A priori rien n’interdit au Maroc d’im-porter le carburant russe du fait de sa neutralité dans le conflit russo-ukrainien. Sauf que c’est plus compliqué qu’ il n’y paraît. Explications.
Une question écrite émanant d’un député USFP Abdelkader Taher adressée à la ministre de l’Économie et des Finances sur de supposées opérations d’importations de gasoil d’origine russe à bas prix par les compagnies pétrolières nationales a agité l’opinion publique et les milieux pétroliers. Et pour cause, l’élu livre dans sa correspondance, datée du 17 février le prix d’achat de la tonne du carburant poutinien : 170 dollars, soit 70% moins cher que les cours mondiaux règlementaires. Une aubaine (une grande hamza comme dirait l’autre en dialectal). Mais les importateurs en question dont il ne cite pas les noms, s’offusque notre lanceur d’alerte, ne répercutent pas cette différence sur les prix à la pompe au Maroc tout en les accusant de falsifier le certificat d’origine de la marchandise comme si celle-ci provenait du Moyen-Orient ou d’Amérique. En d’autres termes, les importateurs indélicats réalisent des « bénéfices pharamineux » en s’enrichissant encore plus aux dépens des automobilistes. Le parlementaire met en cause le gestionnaire des dépôts de stockage du port de Tanger Med qu’il soupçonne d’être l’ordonnateur de cette opération qui se déroule a l’insu des « services financiers de l’État».
Le questionneur fait allusion au distributeur de carburant Afriquia, filiale de Akwa group de Aziz Akhannouch. Sous couvert de défense du pouvoir d’achat des automobilistes, C’est le Premier ministre qui est de nouveau visé à travers ces allégations dans une tentative de le mettre politiquement en difficulté.Un amuseur virtuel qui sévit sur le Net s’est emparé de ce dossier sulfureux pour raconter un récit à dormir debout: il soutient que des tankers chargés de gasoil russe accostent dans une zone internationale près de Gibraltar pour organiser ensuite le transbordement des liquides vers d’autres navires marocains qui se chargent d’acheminer les barils vers le port de Tanger Med. C’est aussi simple que démarrer une voiture sans clé…
La Russie a été contrainte de trouver d’autres débouchés pour ses produits pétroliers bruts et raffinés en raison des mesures de plafonnement des prix (60 dollars maximum le baril du pétrole brut et 100 dollars pour un baril de diesel) adoptées par l’Europe sur al recommandation américaine. Ces sanctions s’ajoutent à d’autres censées frapper le pays de Poutine au portefeuille et de réduire sa capacité financière à subventionner sa machine de guerre meurtrière en Ukraine. Force est de constater que la politique des sanctions n’a pas fait précipiter Vladimir Poutine vers la table des négociations, lequel continue de massacrer le pays de Zelensky… En revanche, ce sont les pays européens qui semblent s’être tirés une balle dans le pied en se privant du diesel russe dont ils étaient dépendant à hauteur de plus de 300.000 barils par jour, pendant que les États-Unis se sont imposés en fournisseur stratégique du vieux continent en produits énergétiques. Bravo les artistes !
Volumes
A priori rien n’interdit au Maroc d’importer le carburant russe du fait de sa neutralité dans le conflit russo-ukrainien. Selon une source proche du dossier, le Maroc ne peut pas cependant importer les produits pétroliers raffinés russes en raison de la nature de son système bancaire adossé presque exclusivement au dispositif financier européen.
« Même s’ils le veulent, les pétroliers marocains ont les mains liées à cause de leur incapacité d’ouvrir des lignes de crédit pour s’approvisionner à des prix bradés directement du marché russe, affirme l’expert marocain du secteur Mostafa Labrak. Une contrainte que les enseignes pétrolières étrangères opérant au Maroc, Total Énergie et Shell, n’ont pas grâce à leur évolution dans un système financier mondialisé couvrant les cinq continents. Un autre spécialiste n’exclut pas la possibilité pour des enseignes pétrolières européennes opérant au Maroc, Total Énergie et Shell, d’être les organisateurs de l’entrée au Maroc du diesel russe à bas prix dont ils entreprennent ensuite la réexportation depuis le port de Tanger Med principalement vers le marché africain où ces multinationales sont fortement implantées. Cette thèse fait étrangement écho au contenu de l’article du Wall Street Journal qui a relevé dans son édition du 25 février une augmentation inhabituelle des approvisionnements marocains en diesel russe. De l’ordre de 600.000 barils pour toute l’année 2021, ils ont grimpé à 2 millions de barils juste pour le mois de janvier 2023. Ces volumes sont trop importants pour être destinés au seul marché national. Selon la même publication, la Tunisie est devenue elle aussi un réceptacle des combustibles poutiniens. Les mesures de rétorsion contre le pétrole russe a créé un effet d’aubaine colossal. Afin de s’enrichir plus, on rivalise dans l’ombre d’ingéniosité pour les contourner et les vider de leur essence.