Du rêve de Azembay au cauchemar de Oukacha

Fin de l’impunité pour Youssef Benamor ! Depuis, le 20 septembre, le patron de la société de promotion immobilière Earth Résidences,  dort au complexe pénitencier de Oukacha à Casablanca.

Ainsi en a décidé le président de la séance lors de la première audience du procès ouvert auprès du tribunal de première instance de Aïn Sebaa pour escroquerie et mauvaise foi. Le dossier d’accusation a fait l’objet d’une instruction  minutieuse  et approfondie de la part de la BNPJ et la justice. Avec auditions de Youssef Benamour et confrontations avec les plaignants.

Ces derniers  sont les acquéreurs  de son programme résidentiel, Azembay, réalisé selon les modalités de la VEFA (vente en l’état futur d’achèvement) pour une jouissance dans le cadre de la Loi RIPT (résidences immobilières de promotion touristique) que le promoteur est accusé de ne pas voir respecté et qui s’est vu retirer en plein éclatement du scandale en juillet 2022 par le ministère  du Tourisme la licence définitive  pour « manquement » à ses  engagements ( Voir le Canard Libéré n0 699 du 29 juillet 2022). Azembay c’est en effet un écovillage de rêve, comme on en trouve très rarement ou pas du tout au Maroc, d’une capacité annoncée de 94 unités (dont seule 18 villas et une vingtaine d’appartements ont été livrés), bordé d’un côté par une plage splendide s’étirant sur près de 2 kilomètres et une forêt de 940 hectares de l’autre. Situé à 59 km au sud de Casablanca, le site relativement intact et protégé offre un cadre idéal pour des vacances écologiques et des retrouvailles en famille ou entre amis. C’est à son cachet développement durable que Azembay doit son agrément par les autorités d’El Jadida, à l’époque , en 2017, où Mouad Jamaï était le gouverneur de la ville.

Au centre du litige figure le refus  du propriétaire de finaliser les transactions par la signature  des contrats de vente.  Dès lors, la relation entre les deux parties, empreinte au départ  de cordialité et de respect, se dégrade petit à petit pour devenir tendue et pleine d’animosité. Devant les atermoiements de M. Benamour, les acheteurs finissent par  saisir la justice  pour obtenir ce qu’ils réclament vainement depuis 2016 : la signature des actes de propriété. Droit légitime surtout qu’ils ont payé pour leur majorité la totalité du prix de leurs biens et que l’éclatement des titres est intervenu en 2019, soit avant la crise pandémique.

Garanties

Et pourtant, les membres du groupement des propriétaires, gens de la bonne société casablancaise,  ont contribué à la réalisation du site en tant qu’acquéreurs-investisseurs en prévision de la gestion locative réglementée. «Les acheteurs, conquis par le concept novateur du projet, formaient presque une seule famille, on s’invite les uns chez les autres pour manger ensemble à la bonne franquette, même Youssef Benamour qui se montrait cool et chaleureux au début nous ouvrait les portes de sa villa sur le site », soupire un client très déçu.

C’est cette relation privilégiée entre les copropriétaires et le promoteur qui explique que les premiers, en leur qualité d’acquéreurs-investisseurs dans le cadre d’une gestion locative encadrée par la loi, ont procédé au règlement partiel ou intégral du montant de leurs résidences secondaires auprès du notaire de M. Benamour « parfois même au-delà des exigences de la Loi VEFA et sans que toutes les garanties que leur confère cette loi leur soient données ». Un autre acheteur explique : «C’est parce que nous voulions absolument que le projet Azembay, qui a  obtenu les permis d’habiter,  soit une réussite à tout point de vue ».

Azembay c’est en effet un écovillage de rêve, comme on en trouve très rarement ou pas du tout au Maroc.

Profitant de cet état d’esprit, fait de confiance mutuelle, M. Benamour permet, à sa demande, au groupement d’acheteurs « de réceptionner leurs biens en jouissance.  Contre l’obligation pour le moins curieuse  d’effectuer l’achat  de l’ameublement de base de leurs résidences auprès de la société de gestion Earth Hospitality, affiliée à son propre groupe, «le règlement et l’installation des compteurs d’électricité et, pour la plupart, la consignation des reliquats de paiement chez le notaire désigné». Or, le transfert de propriété n’aura toujours pas lieu alors que le promoteur a obtenu une licence RIPT provisoire, et contre son engagement de délivrer les titres de propriétés aux copropriétaires avant le 31 octobre 2018, ces derniers lui donnent le feu vert pour amorcer, « sous son entière responsabilité au regard de la Loi RIPT», un « test d’exploitation locative ».

Devenus méfiants, les acquéreurs refusent la proposition du patron de Azembay pour qu’ils signent de nouveau des « contrats de bail provisoires » pour l’année suivante, tant que les transferts de propriété- sans cesse réclamés et curieusement différés par M. Benamour- n’auront pas été effectifs. Refus légitime puisque l’autorisation du promoteur de louer les résidences sans l’établissement des actes de vente définitifs constitue une entorse à la Loi RIPT. Ce qui n’empêchera pas Youssef Benamour de mettre dès 2019  les résidences des acquéreurs en location sans leur assentiment. Dans ce qui ressemble à une fuite en avant, le dernier de la fratrie de Mohamed Benamour (le patron de HEM), décide d’ouvrir les hostilités et interdire depuis la fin de ramadan  2022 aux acquéreurs l’accès à leurs propriétés en arguant de « travaux de réhabilitation du site ». Un site qu’il continue pourtant à ouvrir, au mépris de la loi, à l’exploitation locative, via des campagnes de promotion sur les réseaux sociaux. Visiblement,  le promoteur , qui n’a jamais eu l’intention de finaliser le processus de vente, ne cherche à leur faire signer que des contrats de bail pour empocher les recettes au titre de la location.

Impunité

Tout à son sentiment d’impunité, Youssef Benamor  est allé jusqu’ à menacer de représailles , via  sa responsable de l’administration des ventes, les résidents  qui ont osé réclamer leur droit de rupture de promesse de vente et de mise en réserve de leurs mobiliers et effets personnels. Le magnifique complexe de Azembay est visiblement victime de mauvaise gestion et d’agissements très peu clairs . Devant le non-paiement de plusieurs échéances  de prêt d’un montant de 100 millions de DH, la banque a refusé  de délivrer les mainlevées de son programme touristique et devant cette situation fait condamner en février dernier  la société Earth Résidences à régler la totalité du crédit tout en lançant une procédure de saisie sur les lots du projet. Entre-temps, une foultitude de fournisseurs , qui ont participé à la construction du complexe, se sont manifestés pour faire opérer à leur tour des saisies sur les titres parcellaires du projet.

Un beau projet parti en quenouille à cause de la folie des grandeurs du jeune Benamour  nourri d’un certain sentiment d’impunité puisqu’il lance dans la deuxième et la troisième tranche alors qu’il n’a pas finalisé la première, objet du conflit ! Dans sa cellule, Youssef Benamour a tout loisir de méditer sur ses agissements qui l’ont mené du rêve de Azembay au cauchemar de Oukacha. Papa Benamour va-t-il payer les pots cassés  de son fifils?

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