nécessaire mais non suffisante ! Il faut aussi et surtout être blanc, chrétien, apprécier le beaujolais nouveau et s’empiffrer de charcuterie… On appelle cela l’identité ! N’est-ce pas Zemmour ? A défaut, le passeport qu’on finirait, de guerre lasse, par octroyer aux plus chanceux, ne sera jamais qu’un dérisoire document administratif.
Pour sa part, Lhaj Miloud estime qu’il vaut mieux remplacer cette quête désespérée d’une nationalité occidentale par un statut de ressortissant privilégié ayant (à peu près) les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autochtones tout en conservant son identité et sa nationalité propres. Chacun a ses racines et ses particularités culturelles et doit être fier de son identité. Les aléas de l’Histoire et les vicissitudes économiques des pays du sud ne doivent pas pousser au reniement.
Que nos compatriotes se battent pour leurs droits, chez eux comme à l’étranger, tout en veillant à rester eux-mêmes ! Marocains et fiers de l’être ! Et si notre pays doit se fixer un objectif pour les années qui viennent, fort qu’il est de son statut de pays émergents au taux de croissance vigoureux, c’est celui de se réconcilier avec sa jeunesse… Le jour où les jeunes marocains cesseront de se bercer d’illusions et de fantasmer sur les délices de la vie en Occident et qu’ils seront sincèrement fiers du pays qui les a vu naître, alors nous pourrons considérer qu’un cap véritable a enfin été franchi… Plus que les infrastructures spectaculaires, l’image d’un pays correspond à son attractivité… Et un pays ne saurait vraiment être considéré comme attractif tant qu’il ne réussit pas d’abord à retenir sa jeunesse… L’Italie, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne ont tous été, à un moment ou un autre, des pays de forte émigration vers des contrées plus hospitalières avant d’accueillir à leur tour des immigrés en quête d’un avenir meilleur… Lhaj Miloud fait le pari que le Maroc connaîtra le même parcours… Et plus vite qu’on ne le pense !