Dr Alphonse Zozime*

A-Le contexte et les contours
L’Initiative de l’Atlantique, se déclinant en une vision stratégique royale, s’inscrit dans un contexte marqué par la mise en place d’une diplomatie d’écoute et d’action sous l’impulsion éclairée de Sa Majesté Le Roi Mohammed VI. Le Royaume du Maroc, dont l’avis compte auprès des grandes puissances, au-delà de la défense de ses intérêts vitaux, est défenseur des intérêts des pays en développement dans un monde en pleine mutation. Désormais, le grand défi du Royaume consiste en la conciliation de la défense de ces intérêts, la préservation de la paix, du bon voisinage, de la coopération et de la poursuite de l’action en faveur de la complémentarité régionale, tout en veillant à qualifier les ressources humaines et à mettre à niveau les mécanismes nécessaires. Autant dire que le Roi Mohammed VI a déployé une stratégie subtile qui appelait à des réajustements, entre aspirations humanistes et quête morale d’un ordre plus juste. La mise en place de cette vision est tributaire de l’efficacité de la diplomatie, et donc des diplomates. Car, il leur est désormais exigé des compétences professionnelles et des qualités psychologiques exceptionnelles.
Pour concrétiser cette vision pragmatique, le Maroc a mis sur pied une stratégie fondée sur la diversification de ses instruments de conquête des différents marchés africains.
Ces instruments constituent un puissant outil d’influence à l’échelle continentale; ce qui a permis au Maroc de consolider ses acquis à l’extérieur de ses frontières. Il s’agit, outre les groupes d’impulsion économique (GIE) mis en place dans chaque pays avec lequel le Maroc a conclu un partenariat, de : Maroc-Export ; réseau d’ambassades ; l’aide au développement ; l’accueil d’étudiants africains dans les grandes écoles marocaines ; un partenariat assuré par l’Agence marocaine de coopération internationale (AMCI); la Fondation Mohammed VI pour le développement durable, le Gazoduc Nigéria-Maroc, projet estimé à 25 milliards de dollars, destiné à transporter le gaz nigérian vers l’Europe à travers l’Afrique de l’Ouest, etc. C’est dans cette perspective et dans le cadre de la consolidation de sa vision qu’est née l’Initiative de l’Atlantique.
C’est donc l’émanation d’une vision royale, récente, suscitant un intérêt général pour les pays à accès ou non aux côtes atlantiques. En effet, dans son discours du 6 novembre 2023, à l’occasion du 48e anniversaire de la Marche Verte, le Roi Mohammed VI s’était dit très soucieux de la consolidation de la sécurité, de la stabilité et de la prospérité partagée au niveau des 23 Etats africains atlantiques et à favoriser l’accès des États du Sahel à l’Océan Atlantique. C’est pourquoi, il laissait entendre que : « si, par sa façade méditerranéenne, le Maroc est solidement arrimé à l’Europe, son versant atlantique lui ouvre, quant à lui, un accès complet sur l’Afrique et une fenêtre sur l’espace américain ».
B- La portée stratégique et intégratrice de l’Initiative de l’Atlantique
Pendant longtemps, le versant africain de l’Atlantique, notamment les pays d’Afrique de l’Ouest, a été réduit au golfe de Guinée, suivant les enjeux économiques et sécuritaires. Jadis oubliée dans l’appropriation scientifique des relations internationales et dans la coopération Sud-Sud, la façade atlantique de l’Afrique est de plus en plus considérée comme un espace géopolitique en construction. Pourtant, les 23 Etats riverains de l’Atlantique représentent 46% de la population africaine, concentrent 55% du PIB africain, réalisent 57% du commerce continental et recèlent d’énormes ressources naturelles (24 milliards de barils de pétrole de réserves prouvées au large du golfe de Guinée, soit à lui seul, 4,5 % des réserves mondiales).
L’océan Atlantique, les côtes Atlantique et l’Afrique Atlantique dans leur ensemble constituent un espace aux multiples enjeux stratégiques. Cela se justifie par la frilosité et la préciosité des espaces maritimes de l’Afrique Atlantique, exposés à de multiples défis communs : la crise du modèle du développement humain; le règlement des différends territoriaux et maritimes; la montée en puissance de la menace asymétrique (piraterie, terrorisme, banditisme); la réappropriation de l’espace maritime, à travers une politique maritime structurante.
Au demeurant, l’approche opératoire de l’Initiative de l’Atlantique en Afrique de l’Ouest est/ou sera aisée par l’identification et la mise en relief de cinq piliers: le levier de l’appropriation du projet par tous les pays africains riverains de l’Atlantique; le levier de la mutualisation des moyens et des ressources maritimes dont disposent ces pays; le levier de l’inclusion des pays du Sahel via leur désenclavement ; le levier de l’articulation qui vise l’arrimage de l’édifice de l’Afrique atlantique avec les autres initiatives adoptées au niveau continental et, enfin, le levier de l’opérationnalisation par la transformation de l’ambition africaine atlantique en des projets structurants et concrets.
* PhD en Histoire des relations internationales(Polémologie et irénologie africaines) Enseignant à l’Université de Yaoundé I Responsable du Comité Scientifique de NejMaroc (Centre marocain de recherche sur la globalisation) Auteur de l’ouvrage intitulé Le Sahara marocain : contours polémologiques et perspectives irénologiques.








