La perle de l’Atlantique, qui a construit son rayonnement sur l’art et la culture grâce à l’entregent de sa figure tutélaire disparue, se rêve en Marbella du nord…
Samir Berhil
« On a l’opportunité de vivre une autre expérience ». Le ton est donné par le nouveau président de la ville, Dr Tarek Ghailan. À moins de 2 ans et demie avant la fin du mandat du nouveau bureau, et après seulement quelques mois du décès de la figure emblématique de la ville feu Mohamed Benaissa, on sent une nouvelle dynamique chez les nouveaux responsables de la chose locale, à l’image de Hatem Bettioui, qui prend les rênes de la fondation du forum d’Asilah .
« Après la période de deuil, l’équipe pluridisciplinaire aux commandes de la fondation promet la continuité de la vision de Mohamed Benaïssa, qui, sur son lit de mort, avait déjà validé la programmation annuelle et a besoin d’un peu de temps pour concrétiser de nouvelles idées », explique M. Bettioui.
Déjà une date d’hommage au regretté est annoncée du 26 au 28 septembre.Pour le nouveau maire de la ville, la stratégie est très simple : À court terme, il faut » consolider les acquis » : la propreté de la médina, sa sécurité et terminer les chantiers de revalorisation des murailles en cours « . L’approche inclusive est le crédo de l’équipe de Mr.Ghailan : » Libérer la parole, avec notre empreinte de l’approche partipative ». Il est vrai, comme l’explique le nouveau maire, qu’il y’avait » une sorte de fracture générationnelle » entre la vision de l’ancien maître de la ville, qui cumulait les deux fonctions (mairie et présidence de la fondation du forum d’Asilah) et son fameux slogan » la culture au service du développement ».
Parmi les projets à moyen terme qui verront bientôt le jour, figurent les terrains de proximité au profit des jeunes au nombre de 7 à fin 2026 ( 4 projets de la commune et 3 autres promis par le wali de la région dans le cadre de la vision 2030 Maroc football ) et pour la population » Senior » la division de la ville en 4 zones avec chacune son marché de proximité « . Dans la même optique, et toujours selon Mr Ghailan, un projet structurant qu’il espère finir avant la fin du mandat, a été conçu pour changer la physionomie d’Asilah. Il s’agit de la transformation du boulevard Hassan II en esplanade, espace vert et aire de jeux pour enfants. Un budget de 50 millions de dirhams, avec à la clé le déplacement des fameux restaurants et Terrasses adjacents aux murailles de la ville vers Foundouk » 9diha « .
Les visiteurs d’Asilah, notamment ceux qui arrivent par l’autoroute, sont toujours choqués par le dernier bidonville de la région Tanger-Asilah : le fameux « bidonville Mexique », quelques 1200 baraques au total avec Borj attaib jusqu’à hôtel Gnawi . » Il est honteux et inconcevable qu’une ville comme la nôtre, située à une trentaine de kilomètres de Tanger, puisse continuer à abriter ce genre d’habitations, surtout que nous serons à la première loge des retombées en termes des flux du mondial 2030 » . Le terrain foncier existe et tout le défi est d’éradiquer ce quartier insalubre avec la collaboration des ministères concernés.
Asilah abrite une ZAE ( zone d’activité économique) avec 45 parcelles dont 39 sont déjà vendues, la première unité démarrera au cours des prochaines semaines avec à la clé la création d’une centaine de postes d’emploi. Au total, quelque 7000 postes seront à pourvoir les prochaines années. La question qui se pose est de savoir si les » Zwalech » ( habitants d’Asilah) pourront vraiment en profiter ? » Nous sommes en pourparlers avec l’OFPPT pour la création d’un centre de formation spécialisé à Asilah pour pouvoir répondre directement aux besoins des profils demandés par les entrepreneurs de la ZAE « .
Outre la pêche artisanale et l’artisanat local, le tourisme est le moteur de l’activité économique de la ville,et beaucoup d’investisseurs ont débarqué à Asilah, à l’image de Khalid Filali Rotbi, le propriétaire du riad Oasis d’Asilah . Pour M. Filali Rotbi, la propreté, la sécurité et la tranquillité de la ville l’ont poussé avec son épouse Malika, à s’ y installer et acquérir une demeure ayant appartenu à un consul suisse, et offrir ainsi des opportunités de travail aux jeunes » Zwalech » .
Notre interlocuteur est par ailleurs vice-président de l’association locale des acteurs touristiques, et avec son président Mr Saad Jebari, leur ambition est grande aux côtés d’autres acteurs de la ville, qui militent pour avoir l’autorisation d’exercer pour des dizaines de maisons d’hôtes, en proposant des circuits thématiques à l’intérieur de la médina et en ouvrant la tour portugaise « 9amra « aux visiteurs. C’est ici que Sébastien 1er a séjourné pendant 11 jours avec ses 20000 hommes lors du débarquement portugais en 1471.
La société civile d’Asilah est très dynamique, indique Dr Abdelhamid Melehi, enseignant universitaire. « La ville est le berceau des artistes, poètes et photographes qui mènent une révolution artistique tranquille ». Rappelons juste que la famille Melehi a donné (et donne encore au pays ) de grands noms, dont l’emblématique peintre Feu Mohamed Melehi, connu mondialement, son fils l’architecte Youssef Melehi, le talentueux peintre et céramiste professeur Mohamed Amine Melehi ,le magicien de la géométrie, sans oublier Abdelkader Melehi et la jeune artiste Sawssane Melehi…Chez les Melehi, l’art est une affaire de famille qui se transmet de génération en génération.
La ville bouillonne après le décès de sa figure tutélaire et les langues commencent à se délier, réclamant, comme partout, d’avancer. Pourquoi ne pas penser à un train navette régional Tanger Tétouan Asilah, (type «Aouita » entre l’aéroport Mohammed V et Casablanca Centre), pour drainer un flux de visiteurs continu toute l’année et combattre la saisonnalité ? Même si certaines voix réclament une annexe d’université, une faculté pluridisciplinaire, ou carrément dans un élan farfelu (comme cela a été demandé au maire de la ville), pourquoi ne pas en faire La Marbella du nord ? Avec un tourisme d’élite et un pôle universitaire d’excellence ? Qui vivra verra ?