Benabdallah bien parti pour hériter du parti…

Nabil Benabdallah. Soit avec moi ou contre moi.

Nabil Benabdallah s’achemine tranquillement vers un quatrième mandat à la tête du PPS lors du 11ème congrès du parti prévu le 11, 12 et 13 novembre à Bouznika. Les dessous d’un non-événement…

Nabil  Benabdallah est aux commandes du parti depuis mai 2010. S’il se fait réélire, ce serait alors un record de longévité politique. Il ne restera plus alors aux membres résignés que d’en tirer les conclusions qui s’imposent : lui léguer le PPS en héritage.

Un parti dont il a organisé le verrouillage de la base et des instances décisionnelles et qu’il a eu largement le temps de formater selon ses désirs. Par l’organisation du  vide autour de lui en éloignant tous ceux qui sont susceptibles de représenter une menace pour sa chefferie. Résultat :  Au PPS, il n’y a pas de numéro 2. Pas  de dauphin. Il n’y a que Benabdallah. Encore et toujours. Tout à  son obsession de garder la mainmise sur le parti, il  ne tolère pas les voix dissonantes ni les têtes qui dépassent. S’empressant de faire taire les uns et de réprimer les autres pour rester le seul maître à bord. Ce qui a eu comme effet de réduire la vie du parti qu’il a appauvri en termes de débat démocratique, à une alternative simpliste : pour ou contre Benabdallah

N’a-t-il pas chassé comme des malpropres avec la bénédiction d’un Bureau politique majoritairement à sa dévotion pas moins de 11 militants  qui ont osé signer une pétition demandant la réconciliation interne et appelant à une rébellion contre la direction actuelle ? Baptisé « Nous sommes toujours sur le chemin », ce courant anti-Benabdallah emmené par Azeddine El Amarti, est notamment à l’origine  d’un document virulent mais lucide qui a pointé, suite aux élections législatives de 2021,  « l’échec de l’approche purement électoraliste poursuivie par la direction du PPS en faisant appel, tardivement, à des candidats non affiliés au parti pour les imposer aux bases militantes ».

Coup de force

« Mais il n’y a  pas moyen de débattre avec le camarade Nabil qui développe de plus en plus des réflexes staliniens et qui refuse de passer la main alors que sa gestion autocratique a mené le parti à la catastrophe», déplore un contestataire. En privé et même en public,  le secrétaire général formule le désir de partir, arguant que le parti ne manque pas de compétences capables de prendre le relais mais il objecte en même temps qu’il n’a pas le droit de passer la main sans s’assurer au préalable que la continuité et la cohésion du parti  seraient assurées avec une personnalité forte et consensuelle.

« Je suis responsable d’un parti et de sa trajectoire et il n’est pas responsable que je prenne la voie de la sortie sans avoir préparé le congrès et garanti la continuité en termes d’identité, d’orientation  et d’unité », explique-t-il le 31 mai 2022 à l’occasion d’un débat organisé par la Fondation Fkih Tetouani. C’est connu, ce genre d’argument est dégainé par les potentats qui se croient indispensables et même investis d’une mission messianique, se laissant convaincre que leur retrait précipiterait la fin de l’institution qu’ils régentent. Le même Benabdallah conclut lors de ce même colloque politique : « Il m’incombe de préparer les conditions pour que cela (passer la main) se produise. J’espère qu’on y arrivera lors de la préparation du prochain congrès ». Bourrer le mou, baratiner ses interlocuteurs, est l’art  où excelle le plus l’ex-ministre de l’Habitat. Celui qui n’a rien fait pour contribuer à l’émergence d’un successeur potentiel est déterminé à s’offrir sans coup férir une quatrième mandature alors même que les statuts ne l’y autorisent guère. Au début, ces derniers limitent le nombre de mandats à deux, avant que M. Benabdallah ne les fasse amender, sur le schéma des autocrates africains, pour porter le nombre de mandats maximums à 3 afin de pouvoir se représenter lors du 10ème congrès de mai 2018. S’il brigue un quatrième mandat à la tête du PPS, il serait dans l’illégalité totale. Ce que l’intéressé balaie d’un revers de la main, dégainant une fatwa qui légitime son coup de force, à savoir que la révision des statuts n’étant intervenue en 2016, à l’issue d’un congrès extraordinaire sur mesure, il ne brigue en 2022 qu’un deuxième mandat (le mandat 2010-2014 n’est pas comptabilisé). «Autrement dit, le PPS peut écoper de Benabdallah jusqu’à 2030», ironise un ancien élu qui considère que sa recherche de mandats illimités recoupe parfaitement le schéma des présidences à vie qui sont antinomiques avec l’alternance au pouvoir. « Benabdallah s’accroche au PPS parce qu’il est du genre à ne pas pouvoir exister en dehors du parti », croit savoir un député.    

