Pour sa première sortie en conférence de presse, le jeune rappeur marocain a choqué bien des gens avec ses propos qui font l’éloge de la fumette. Mais c’est cela le rap : indécence, outrances et même violence. Explications…
En reconnaissant en pleine conférence de presse, à l’occasion du festival de Rabat, qu’il fumait des joints lui et son équipe et que le Maroc attirait des visiteurs étrangers grâce à la qualité du cannabis, Taha Fahssi, alias El Grande Toto, ne réalisait pas que son propos pouvait tomber sous le coup de la loi. La consommation de l’herbe ainsi que sa commercialisation étant passibles de prison au Maroc. En principe, la police devrait intervenir pour coffrer le rappeur trop direct pour être prudent, comme le réclamait certains internautes indignés par ses déclarations qui faisaient l’éloge de la fumette en public… Ce qui risque de faire de l’effet sur les jeunes qui sont nombreux à s’identifier au rap et à ses stars. Ces derniers, essentiellement issus des quartiers difficiles, se retrouvent en effet dans les chansons vulgaires de ce style musical en leur donnant l’impression de parler d’eux et de leurs problèmes. Ils trouvent que les paroles agressives du rap décrivent sans fard ni fioritures la réalité de leur quotidien violent, de rejet et de frustrations…
A 25 ans, Taha Fahssi est un phénomène de la scène rap nationale qui bat des records d’audience sur les plateformes de streaming avec quelque 20 millions d’écoutes dans une centaine de pays en 2020. La chaîne YouTube de Toto affiche plus 2,7 millions d’abonnés et ses tubes plus de 250 millions de vues.
Virtualité
C’est dire qu’il est très écouté et donc est un influenceur autant redoutable que rentable dont les marques s’arrachent l’image pour vendre leurs produits…
Mais là où le ministère de la Culture, tout à sa volonté de gagner des points auprès de la Jeunesse, a sans doute péché, c’est d’avoir fait sortir de El Grande Toto de la virtualité pour lui offrir une place dans la réalité. Et quelle place ! Il a été adoubé tête d’affiche des Grands concerts de Rabat organisé en septembre en partenariat avec le ministère de la Jeunesse, de la culture et de la communication pour promouvoir la capitale en tant qu’incubateur de culture et d’art. Mieux, Toto a été invité à cette occasion à donner une conférence de presse. Mal en a pris au jeune sémillant ministre Mehdi Bensaïd. Celui-ci ne savait certainement pas que les Toto et ses congénères sont incontrôlables lorsqu’ils ouvrent la bouche, lançant à la figure du public tout ce qui leur passe par la tête au nom de la liberté d’expression…Impudeur, indécence et langage ordurier de la rue garantis. Dans cet univers spécial dont les représentants s’affranchissent allègrement des règles de bienséance en vigueur dans les moyens de communication classiques, l’artistiquement et le politiquement correct et le rap ne font pas bon ménage ! Il faut écouter les paroles de leurs chansons truffées de grossièretés. Niveau de langage qui vole très bas. En dessous de la ceinture. C’est ce profil « artistique », propulsé par Internet et très apprécié par la jeunesse marginalisée, que le ministère de la culture a fait quitter son monde numérique où il cartonne et gagne beaucoup de blé grâce au streaming pour lui offrir une tribune – la conférence de presse – dans le monde réel. Le contact du rap avec la réalité débouche en général sur des dérapages puisque les rappeurs style Toto et compagnie se font les interprètes d’une jeunesse dont ils font partie fâchés avec la politique et ses hommes.
El Grande a d’ailleurs saisi l’occasion du festival L’boulevard à Casablanca où il s’est produit vendredi 30 septembre – avec les dégâts que l’on sait – de témoigner sa reconnaissance au ministère de la culture pour l’avoir invité « pour la première fois » à se produire dans la réalité. Même l’hommage, censé être poli et respectueux, il a été rendu par Toto dans un langage truffé de mots grossiers attentatoires à la pudeur !
Pour sa première sortie devant des journalistes, El Grande met donc les pieds dans le plat et provoque des réactions négatives en chaîne. Au point que le gouvernement par la voix de son porte-parole Mustapha Baïtas se sent obligé pour clore la polémique qui enfle de condamner le « comportement inacceptable » du rappeur dont il rejette des « propos qui portent atteinte aux bonnes mœurs ».