OMPIC : Pour un nom, c’est non !

Le ministre de l'Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour.

Avant qu’un porteur de projet ne crée son entreprise, il doit se coltiner les procédures complexes de l’Ompic pour l’obtention du fameux certificat négatif. Une démarche fastidieuse et énervante  qui relève du parcours du combattant. Explications.

Laila Lamrani

Imaginez un entrepreneur enthousiaste, tentant d’obtenir un certificat négatif pour son nouveau projet  » Sillages ». Après quelques jours d’attente alors que la demande se fait en ligne, la réponse tombe: Refus de l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale ( OMPIC). Le mot  » sillages », vous explique-t-on, est déjà pris par une société du nom de « Sillage service » !

Un projet dont le promoteur opte pour « Sillages » comme enseigne commerciale et une société évoluant dans le secteur de la location et de la vente de bateaux du nom de « Sillage service » doivent en toute logique exister sous ces deux dénominations sans aucun conflit.

Mieux encore : vous introduisez une demande pour « Parcours d’exception ». Accepté dans un premier temps mais refusé pour le mot « Parcours » lors d’une seconde tentative, sous prétexte qu’une société baptisée « Parcours Service » existe déjà ! Un vrai labyrinthe!

Ce couac qui en dit long sur les incohérences du dispositif de réservation des noms de l’OMPIC n’est pas un cas isolé mais la règle d’un système où les mots semblent s’user à force d’être refusés.

On peut multiplier les cas absurdes à l’infini… Un café « Au Bon Jeune » pourrait-il empêcher la création d’une startup qui veut s’appeler « Dynamique  » ? Selon la logique de l’OMPIC, oui ! La règle semble être : « Un mot, une entreprise », peu importe le secteur d’activité ! Cette interprétation maximaliste va bien au-delà de l’objectif de base consistant à éviter la confusion dans l’esprit du public.

Dans la logique Ompic, la nuance est bannie alors que l’office devrait appliquer le test du « risque de confusion réel » de manière plus intelligente. Un café et une startup avec le mot « jeune » créent-ils vraiment une confusion ? Comme le prévoit la loi, la protection devrait être strictement limitée au secteur d’activité de l’entreprise déposante.

Perte de temps

Cet établissement fonctionne comme un casino des noms : on mise sur une idée, on perd souvent, et l’on paye toujours, même pour un refus ! Cerise sur le gâteau de l’absurdité, on passe à la caisse pour service non rendu ! L’entrepreneur paye pour un service (l’obtention d’un nom) et se voit facturer… un refus. Cela ressemble à une taxe sur l’échec administratif, ce qui est profondément injuste et va à l’encontre de toute logique d’encouragement à l’investissement.

Une mécanique kafkaïenne qui décourage les bonnes volontés et freine l’élan des investisseurs. Quelle perte de temps et d’énergie ! Il faut vraiment se torturer les méninges pendant des heures et des heures pour trouver un nom qui contourne des mots pourtant parfaitement adaptés. C’est un effort sincèrement contre-productif.

Le découragement est réel. Après avoir mûri un projet, se heurter à un refus incompréhensible sur le nom peut être perçu comme un mauvais signe et attiédir l’envie d’entreprendre.

Ompic
L’OMPIC gagnerait à se réinventer en une plateforme de service en ligne.

Outre la perte de temps et d’énergie, cette situation engendre une insécurité juridique pour les investisseurs. Comment construire une stratégie de marque et communiquer efficacement quand le nom même de son projet peut être remis en cause par l’existence d’une entreprise aux activités sans rapport ? Cette insécurité est un frein non négligeable à l’innovation et à l’entrepreneuriat.

L’OMPIC, dont la mission est de protéger la propriété intellectuelle et de fluidifier la création d’entreprise, devient paradoxalement un obstacle bureaucratique. En verrouillant l’accès à des mots du langage courant et en facturant les refus, il pénalise ceux-là mêmes qui veulent contribuer au développement de l’économie nationale. Il est urgent que cet établissement change de logiciel pour passer du statut de machine à bloquer à celui de partenaire des entrepreneurs.

Le fonctionnement de l’OMPIC, bien que reposant sur un principe légitime – la protection des signes distinctifs et l’évitement de la confusion dans l’esprit du public – semble poussé à l’extrême. La logique de protection ne devrait-elle pas être évaluée au regard du risque de confusion réel ?

Mais en tenant à accorder une protection absolue et transversale à un mot générique, l’office crée une pénurie artificielle de dénominations, un paradoxe pour une institution dont la mission est de faciliter la création des entreprises.

L’OMPIC, avec ses refus souvent opaques, devient un obstacle à franchir. Une administration anachronique, qui manque d’agilité, en raison de l’intervention humaine dans le processus. Attendre « plusieurs jours » pour une demande de nom déposée en ligne est un non-sens à l’ère du numérique. C’est du temps volé à l’entrepreneur. L’OMPIC gagnerait à se réinventer en une plateforme de service en ligne sur le modèle des sites de noms de domaine qui facilitent l’acquisition des noms de domaine. Si le nom demandé est libre, on peut l’acheter sur le champ, sinon le site propose d’autres options de manière tout aussi instantanée.

Ce processus rapide, transparent et dématérialisé peut être parfaitement appliqué à la réservation des certificats négatifs. Que des avantages pour les usagers. L’instantanéité (disponibilité d’un nom de domaine est vérifiée en quelques secondes), l’automatisation (l’attribution est gérée par un algorithme, supprimant l’aléa humain). Et puis, pas de jugement de valeur : le système ne refuse pas un nom parce qu’il est « trop similaire » à un autre, sauf en cas de ressemblance avec une marque notoire. Et last but not least, accessibilité 24/24 et 7/7. La flamme Ompic est véritablement éteinte !

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