Rebaptisé par les habitants “hôpital de la mort”, l’hôpital Hassan II d’Agadir est devenu le symbole d’un système de santé à l’agonie. Huit femmes admises à l’accouchement sont mortes. Scandale. Colère des familles et des habitants exprimée dans deux sit in dont les images ont fait le tour des réseaux sociaux, obligeant le ministre de la Santé et de la Protection sociale le RNI Amine Tahraoui à réagir.
Laila Lamrani
L’hôpital régional Hassan II d’Agadir cumule les maux qui frappent la santé publique : urgences saturées, couloirs bondés, matériel en panne et personnel soignant insuffisant. Mais les huit décès suspects enregistrés en maternité été la goutte qui a fait déborder le vase de la colère populaire. Deux manifestations massives en une semaine ont dénoncé des « conditions indignes», brandissant des slogans sans appel : « Assez d’attente, assez de morts ».
Pour calmer la fronde et circonscrire la crise, le ministre a joué la carte de la fermeté : le directeur du CHR Hassan II limogé (en fait l’hôpital fonctionnait depuis des mois sans patron ! ), la directrice régionale Lamia Chakiri relevée de ses fonctions, d’autres responsables provinciaux écartés. Pour assurer l’intérim, le Dr Jabbar Mortada, directeur régional de la Santé à Dakhla, a été désigné en catastrophe Côté équipements, promesse d’un nouveau scanner, opération de maintenance pour le matériel défaillant, remplacement des sociétés de nettoyage et de gardiennage. Chapitre financement, Une enveloppe de 200 millions de dirhams est annoncée par le ministre pour la mise à niveau l’hôpital, en partenariat avec le Conseil régional ( En fait, ce budget figure dans le contrat- programme signé par la région en octobre 2024 sous le mandat de l’ex-ministre de la Santé Khalid Aït Taleb ). Question : Pourquoi Qu’est ce qui explique ce retard dans l’exécution du budget et avoir attendu que des drames qui auraient pu être évités surviennent pour prendre les choses en main ?
Dans une déclaration à la presse à l’issue de sa visite, le ministre a exprimé sa solidarité avec la population d’Agadir et de la région Souss-Massa. Face à l’étendue des dysfonctionnements et des dégâts qu’il a reconnus, il a indiqué qu’une commission centrale avait été dépêchée pour établir un diagnostic de la situation et proposer des solutions urgentes. Son rapport préliminaire, remis la semaine dernière, pointe une série de défaillances et de manquements : manque d’équipements, pénurie de médicaments et absences récurrentes du personnel soignant.

Là réside la véritable plaie : Les médecins et les infirmiers ont abandonné l’hôpital pour aller exercer dans le privé qui offre une rémunération attrayante. C’est sur ce désert médical dramatique en plein Agadir qu’ont poussé comme des champignons les cliniques. L’hôpital public a Agadir et ailleurs a besoin de soins d’urgence. Reste cette question dramatiquement lancinante : A quoi est due la mort des huit femmes ? erreur médicale ou négligence coupable? Une commission de l’inspection générale a été dépêchée sur place pour faire la lumière sur ces décès jugés suspects. Dans les couloirs de l’hôpital-mouroir, une rumeur circule, incriminant un problème de conservation de l’halothane, anesthésiant utilisé en bloc opératoire, qui aurait perdu son efficacité et administré à fortes doses pour endormir les patientes…
Celles-ci ne se réveilleront jamais. Les familles des victimes, soutenues par la foule des manifestants, exigent que l’enquête aille vite et jusqu’ au bout pour déterminer les responsabilités et sanctionner les coupables. Quid de la responsabilité politique? Ne serait-elle pas engagée surtout qu’il y a mort d’homme?
“Mondial de la santé”
En ligne, une vague numérique s’est levée sous le hashtag #مونديال_الصحة. Des milliers d’internautes réclament que la santé devienne une priorité nationale, au même titre que le Mondial 2030 que le Maroc co-organise avec l’Espagne et le Portugal. « Nous voulons un Mondial de la santé… pas seulement un Mondial de foot », peut-on lire sur les affiches virtuelles partagées en boucle. Les slogans fusent : « La dignité du citoyen commence par la dignité du patient », « La maladie n’attend pas… Le secteur de la santé doit être à la hauteur. ». Le mot d’ordre est clair : « Ne sois pas le dernier relais. Fais passer le message ».Des appels circulent également pour une marche nationale à Casablanca les 27 ou 28 septembre pour donner une résonance nationale à la détérioration des services de santé d’Agadir et rappeler que la santé de la population est trop importante pour la laisser sur le banc de touche.