Entre taxe force et allèchements fiscaux

Le Premier ministre Aziz Akhannouch.

Dans le Projet de loi de finances (PLF) 2024, il y a à boire et à manger. Au menu, hausse et baisse de la TVA sur bien des produits. Tour d’horizon.

D’un côté, le gouvernement exonère de la TVA un certain nombre de produits de base comme le beurre d’origine animale imposé à hauteur de 14% , les sardines en conserve très consommées par une large frange de la population notamment ouvrière, le savon de ménage ou le lait en poudre. En plus de ces denrées  assujetties à une TVA de 7%, l’exonération touche également  les produits pharmaceutiques ( hors ceux des maladies chroniques déjà exonérés ), les fournitures scolaires et les matières entrant dans leur fabrication. Ces allèchements fiscaux représentent un manque à gagner  de plus d’un milliard de DH pour les caisses de l’État qu’il compte bien compenser en imposant de nouveaux produits de grande consommation. A commencer par  le sucre raffiné, ce fameux poison doux, et les sirops de sucre pur  dont la TVA passe progressivement de 7% à 8% à partir du 1er janvier  2024, 9% en 2025 et 10% en 2026. Services stratégiques et incontournables, l’eau, l’électricité et l’assainissement n’ont pas échappé non plus à la taxe force gouvernementale et  verront leur TVA, actuellement de 7%, monter graduellement de 7%, 8% et 10% entre 2024 et 2026. Le pouvoir d’achat des couches vulnérables et moyennes, déjà durement impacté par la flambée des prix des carburants et le renchérissement du coût de la vie, ne sera pas amélioré avec le relèvement de la TVA sur les services liés au transport de voyageurs et de marchandises, secteur hautement stratégique et transversal s’il en est de 14 % actuellement, la taxe grimpe, tout comme celle de la vente d’énergie électrique, à 16% dès 2024 pour se situer a 18%  l’année d’après et 20% en 2026 ! Cette hausse est le meilleur moyen d’appauvrir  encore les moins lotis de la société.

Ce sont eux, à défaut d’être motorisés, qui voyagent  par autocar et consomment le gros des produits convoyés par les transporteurs. Pas de pitié pour les amateurs de boissons alcoolisées. Ceux-là vont trinquer à leur tour puisque la TIC (la taxe  intérieure de consommation) pour les vins va monter à 1500 DH l’hectolitre contre 850 DH actuellement. De 1150 DH à 2000 DH pour les bières et de 18.000 DH à 30.000 DH pour l’alcool éthylique. Les parlementaires qui ont de la bouteille  vont-ils monter au front ou mettre de l’eau dans leur vin ? L’envie de vapoter pourrait être  définitivement enlevée aux adeptes de la cigarette électronique jetable quand ils apprendront que les droits d’importation passeront d’une seule bouffée de 2,5% a 40% début 2024 ! Boisson nationale par excellence, le thé aura aussi un goût très amer en raison de la surtaxation à hauteur de 30%  contre 2,5% actuellement du thé vert conditionné dans des boîtes comprises  entre 3 et 20 kg. Côté asphalte, ça va rouler moins bien pour les conducteurs des voitures économiques dont le taux de TVA de 7% actuellement  passe à 10%. En revanche, le secteur des assurances bénéficie d’un allègement fiscal  du fait que les prestations qui  sont rendues aux assureurs par les courtiers  seront moins taxées. De 14 % jusqu’ici, le taux dégringole  à 12% en 2024 et 10% en 2025 et 2026.

Vendue actuellement à un prix subventionné de 40 DH ( le prix réel est de 130 DH), la bonbonne de gaz de 15 kg verra son tarif passer à 50 dès l’annee  prochaine et à 60 l’année d’après. Très très chaud le tagine!

Il faut dire que le Maroc a ouvert nombre de chantiers sociaux qui ont besoin  de lourds financements. A commencer par la généralisation de la protection sociale qui va engloutir la bagatelle de 35 milliards de DH en 2024. A cette enveloppe financière colossale, il convient d’ajouter quelque 25 milliards au titre de soutien direct aux ménages démunis  à raison de  la modique somme de 500 DH minimum par mois. Sans compter le-méga chantier de la reconstruction sur une période 5 ans des zones secouées par le séisme du 8 septembre pour un budget prévisionnel de 120 milliards de DH. « Toutes ces dépenses conjugués à d’autres contraintes conjoncturelles pèsent lourd sur le budget de l’Etat, obligeant le gouvernement à un délicat jeu d’équilibrisme dans une conjoncture extrêmement difficile », a expliqué un député de la majorité qui précise  que certaines dispositions de ce PLF feront l’objet d’amendements. C’est rassurant, les députés ne s’en « fisc » pas!

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