Qui a dit que les parlementaires se contentent juste d’engloutir « l’argent du peuple » sans mouiller leur seroual ? En voilà la preuve qu’ils sont studieux, pas déconnectés pour un sou…
Le Canard a mis la patte par hasard sur une correspondance succulente signée par le président de la chambre des représentants Habib El Malki. Le destinataire ? Le ministre de l’Éducation nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique Saaid Amzazi. Objet de la lettre, datée du 21 mai, et portant l’emblème du Parlement, informer le ministre MP d’une mission exploratoire temporaire- un mécanisme prévue dans le règlement intérieur du Parlement-, à l’office de la Formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT). Dans un deuxième courrier, daté du 20 mai, M. El Malki soumet à M. Amzazi la composition de la délégation parlementaire en question, issue des rangs aussi bien de la majorité que de l’opposition. Dans le rôle du chef, le PJD Mohcine Moufidi qui a pour adjoint Jamal Benchekroun Karimi du PPS. Le rapporteur est un député istiqlalien tandis que son assistant est un USFP. Au total, ils sont 12 élus et 3 autres chargés de « la gestion de la mission » à s’intéresser à l’établissement dirigée depuis septembre 2018 par Loubna Tricha qui a réussi jusqu’ici l’exploit de tout changer sans rien changer… Qui a dit que les députés se contentent juste d’engloutir « l’argent du peuple » sans mouiller leur seroual ? En voilà la preuve qu’ils sont studieux, pas déconnectés pour un sou puisqu’ils qu’ils font même du terrain pour savoir ce qui s’y passe, même si le programme ne fait aucune mention de la nature de la mission et de ses objectifs. Un secret d’État ?
Cette fine équipe dément toutes les salades racontées sur le compte des « représentants de la nation ». Vraiment ? Pour en avoir le cœur net, jetons un coup d’œil au programme communiqué également au ministre Amzazi, chargé par M. El Malki d’en informer la directrice générale de l’office. Celle-ci apprendra ainsi que les 12 parlementaires ont jeté leur dévolu sur les centres de formations OFPPT de Marrakech et d’Agadir selon le programme suivant, qui démarre le mercredi 26 mai 2021 :
Matinée (deux points à la ligne) : Démarrage des travaux à 9H, 10H ou 11H30 ? Aucune précision là-dessus. Pourquoi s’enfermer dans une heure précise lorsque l’on peut être souple à souhait ? On connaît la culture maison dans ce domaine. En raison de quelques retardataires qui traînent des pieds parce qu’ils ont veillé la veille jusqu’à une heure indue, la parlotte démarre toujours en retard par rapport à l’heure initialement fixée. Sous nos cieux, en général, aux alentours de 10 heures 30, pause-café à midi ou 12 H 30 et déjeuner à 14 heures qui s’étire, bavardage oblige, jusqu’à 16 heures et mêle au-delà… Le programme de travail matinal comporte une « rencontre avec le directeur régional de l’OFPPT de Marrakech » et dans l’après-midi « la « visite » de « quelques» centres de formation dans la ville ocre. Sans préciser lesquels. Après Marrakech, la mission met le cap sur Agadir pour dérouler le lendemain jeudi 27 mai la même activité avec le responsable régional de l’OFPPT de la cité balnéaire, déployée la veille avec son collègue de Marrakech. Le vendredi 28 mai marque « la fin de la mission et retour à Rabat ». Quelle mission harassante ! Un vrai programme de travail de contrôle parlementaire ? Les esprits malveillants ne manqueront pas de dénoncer un petit itinéraire touristique sous couvert d’une action parlementaire visant un établissement public. Les 12 petits malins de la mission se seraient ainsi offert un séjour de 3 jours (qui pourrait se prolonger le week-end) dans les deux principales villes touristiques du pays. Pourquoi se priver de joindre l’agréable à l’agréable, surtout que le climat au sens propre et figuré s’y prête. Cela se voit que la crise sanitaire a poussé nos très chers députés à réviser leurs ambitions à la baisse en se rabattant sur le tourisme national. En période normale, ils s’offraient sous couvert de la diplomatie parlementaire et autres activités convenues de beaux voyages à l’étranger. Maudit coronavirus qui leur a coupé les ailes !
Séance de bricolage à l’office de la formation professionnelle
Dès que Loubna Tricha a été informée de la mission exploratoire temporaire, c’est le branle-bas de combat dans les directions régionales des deux villes, cible du raid parlementaire, dont les patrons ont tout d’un coup réalisé que les instituts de formation qu’ils chapeautent ne sont pas très présentables et qu’il faut d’urgence en soigner les apparences pour faire bonne figure devant les hôtes qui se sont invités chez eux…
Comme il ne connaît pas les centres de formation que la mission parlementaire désire visiter, le directeur régional de Marrakech, par exemple, a sonné la mobilisation pour faire réaliser dare-dare dans toutes les écoles de formation de la ville divers travaux de réfection nécessaires pour la bonne marche des modules de formation, mais longtemps négligés car jugés non-essentiels ! Une salle de réunion en mal d’éclairage, des arbres non élagués, des chasses d’eau en panne…
Comme le temps presse, on a dû faire appel en catastrophe aux fournisseurs amis de l’office pour mener à bien ces opérations de ravalement de façade. C’est l’opération dépannage. Plus le temps de lancer un marché pour ça. On s’arrangera avec les entrepreneurs après le passage de la mission. Il faut éviter que coûte que coûte de prêter le flanc et décrocher un rapport négatif sur l’office et ses centres de formation. A l’office de la formation professionnelle, l’amateurisme et le bricolage sont visiblement une seconde nature.