Le PAM a inauguré la rentrée politique avec un beau petit scandale dont l’héroïne n’est autre que la coordinatrice du parti Fatima-Zahra Mansouri. Révélations.
Coup de tonnerre au PAM. Celui-ci est à la fois brutal et inattendu. On croyait que les membres de la direction collégiale du secrétariat général du parti ( Fatima-Zahra Mansouri, Mohamed Mehdi Bensaid et Salaheddine Aboulghali), élus lors du dernier congrès de février 2024, étaient sur la même longueur d’ondes, soudés par une vision politique commune et animés la même volonté de tourner la page de la chefferie décriée de Abdellatif Ouahbi. Ce n’était finalement qu’une unité de façade révélée au grand jour par un long communiqué du Bureau politique daté du 10 septembre. Après avoir tressé une série de lauriers au gouvernement sur sa gestion d’un certain nombre de dossiers (rentrée scolaire, promotion de l’investissement, reconstruction post séisme d’Al Haouz, réforme de la justice…), le texte aborde le cas de Salaheddine Aboulghali, membre du Bureau politique et du triumvirat aux commandes de la formation.
Décision a été prise, annonce le communiqué, de geler sa participation dans ces deux instances et de soumettre son dossier à la commission d’éthique du parti. Rien que ça ! Une mesure prise sur la foi « d’un rapport organisationnel contenant des plaintes privées sans rapport avec l’argent public ». Mais en quoi un conflit relevant de la sphère privée impliquant un militant concerne les affaires d’un parti et « porte atteinte à ses valeurs » comme l’affirme le texte du communiqué ? Pourquoi l’organe décisionnel du PAM s’est-il autorisé à prendre position contre un de ses dirigeants en se permettant de le suspendre alors qu’il n’a fait l’objet d’aucune condamnation judiciaire en relation avec sa gestion douteuse des deniers publics. Le PAM fait-il office de tribunal qui sanctionne ses militants impliqués dans différends commerciaux? On n’en saura pas plus sur la nature de l’infraction à caractère personnel qui a valu à M. Aboulghali d’être mis ainsi à l’index et au banc des accusés tout en décrétant la suspension de ses fonctions partisanes.
Fatima-Zahra Mansouri encadrée par Mohamed Mehdi Bensaid et Salaheddine Aboulghali après leur élection à la tête du PAM.
Cette affaire n’est pas claire. Elle dégage des relents peu ragoûtants. Un parfum de règlement de compte politique sur fond de petites combines comme les partis au Maroc en regorgent… Député-maire de Mediouna dans la périphérie de Casablanca, homme réputé pour sa droiture et son franc-parler, Salaheddine Aboulghali qui n’est pas du genre à subir les oukases sans réagir se fend le lendemain de sa stigmatisation d’un long communiqué, baptisé «manifeste pour la démocratie au sein du PAM» où il raconte par le menu la genèse et les dessous de sa suspension dans un grand déballage qui montre la face cachée du PAM et de ses pratiques obscures. Les révélations sont fracassantes. D’emblée, l’homme de Mediouna dit sa consternation en apprenant la nouvelle du gel de sa participation au sein du parti où il milite depuis sa création en 2008, citant nommément la personne qui a orchestré cette histoire : Fatima-Zahra Mansouri, la coordinatrice du parti qui cumule poste de ministre de l’Habitat dans le gouvernement Akhannouch et de maire de Marrakech, auquel il reproche vertement de se comporter comme si le PAM était sa propriété. Dans le récit qu’il a déroulé, M. Aboulghali ne remet pas seulement à sa place celle qui en a pris pour son grade mais décrit par petites touches une femme politique aux méthodes très peu démocratiques qui, à rebrousse-poil de l’image flatteuse qu’elle cherche à se donner en public, n’hésite pas fouler du pied les statuts et les principes du parti pour arriver à ses fins.
Réquisitoire
Au lieu de faire une rentrée politique en bonne et due forme, le parti a bizarrement fait le choix de l’inaugurer avec un scandale dont il aurait pu bien se passer. La manière cavalière dont M. Aboulghali a été traité laissera certainement des traces et pourrait hypothéquer. Tout a commencé par sa convocation mardi 10 septembre via un SMS de Fatima-Zahra Mansouri pour un conciliabule au siège du parti à Rabat avant la réunion du Bureau politique devant entériner le gel de son adhésion. Devant trois témoins dont M. Aboulghali révèle les noms (le membre de la direction collégiale et ministre de la Culture Mohamed Bensaïd, le président de la région de Marrakech-safi Samir Goudar et le député de Al Haouz Mohamed Touizi ), son interlocutrice lui lance tout de go « qu’elle avait entendu parler d’un litige commercial » l’opposant à un membre du parti et que celui-ci avait l’intention de porter l’affaire devant la justice. Avant de lui demander de présenter sa démission si jamais il refusait de se laisser faire. Il n’a pas fallu longtemps à Aboulghali pour comprendre qu’il faisait l’objet d’une pression de la part de Fatima-Zahra Mansouri pour le pousser à renoncer à ses droits dans le différend commercial en question (à caractère foncier) au profit de l’autre partie au conflit dont la maire de Marrakech a pris clairement parti . A travers cette séquence troublante, le PAM donne à voir de manière limpide des imbrications entre la politique et l’argent tout en montrant comment Mme Mansouri utilise sa position au sein du PAM pour faire chanter un collègue !
« Le Bureau politique n’est pas le lieu approprié pour traiter des litiges commerciaux d’ordre privé, pas plus qu’il ne fait office ni de commerçant, ni de juge, ni d’intermédiaire, ni de courtier soucieux de favoriser un commerçant au détriment d’un autre concurrent. », fait remarquer dans son « manifeste pour la démocratie », qui a les allures d’un véritable réquisitoire, où il a égrené une flopée de violations dont s’est rendue coupable Fatima Zahra-Mansouri. A commencer par le contournement de l’instance, en l’occurrence le Conseil national et non le Bureau politique, habilitée à statuer sur le gel ou l’exclusion d’un membre de la direction collégiale. Et puis, Fatima Zahra El Mansouri, ainsi que cela lui a été rappelé par le député-maire de Casablanca, s’est comportée comme s’il était un subalterne alors qu’elle partage à égalité la responsabilité de la gestion du parti avec les deux autres membres.
Jeune et ambitieux qui défend une conception rénovée de l’action politique, M. Aboulghali doit déranger bien du monde par ses sorties médiatiques audacieuses. Celui qui a défié ses adversaires en affirmant qu’il continuera à exercer ses prérogatives partisanes, a levé un coin de voile sur les motivations inavouées de la ministre de l’Habitat. Celle-ci chercherait à l’écarter des négociations en cours en prévision du prochain remaniement ministériel afin de favoriser la ministrabilité de candidats qui lui sont dévoués, sans tenir compte des critères de compétence et de probité. Derrière ses discours politiques grandiloquents, la ministre de l’Habitat cultive des convictions en béton !