Lui donner le PPS en héritage ? Ce serait  franchement la meilleure solution surtout que personne  parmi les historiques du parti ne veut en découdre avec le chef. A commencer par Abdelouahed Souheïl qui s’est empressé d’apporter il y a quelques jours un démenti courageux à une rumeur médiatique  lui prêtant l’intention de se présenter contre Nabil Benabdallah.

«Je ne suis ni dissident du Parti du progrès et du socialisme, ni un candidat pour prendre la tête de cette formation politique», explique-t-il  au site Le360, croyant même utile d’ajouter pour mieux l’encenser: « Nabil Benabdallah est un petit frère pour moi. Il est aussi et surtout un camarade de longue date ». Ouf, on est rassurés !  M. Souheïl est un brave camarade qui  n’aspire qu’ à rester ce qu’il a toujours été, un homme peinard, adepte du fameux «vivons heureux, vivons cachés» après avoir goûté aux délices du pouvoir. D’abord comme président d’une grande banque de la place puis en tant que ministre de l’Emploi.

Relents d’aigreur

Pourquoi monter au front et contrarier son « petit frère» ? A quoi bon se bagarrer pour la grandeur du parti sclérosé pour  contribuer à son  renouveau en injectant du sang neuf dans ses organes décisionnels ? Cela fait tout de même 47 ans, soit bientôt un demi-siècle, qu’il est membre du Bureau politique ! Là où l’on voit que  la planque de  Abdelouahed Souheïl est plus solide que le mur de Berlin qui, lui,  s’est effondré depuis longtemps.

La même atonie caractérise le cimetière des éléphants, appelé pudiquement Conseil de la présidence, dirigé par l’ex-secrétaire général du parti Moulay Ismaïl Alaoui, qui par son silence assourdissant cautionne les dérives autocratiques de son leader. Celui-ci ne s’est jamais remis de son limogeage du gouvernement  en 2017 avec  une brochette de ministres par S.M le Roi Mohammed VI suite aux dysfonctionnements relevés dans l’exécution du projet « Al-Hoceima, phare de la Méditerranée ».

Ce qui conduira le PPS à se retirer  en 2019 du  cabinet El Othmani II à l’issue d’un comité central houleux qui  a validé en session extraordinaire la décision prise par le Bureau politique. Depuis, le PPS, qui a noué avec les islamistes du PJD une alliance au pouvoir, qualifiée de contre-nature par certains et de compromission historique par d’autres, tente de d’opposer en parti d’opposition crédible. En vain. Les sorties de son secrétaire général contre le gouvernement actuel, où il aurait volontiers accepté de siéger, dégagent des relents d’aigreur et de frustration. Quant au prochain congrès, il promet d’accoucher de la même séquence lassante des fois précédentes: Nabil Benabdallah affrontant une candidature militante  qui n’a aucune chance de le détrôner. Pour avoir le droit de se présenter, il faut avoir les signatures de 10% des congressistes dans au moins la moitié des régions. Autant dire mission impossible. L’appareil PPS est verrouillé.  Autant dire que le 11ème congrès du PPS ne comporte pas d’enjeu. Sauf celui d’adouber Benabdallah tsar à vie des ex-communistes marocains.

Traduire / Translate