Développement territorial : Tata entre marginalisation et espérance

Aziz Akhannouch lors de sa visite de la province de Tata.

Tata est l’une des régions les plus défavorisées du Maroc qui a souffert de marginalisation alors qu’elle recèle un potentiel de développement non négligeable. Le déplacement de Aziz Akhannouch, premier du genre d’un Premier ministre marocain, augure-t-elle d’une nouvelle ère pour la population locale?

«La province de Tata que SM le Roi Mohammed VI ne cesse d’entourer de Sa haute sollicitude est dotée de potentiels importants». Cette déclaration émane de Aziz Akhannouch, faite à l’occasion d’une visite  de trois jours effectuée fin juin 2024 dans les territoires de la vallée de Oued Draa. C’est le premier déplacement du genre dans cette province de la région de Souss-Massa longtemps marginalisée, effectuée par un chef du gouvernement marocain, à la tête d’une forte délégation ministérielle composée notamment du ministre du Budget, Fouzi Lekjaa, du ministre de la Santé et de la Protection sociale, Khalid Aït Taleb, du ministre de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports, Chakib Benmoussa, du ministre de l’Equipement et de l’Eau, Nizar Baraka, du ministre de la Jeunesse, de la culture et de la communication, Mohamed Mehdi Bensaid, du ministre de l’Agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts, Mohamed Sadiki, de la ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire, Fatim-Zahra Ammor. 

Enclavement

Ce déplacement a été marqué  par la visite et le lancement d’une panoplie de projets à caractère économique et socio-éducatif (santé, sport, agriculture, éducation, culture) dans plusieurs communes  relevant de la Province de Tata pour une enveloppe estimée à 1,5 milliard de DH. Mais un déplacement gouvernemental d’une telle envergure aurait gagné à être enrichie d’une rencontre avec les représentants de la société civile locale qui avaient certainement beaucoup de choses à dire au chef du gouvernement et ses ministres sur les problème et les aspirations de la jeunesse tataouie aux prises avec le chômage, la pauvreté et l’absence de perspectives d’avenir.

Territoire qui cache un énorme  potentiel touristique sous-exploité grâce à ses oasis magnifiques et ses paysages désertiques époustouflants, Tata a été longtemps exclue   de la dynamique de développement que connaît le pays depuis plusieurs décennies . Ce qui a accentué  son enclavement dû à l’absence d’un réseau  routier digne de ce nom et d’un aéroport, nécessaires pour la connecter à l’écosystème touristique du sud, qui prend sa source  depuis Marrakech et Agadir.

Le chef du gouvernement et sa ministre du Tourisme auraient pu être  bien briefés  sur le fabuleux  potentiel  touristique de Tata et les actions à mettre en œuvre pour créer de l’emploi pour les jeunes tataouis et la richesse pour  tous  si les services de la préfecture n’avaient pas interdit à Patrick Simon tout contact avec la délégation ministérielle ! Patrick Simon, septuagénaire dynamique, c’est un fervent militant de la durabilité touristique dans la région de Tata dont il succomba à la magie des paysages, à l’âge de 30 ans,  alors qu’il était en voyage de découverte au Maroc avec sa femme et ses trois filles. Il ne quittera plus le Royaume, faisant le choix de vivre le restant de ses jours dans la vallée de Draa. 

Non pas en retraité se prélassant à l’ombre des palmiers mais en militant actif impliqué dans son développement version durabilité. Un combat qu’il mène sur tous les fronts, non sans obstacles et difficultés,  pour sensibiliser les autorités locales et les décideurs  politiques à la nécessité de  sortir Tata de son désenclavement historique et résorber   son déficit criard en infrastructures de base tout en impulsant une bonne dynamique  autour des activités génératrices de revenus.  

Tourisme durable

L’écotourisme est tout désigné pour être un vecteur de développement pour ce splendide territoire semi-aride, confronté aux effets de la sécheresse qui, conjugués aux ravages du bayoud, a appauvri au fil des années le rendement des palmiers-villageois. Dans ce contexte, l’écotourisme peut offrir une alternative viable susceptible de  contrebalancer les contrecoups du changement climatique. «Le tourisme vert est un  outil efficace à faible impact environnemental qui  prospère déjà  sur les attraits singuliers  dont regorge Tata et son arrière-pays  que sont principalement ses oasis vierges, son désert qui offre des expériences en bivouac inoubliables et  ses massifs  montagneux uniques propices à la randonnée et au trekking », déclare Patrick Simon qui dit son admiration sans bornes de la richesse humaine de sa population réputée pour son hospitalité et sa générosité, sa spontanéité et sa bravoure, qui sont autant d’atouts pour un tourisme responsable et authentique.

