Quand on regarde l’état de la médecine au Maroc aujourd’hui on constate que le secteur a atteint des niveaux comparables à celui de bien des pays occidentaux avancés en la matière. Tout en gardant à l’esprit que ce métier noble doit beaucoup aux savants érudits arabes et perses, l’on cependant ne peut ignorer qu’il était pratiqué sur des bases moins scientifiques mêlant sorcellerie et charlatanisme avant une certaine modernité apportée par le colonialisme dès 1912. Qu’en était-il de la médecine et de la pharmacie entre le XVIIe siècle et le début du protectorat ?
L’ouvrage « La médecine au Maroc, du XVIIe au XIXe siècle : Esquisses historiques » de Fouad Laboudi, psychiatre à l’hôpital psychiatrique Arrazi à Salé, tente d’apporter des éclairages en traitant de trois siècles d’histoire de la médecine au Maroc, du XVIIe au début du XXe siècle. Plus précisément de 1666 à 1912, une période pour laquelle nous disposons de peu de documentation. L’analyse ouvre sur les conditions politiques, économiques et sociales qui ont accompagné la médecine au Maroc. Un temps de transformations majeures de la médecine et des médecins au Maroc qui précède la pénétration française au Maroc, avant la signature des pactes du protectorat français et du protectorat espagnol en 1912. « Il existe trois périodes également, avec la dynastie des Alaouites à partir de 1666. Les phases du pouvoir politique fort des sultans Moulay Rachid puis Moulay Ismaïl sont marquées par un progrès scientifique important, grâce au dévouement des deux dirigeants.
Moulay Rachid a réorganisé les études à Al Quaraouiyine, il a titularisé les enseignants, légalisé les diplômes, notamment ceux de la médecine. Il s’est intéressé à la santé publique, de manière générale, avec une grande importance accordée à l’hygiène. Parmi les noms phares de cette période, on retrouve Abdelkader Bellarabi, Benchekroune El Meknassi, Abdelouahab Aderraq issu d’une grande famille de médecins originaire de Souss et vivant à Fès. Le règne de Moulay Ismaïl a été aussi une période d’apogée en termes de recherche durant 57 ans. Malgré quelques troubles politiques, le sultan a encouragé lui aussi les études à Al Quaraouiyine, il titularisait les enseignants de médecine, il a construit la ville de Meknès en donnant une grande importance aux aspects de l’hygiène dans l’urbanisme. », répond l’auteur Laboudi, qui est aussi enseignant à la faculté de médecine et de pharmacie de Rabat, à la question « Quelles sont les périodes phares qu’on peut distinguer dans l’évolution de la médecine en termes de formation? » que lui ont posée nos confrères du site Yabiladi. Fouad Laboudi, docteur en épidémiologie clinique et historien de la médecine, a dû explorer un grand nombre de livres d’histoire pour acquérir quelques faits simples sur la médecine et les médecins. De plus, la médecine a toujours été considérée comme accessoire aux yeux des biographes marocains.
« Ce manque de sources historiques a déjà été reproché par d’autres chercheurs. Mais cette difficulté a été plus au moins surmontée, après avoir effectué un travail de recoupement de données réunies dans différentes oeuvres françaises et arabes. Nous avons été amené à effectuer un travail de reconstruction de l’histoire de la médecine au Maroc, selon un ordre chronologique, malgré les vides flagrants précédemment cités, ou encore les citations éparpillées dans des sources qui ne sont pas toujours historiques. »L’origine de ce travail, paru chez l’Harmattan le 26 juillet 2001 (186 pages), est une thèse de doctorat soutenue publiquement, le 29 mars 2016, au Centre des études doctorales de l’université Mohammed V de Rabat en épidémiologie clinique et sciences médicales et chirurgicales.