Comment la famille du milliardaire décédé a transformé le site touristique d’Imouzzer Kandar en source d’enrichissement au détriment des intérêts des villageois. Récit d’un détournement qui ne coule pas de source…
Ceux qui se sont rendus par ces temps caniculaires à Imouzzer Kandar dans le Moyen-Atlas pour profiter de sa fraîcheur incomparable en ont été pour leurs frais. Site emblématique qui constituait son principal attrait touristique , la source naturelle de Aïn Soltane n’alimente plus depuis des années le bassin en contrebas dont la beauté et le calme attiraient les touristes locaux et étrangers. Cette magnifique étendue d’eau, où les visiteurs mettaient volontiers les pieds pour se rafraîchir, est aujourd’hui asséchée. Pas une seule goutte d’eau en surface et les cafés et autres tavernes où l’on dégustait naguère thé à la menthe, tagines et brochettes ont disparu.
Place désormais à un décor d’extrême désolation qui fait peine à voir, suscitant les élans nosologiques des visiteurs qui gardent de bons souvenirs d’Imouzzer Kandar d’avant . Plus possible de revivre ces moments agréables avec un parc en déshérence, des arbres en mauvais état et des bancs sérieusement abîmés, vestiges d’un passé radieux pas très lointain. Imouzzer El Kandar, fierté du Moyen-Atlas et qui faisait vivre les habitants, n’est plus. Un coup dur pour l’économie locale alimentée principalement par les flux saisonniers des touristes.
Si certains habitants expliquent ce désastre par le stress hydrique, la sécheresse et le creusement sauvage des puits, pour d’autres le vrai fossoyeur d’Imouzzer Kandar n’est autre que l’unité d’embouteillage d’eau minérale Al Karama, implantée à proximité de la source et commercialisée sous le nom Ain Soltane, appartenant au groupe de feu Miloud Chaâbi. Dans ce paysage de détresse et de désespoir alors que toute une région languit dans le désespoir et l’oisiveté, le maintien de ce projet en activité a quelque chose d’insolite, voire d’indécent… « Ils nous ont volé notre eau, nous les dénonçons à Dieu », crie un jeune villageois en colère . « Le débit de la source [ Aïn Soltane] a commencé à diminuer petit à petit depuis l’installation de cette usine en 2007 », renchérit un autre…

Le directeur général de Al Karama Mounir El Bari a un autre avis… « Sur Immouzer, Al Karama embouteille l’eau de la source Aïn Soltane tout en préservant l’environnement et participe ainsi à un équilibre entre les exigences socio-économiques et l’approche écologique. Al Karama emploie dans la région d’Immouzer plus de 80 personnes, toutes issues de la région, et ce, dans le cadre de sa politique de responsabilité sociétale. L’eau est ainsi l’élément garant de l’emploi et de la sécurité alimentaire», s’enorgueillait-il sur les colonnes du journal le Matin en février 202. Au vu l’assèchement du site et ses graves conséquences socio-économiques et écologiques, son propos ne coule pas de source. Il est même scandaleux. Au lieu d’apporter de la richesse à une région défavorisée, on lui enlève le bien le plus précieux qui permettait aux habitants de gagner leur vie…Drôle de conception du de la responsabilité sociale et du développement durable! Si la source de Aïn Soltane a été réellement asséchée en raison de la sécheresse et la multiplication des forages sauvages, le fait que la société continue à vendre jusqu’ à ce jour de l’eau comme naturelle et minérale pose question, interrogeant sur la véritable source qui alimente son business. Si en revanche la source Aïn Soltane n’a pas été asséchée, continuant à faire tourner à plein régime l’usine Al Karama, l’assèchement du bassin en contrebas qui a provoqué la mort du tourisme local jette l’opprobre sur l’activité de cette unité d’embouteillement. Dans les deux cas de figures, l’entreprise Al Karama est au cœur d’un véritable questionnement. Tuer toute une région pour que la filiale du groupe Chaâbi puisse vivre et enrichir jusqu’ à plus soif ses déjà immensément riches héritiers est un véritable exploit. Ça s’arrose !
La rédaction