Les ripoux du royaume, qui se croyaient à l’abri de la justice, ont bien des soucis à se faire. Tout porte à croire que la roue de l’assainissement a repris son mouvement inexorable après des années d’accalmie sur le front de la reddition des comptes. Il y a de nouveau bousculade au portillon du fameux pénitencier Oukacha : Le parlementaire indélicat El Babor qui a fait tomber dans ses filets des cadres de la BMCE et non des moindres; le chirurgien plastique, sa femme, son beau-frère et quelques employés de sa clinique, accusés d’avoir détourné à leur profit les dons des bienfaiteurs; les 32 cadres du ministère de la Santé et leurs acolytes du biomédical qui ont transformé les marchés publics à coups de corruption et de surfacturation en source d’enrichissement illicite… A Fès, c’est le député et président de commune d’Ouled Tayeb Rachid El Fayek ; son frère président du conseil préfectoral de la ville et des membres de leurs familles qui ont été expédiés à la prison de Bourkaiz pour une série de violations en relation avec le foncier. A Rabat, ce sont des cadres de la sûreté nationale qui viennent d’être déférés devant la justice pour une sombre histoire de détournement portant sur des marchés publics d’achat de matériel anti-émeutes. L’ensemble du spectre de la délinquance financière ou presque est dignement présent et représenté dans ces affaires qui tiennent l’opinion publique en haleine : Escroquerie, corruption et faux et usage de faux, détournements de fonds publics, abus de confiance, falsification de documents officiels et malversations pour les uns ; association de malfaiteurs spécialisée dans la traite d’êtres humains, falsification de factures de traitement et de dossiers médicaux, blanchiment d’argent et usurpation de fonction pour les autres.
Des ex-ministres comme Mohamed Moubdie, qui vient d’être à nouveau entendu par la BNPJ sur sa gestion chaotique de sa commune de Fkih Ben Saleh ou d’autres concernés directement ou indirectement par le dossier des 32 accusés impliqués dans des fraudes aux marchés publics de la santé sont également dans le collimateur de la justice… Si les dossiers ayant conduit les mis en cause devant la justice sont différents, ces derniers partagent tous la même appétence pour l’enrichissement indu en utilisant divers stratagèmes plus ou moins habiles. Les uns et les autres ont fait plus que mettre le doigt dans le pot de confiture de l’argent public. Ils ont plongé les deux mains en ne s’interdisant aucune forme de prévarication (concussion, conflit d’intérêts, malversations, clientélisme, ententes illicites, surfacturation…), pensant sans doute que leurs actes délictueux resteront impunis dans un pays qui a acquis la réputation peu flatteuse d’être sévère seulement avec les petits justiciables, de ne pratiquer, par périodes, qu’un assainissement « à la carte », souvent pour des raisons politiques, de n’envoyer derrière les barreaux que les lampistes et d’épargner les gros poissons.
Slogans
Visiblement, les choses sont en train de changer et d’aucuns voient dans ce coup de pied dans la fourmilière du siphonage des fonds publics la preuve d’une volonté politique, plus forte qu’elle ne l’a été jusqu’ici, de moraliser la vie publique. Les plus pessimistes perçoivent dans ce retour des procès spectaculaires une stratégie de diversion pour occuper l’opinion en ces temps de flambée vertigineuse des prix. Ce qui est certain c’est que le fameux « Fassad » qui bat des records de croissance en gangrenant la responsabilité publique et les mandats électifs ne se combat pas juste en brandissant des slogans. Il faut également plus que des opérations ponctuelles pour dissuader ceux qui profitent de leur responsabilité pour accumuler des richesses monumentales à l’ombre des mandats publics ou minorent la valeur de leur patrimoine bien ou mal acquis. Le fait que l’immunité parlementaire ne soit plus synonyme d’impunité politique est déjà un acquis majeur. Fini la députation comme protection contre les poursuites judiciaires ! Désormais, les députés véreux se font traduire facilement devant la justice pour répondre de leurs actes. Une révolution. Cependant, le gros du travail qui reste à faire porte sur les marchés publics qui présentent de fortes opportunités de corruption car produisant d’immenses flux d’argent. Taillés souvent sur mesure, à rebours des règles de transparence et de concurrence saine, le marché de la commande étatique est gangrené par les pots de vin, les ententes illicites, les pratiques frauduleuses, le trafic d’influence et autres interférences politiques qui sont monnaie courante. Il y a là assurément matière à agir pour réformer le domaine des adjudications publiques qui valent au Maroc bon an mal an des classements peu flatteurs de Transparency international. Le Maroc continue paradoxalement à perdre des points en la matière en dépit d’une stratégie anti-corruption adoptée par les pouvoirs publics comprenant entre autres outils, une instance dédiée au combat de ce fléau. Là où l’on voit que la sanction judiciaire est le principal facteur de moralisation de la vie publique et de recul des pratiques délictueuses. Tout le reste n’est que rhétorique…