Ce premier roman de Yassin Adnan, écrivain et journaliste, sort vraiment du lot. Dès les premières pages (l’ouvrage en compte 464) un hadith du Prophète Mohammed prémonitoire de notre époque où l’honnêteté ne paye que rarement met le lecteur dans l’ambiance et annonce une histoire qui ne peut être que passionnante.
Ce hadith du Prophète, rapporté par l’un de ses compagnons en l’occurrence Abu Huraira, dit : « Les gens vivront des années frauduleuses où l’on croira celui qui ment et on ne croira pas celui qui ne ment pas. On fera confiance aux traîtres et on se méfiera des gens honnêtes, et ce sera le rouwaybidaaqui parlera. On lui demanda : Qu’est-ce qu’un rouwaybida, ô messager de Dieu ? Un sot qui se prononce sur tout, au nom de tous. » Près de 13 siècle plus tard, l’excellent Michel Audiard partagera à sa manière cette vérité avec l’une de ses célèbres citations. « Les cons ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît. », a dit le célèbre dialoguiste et cinéaste français. Que fait un hadith du Prophète dans un roman en français ? En fait « Hot Maroc » édité chez Sindbad-Actes sud en mars 2020 est une traduction de l’arabe par France Meyer une amoureuse et connaisseuse du Maroc, un avantage qui a aidé à ce que la version française soit de très bonne facture…La première parution date de 2016 aux éditions Dar el-Ain en-Nashr, Le Caire. Une traduction de bonne qualité qui a séduit au Maroc comme ailleurs, notamment en France où la critique n’a pas été avare de louanges. Florilège. « Un premier roman très puissant », Mohamed Kaci, TV5 MONDE Le 64′ ; « Yassin Adnan dessine une fresque féroce de son pays », Fanny Arlandis, TÉLÉRAMA ; « La fresque sociale devient satire. Grinçant et réjouissant », Hubert Artus, LIRE ; « Hot Maroc est la brillante satire d’une certaine société marocaine actuelle », Astrid Krivian, AFRIQUE MAGAZINE, « Une fresque grinçante entre Internet et monde réel », Hassina Mechaï, LE POINT, « Au bout d’une soixantaine de pages, je me suis rendu à l’évidence : ce livre est un chef-d’œuvre. Tout simplement. », Fouad Laroui, Le360.MA.
« Hot Maroc est l’histoire d’un antihéros, Rahhal, personnage insignifiant, lâche et timoré qui, par le biais des réseaux sociaux, règle ses comptes avec ses « ennemis intimes», c’est-à-dire toute personne ayant mieux réussi que lui. Son immense aptitude à nuire par clavier interposé est découverte et appréciée à sa juste valeur par les services de sécurité. Et le voilà soudain contraint d’utiliser ses talents de blogueur pour répandre sur la puissante revue électronique Hot Maroc les rumeurs assassines et les fake news que lui dictent les taupes du gouvernement. » Là aussi il y a prémonition, du moins intuition. Trois années après la première parution cairote du roman Adnane Yassin dont l’histoire se déroule au Mellah de Marrakech, éclatera en août 2019, également à Marrakech, l’affaire « Hamza mon BB » qui a défrayé la chronique judiciaire. « Véritable radioscopie de la nouvelle société marocaine née des bouleversements socioéconomiques que connaît le pays depuis les années 1980, ce premier roman de Yassin Adnan dénonce avec verve tous ceux qui, à l’ombre du pouvoir, bloquent la marche du Maroc vers la démocratie… »
« Rahhal Laaouina, court sur pattes et de stature malingre, face de rat et œil étroit, n’avait recours à la violence que lorsqu’il avait l’impression d’étouffer ou que le dévorait son sentiment d’infériorité. Et ce depuis ce jour lointain de son enfance où Khalid Battout avait eu l’idée de le tirer par la jambe pour le faire tomber. Rahhal avait profité du moment où son adversaire se penchait vers lui pour mettre en œuvre son plan diabolique : il avait tiré d’un coup brusque la tête de Khalid vers le bas, et levé son genou pour le lui planter en plein visage. Et le sang de fuser. » Depuis ce jour lointain, il réglait tous ses comptes en rêve. Rendait deux coups pour un. Et toujours avec la même technique. Le même coup de genou fulgurant… Via le personnage de Rahhal, l’auteur voudrait dire que dans chaque Marocain qu’on qualifierait aujourd’hui de nihiliste, négativiste ou fossoyeur est enfoui un personnage lointain traumatisé un jour par une injustice ou une déception… Bref, « le coup de génie de Yassin Adnan est d’avoir choisi comme héros un anti-héros total. » (Fouad Laroui).