Patrick Simon a montré que cette voie, le tourisme durable, est porteuse, puisqu’il gère des établissements d’hébergement bien référencés   dont  une maison d’hôte à Foum Zguid et un campement à Tissint. Ici, à quelque 70 kilomètres au nord-est de Tata, un véritable trésor archéologique et floristique, traversé par des eaux: le  géo-parc de Jbel Bani, Un site qui vaut largement le détour, d’intérêt à la fois écologique, culturel et touristique, qui en s’étirant sur une longueur de 560 km  à l’arrière-pays de trois régions (Souss-Massa, Guelmim-Oued Noun et Draa Tafilalet) lui confère une position géographique privilégiée. 

«Le Géoparc de Jbel Bani  est une haut lieu de la  durabilité qui   répond en tout point aux nouvelles tendances internationales en matière de tourisme de nature et de culture définies par  l’Organisation mondiale du tourisme», explique Patrick Simon. Subjugué par  ce patrimoine  naturel inestimable qu’il veut valoriser au bénéfice des habitants, il fonde en 2012 l’association marocaine  de développement  du Géoparc de Jbel Bani (AMDJB), autorisée  en bonne et due forme sous le numéro 1954-36.  

Maintenant qu’il a gagné en intérêt et en visibilité- une démarche de labellisation du site a été introduite depuis quelques années auprès de l’UNESCO par l’AMDJB-le projet du Géoparc de Jbel Bani commence à aiguiser les appétits jugés malsains  de certains responsables locaux, dont un certain Boujemaa Tadoumant, qui cherchent à s’accaparer le projet porté et défendu  par Patrick Simon, au risque de compromettre son développement. Et pourtant, c’est à Patrick Simon que revient tout le mérite.  C’est grâce à lui qu’a été constitué le «Réseau de tourisme durable du Géoparc Jbel Bani» (RTDGJB) qui met en valeur quelque 300 unités touristiques agréées selon les normes nationales et internationales, sur 42 circuits touristiques conçus aux départs des aéroports du sud du Maroc desservant les territoire du Souss Sahara Atlantique, de l’Anti-Atlas, des arrière-pays des régions du Souss-Massa et de Guelmim-Oued Noun. 

Le réseau comptabilise déjà 3.700 chambres réparties sur le territoire du Géoparc et 10.000 autres en bordure des aéroports d’Agadir, Guelmim, Ouarzazate et des aérodromes de Tata et Zagora. Pas moins 200 coopératives féminines, spécialisées dans l’artisanat et les produits du terroir, pourraient être  mises à niveau pour  confectionner des produits  sous la labellisation du Géoparc Jbel Bani dans le cadre d’une économie circulaire.  

La dimension formation professionnelle et scientifique n’est pas en reste aussi bien pour former les enfants de la région aux métiers de l’accueil que pour  assurer la réhabilitation de l’habitat rural construit en pisé. Dans le cadre du réseau  est prévue la création dans une démarche respectueuse de l’environnement d’une centaine de  nouveaux sites touristiques,  d’éco-lodges intégrés, des structures d’animation et  des centres d’astronomie. Mais ce projet ambitieux, conçu pour créer  de l’emploi et de la valeur pour la région de Tata, reste figé au stade d’ambition tant qu’il ne bénéficie pas d’un accompagnement des instances élues, des autorités locales  et des institutionnels. Là réside tout le problème. Tata reste  absente des  stratégies de  développement  aussi bien du conseil régional de Souss-Massa que des pouvoirs publics.

Facture impayée

Patrick Simon bataille depuis plusieurs années pour récupérer  son dû relatif à une prestation exécutée en août 2011 mais toujours pas réglée.  En sa qualité de gérant de la société PSPM, il a été chargé par le gouverneur de Tata de l’époque,  feu Mohamed Tahoun, d’organiser  une réception à l’occasion de la 7ème  édition  de la foire agricole de la ville qui devait être inaugurée par Aziz Akhannouch, alors ministre de l’Agriculture. Mais  ce dernier ne fait pas le déplacement pour cause d’une mission urgente à l’étranger intervenue à la dernière minute. Les autorités locales maintiennent  les festivités initialement programmées , incluant la commande faite à la société de Patrick Simon : Une réception avec restauration et animation pendant trois jours sous tentes (Khaima) dressées sur le site de Messalites à Tata. La facture, accompagnée de tous les justificatifs nécessaires ( bon de commande, devis dûment signés)  s’élève à 380.000 DH demeure impayée à ce jour . Les successeurs du gouverneur  Mohamed Tahoun ont refusé d’honorer l’engagement de leur prédécesseur décédé entre-temps  en  avançant d’ arguments qui n’ont pas convaincu le prestataire. Celui-ci , qui a l’impression de se battre contre des moulins à vent, a alors entrepris   toutes les démarches possibles en  frappant à toutes les portes de l’administration. Y compris le médiateur du Royaume et  tout récemment la primature. Patrick  Simon ne perd pas espoir d’être rétabli dans ses droits.

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