La mafia de spoliation foncière qui sévit depuis des années à Settat, appuyé par un réseau de complicités locales, est en train de vivre ses derniers jours. Avant de se faire expédier à l’ombre pour de longues années.
Au gré de l’instruction judiciaire et de plusieurs audiences, cette vaste entreprise d’escroquerie foncière, impliquant un ancien conseiller à la deuxième, ses enfants et un groupe d’élus communaux (Lire le Canard Libéré n 739), a révélé début septembre une autre scandale d’achat de pseudo témoignages commandités par les chefs de cette bande mafieuse. Suite à une plainte déposée par la victime de ce vol, ces professionnels de la parjure, qui monnayent leur faux serments en vendant au plus offrant, ont été poursuivis sur ordre du procureur du tribunal correctionnel de Settat pour production de faux témoignages tandis que leurs parrains doivent répondre de l’accusation de subornation de témoins. L’instruction préliminaire du dossier a démarré le mercredi 13 septembre et concerne pas moins de 18 mis en cause dont font partie certaines notabilités locales soupçonnées de complicité avec les spoliateurs en chef.
Tout a commencé lorsque Saïd Abdelhakim, Marocain de France où il occupe un poste important au sein du CNRS, découvre en 2018 que le terrain agricole familial, d’une superficie de deux hectares situé à douar Oulad Boukkallou Mzamza, est indûment exploité par des étrangers. Ces derniers ont chassé le gardien du domaine après l’avoir menacé de mort et entrepris son exploitation en toute illégalité.
Au nom des siens qu’il représente dans ce qui allait virer à une bataille judiciaire complexe qui traîne en longueur , il décide d’affronter une bande de malfaiteurs sans foi ni loi qui usent et abusent de leur statut de notabilités pour tout se permettre. Chercheur au Centre national des recherches scientifiques à Orsay en France, Saïd Abdelhakim se voit dès lors contraint de se rendre régulièrement au Maroc pour défendre la terre de ses ancêtres contre la spoliation dont elle est la cible . «Je suis décidé à aller jusqu’au bout pour protéger le patrimoine familial contre les rapaces. Nous en sommes les héritiers légaux depuis le décès de notre père en 2015, nous avons continué à exploiter cette terre sans problème jusqu’à novembre 2018 car c’est la terre de nos ancêtres, c’est nos racines » expliquait alors au Canard M. Abdelhakim qui avait adressé une lettre au souverain où il raconte l’histoire de l’escroquerie par le menu en dénonçant ses différents protagonistes.
Le bien appartient bel et bien à la famille en question, preuves et titres de propriété à l’appui.
Ces preuves indiquent son enregistrement depuis 1996 sous le statut de terre collective ethnique IC 95 et son intégration en 2017 dans la terre collective ethnique Oulad Taleb sous le titre T.79618/1. Sans oublier une attestation administrative datant de 2013, résultat d’une enquête menée par le directeur des Affaires rurales, où Miloudi Lahmar, qui possède une parcelle contiguë au terrain objet du litige, affirme que ses voisins sont bel et bien la famille Saïd et non Farihi qui prétend en être le vrai propriétaire. Comment ce dernier peut-il s’approprier quelque chose qui ne lui appartient pas ? Les victimes dénoncent, documents présentés comme illégaux à l’appui (une sorte de titre d’exploitation), une organisation mafieuse dirigée par M. H, le représentant (Naïb) de la Jemaâ (Conseil) des terres collectives qui a distribué frauduleusement quelque 18 hectares à un groupe de six individus parmi lesquels figurent son propre fils, deux enfants de son adjoint et deux autres rejetons d’un conseiller à la deuxième Chambre D.Y .A.
Moyens frauduleux
Les fils de l’élu, qui entre temps perd les élections et partant son influence , sont soupçonnés de jouer le rôle de faux témoins en faveur de S.F dans sa tentative de spoliation de la terre de Mzamza.
Tout à sa générosité, ce représentant magnifique, n’a pas oublié sa propre personne puisqu’il s’est offert une petite parcelle de 6 hectares ! Les bénéficiaires, qui ont obtenu chacun une superficie de 3 hectares, sont tous présentés, visiblement de manière indue, comme étant des ayants droit de la Jemaâ des terres collectives de Oulad Taleb par les documents en question qui ont en commun d’avoir été tous établis le 28 décembre 2013 !
Pour arriver à leurs fins, les usurpateurs usent de tous les moyens frauduleux possibles et imaginables : la violence, les intimidations, la production de faux témoins et faux et usage de faux. Toute la panoplie du parfait spoliateur est déployée. Première action, une plainte pour spoliation est déposée contre S.F le 24 décembre 2019 auprès du procureur du Roi près le tribunal de première instance de Settat. Toutes les audiences programmées, celles du 11 mars, 15 avril, 24 juin, 23 septembre et 11 novembre, seront reportées les unes après les autres.
« Au total 5 reports car mes adversaires ont toujours une raison pour reporter surtout que les témoins de la partie adverse ne viennent pas ». Cela signifie pour le plaignant un voyage à chaque audience. Un vrai-casse-tête. Les spoliateurs présumés misent justement sur la lassitude de leur victime et son usure y compris sur le plan financier pour lui faire lâcher prise et réussir leur entreprise d’escroquerie. Ce serait sans compter avec la combativité de Said Abdelhakim qui était prêt à mettre toutes économies pour récupérer la terre de ses ancêtres.
Forts d’un certain sentiment d’impunité que leur confère aussi leur assise financière, ces malfrats utilisent impitoyablement ce pouvoir contre leurs victimes. Si celles-ci ont les moyens de résister à la stratégie des menaces, de l’intimidation et voire des agressions physiques, les spoliateurs et leurs complices passent à l’étape de la falsification des titres de propriété et l’achat de faux témoignages. Beaucoup de victimes finissent par abandonner, épuisées par des procédures judiciaires épuisantes, longues et coûteuses. Les voleurs en profitent pour mettre la main sur le bien convoité. Même lorsque la justice rétablit la victime dans ses droits, elle doit recourir à une juridiction spécialisée pour faire annuler les papiers falsifiés. Un vrai parcours de combattant qui a de quoi décourager les plus déterminés…Pad Saïd Abdelhakim qui s’est dit, lui, prêt à défendre jusqu’au bout la terre de ses ancêtres contre toutes les convoitises malsaines et illégales. «Je compte poursuivre le combat même si je risque pour cela d’aller en prison», lâche-t-il, plus décidé que jamais.
Non, Said Abdelhakim, fort de son droit et de sa détermination, n’ira pas en prison et ce sont les prédateurs du foncier de Settat qui s’y approchent. Ces derniers sont dans de mauvais draps après que la décision du juge d’instruction de leur retirer leur passeport et de les poursuivre en état de liberté contre une caution de 20.000 DH. Lors de leur interrogatoire où ils se sont rétractés, les faux témoins ont raconté qu’ils faisaient de fausses dépositions sous la dictée et la menace de l’ex-conseiller à la deuxième Chambre et de ses complices.