Enseignement supérieur : Petit règlement de comptes entre “amis”

Le nouveau ministre de l’Enseignement, de la Recherche scientifique et de l’Innovation Azzedine El Midaoui ne semble pas porter son prédécesseur dans son cœur. Voici pourquoi.

Laila Lamrani

Une séquence plus qu’explicite a trahi les rapports tendus entre les deux hommes. C’était lors de la cérémonie de passation des pouvoirs le 24 octobre 2024 entre le nouveau ministre de l’Enseignement, de la Recherche scientifique et de l’Innovation Azeddine El Midaoui et son prédécesseur Abdellatif Miraoui. Une vidéo devenue virale montre une tentative d’accolade de M. Miraoui immédiatement rejetée par celui qui vient de le remplacer. Le geste laissait clairement entendre qu’entre les deux responsables la cordialité ne coulait pas de source. L’explication tombe aussitôt : Le nouveau titulaire du portefeuille ministériel serait à l’origine de son éviction en 2023 de la présidence de l’université Ibn Tofail de Kenitra et son remplacement par Mohamed Larbi Kerkeb. Arrive ensuite une mise au point anonyme émanant d’un « proche du ministre » actuel qui balaie d’un revers de la main toute animosité entre Miraoui et Midaoui. Argument avancé : Ce dernier, dont le geste aurait été mal interprété aurait simplement tenu à ce qu’il accompagne son prédécesseur jusqu’à la sortie pour le saluer selon les règles protocolaires en la matière. Les règles de préséance dans ce genre de cérémonie ne doivent souffrir aucune entorse, quelle que soit la qualité de la relation entre le sortant et l’entrant. Aucune tension ne doit transparaître ni dans le geste ni dans la parole. La courtoisie devant les caméras jusqu’au bout… Effectivement, une photo circulera dans la foulée montrant les deux hommes se donner l’accolade comme deux grands copains dans le hall du ministère. Oublions le premier acte porteur de confusion du nouveau ministre et fions nous au second qui semblait remettre les pendules à l’heure. Incident clos ? Pas vraiment. 

Défense

Une affaire troublante, rapportée par la presse (Al Akhbar 13/11) est venue tout remettre en cause et renforcer la première lecture faite du geste initial visiblement discourtois du nouveau ministre. Après la prise de ses nouvelles fonctions, ce dernier aurait découvert la disparition de près 21 téléphones mobiles haut de gamme, de 16 tablettes électroniques et de 60 cartes de carburant. Pendant le déroulement de la cérémonie d’installation du nouveau responsable, des tours de pickpocket auraient-ils été organisés au sein du ministère ? Dès son installation, M. Midaoui aurait pris deux décisions: la révision des modalités d’utilisation pour un meilleur rendement des subsides annuels d’un montant d’environ 400 millions de DH alloués à l’Enseignement supérieur par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Cette décision laisse entendre que l’ex-ministre PAM n’utilisait pas ces fonds à bon escient. L’autre décision prise par l’ex-président de l’université Ibn Tofail serait la résiliation d’un abonnement au restaurant d’un hôtel de luxe de la capitale pour un montant annuel de 620.000 DH. Une dizaine de pique-assiettes dont certains sont étrangers au département de l’enseignement supérieur y prenaient leur repas en compagnie de l’ex-ministre aux frais de la princesse. Difficile de ne pas voir dans ce qui ressemble a priori à un droit d’inventaire (que les nouveaux entrants au gouvernement exercent rarement et font fuiter encore moins dans la presse) un petit règlement de compte entre “amis”.

Du pain bénit pour l’association marocaine pour la protection de l’argent public (AMPAP) s’empare de l’affaire en demandant aux autorités compétentes d’ouvrir une enquête pour détournements de fonds publics sous couvert d’activités officielles. Le mis en cause rompt rapidement le silence et rejette dans un communiqué ce qu’il qualifie de fausses accusations. Dans sa défense, il fustige les réseaux sociaux et le recours à la diffamation qui passe sous silence les véritables enjeux de l’enseignement supérieur, tels que l’amélioration du niveau des universités et la réalisation des objectifs de développement du pays. D’aucuns ne manqueront pas d’objecter que les justifications de l’ex-ministre, qui a quitté le gouvernement sans régler la très longue grève des étudiants de médecine et pharmacie, ne mangent pas de pain et que la vengeance est un plat qui se mange froid…

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