Flambée des prix du mouton : Mohamed Sadiki le bouc-émissaire

Un ministre qui n’a pas non plus la tâche facile…

Face aux signes de l’essoufflement du modèle agricole national sur fond d’une flambée inhabituelle des prix des viandes et des légumes, certains sont tentés aujourd’hui de  faire porter au ministre de tutelle le chapeau de ces turpitudes. Qu’en est-il réellement ?

Un dicton bien de chez nous dit à propos de quelque chose d’anormalement cher qu’il a fait des cornes. Cette année, c’est le mouton himself qui assène des coups de cornes violents à ceux qui l’approchent  au vu  de ses tarifs stratosphériques. Un tour dans les marchés de bétail des différentes régions  montre que  ces derniers ont crû de 25 à 30% par rapport à ceux de l’année dernière. Il faut accepter de se délester d’au moins  5.000 DH pour s’offrir un bélier correct qui coûtait lors de la période des vaches grasses entre 2.000 et 2.500 DH.  Une inflation record  ! Du jamais vu.

Les citoyens lambda, ceux des quartiers populaires où  la tradition du sacrifice reste de rigueur, en sont à la fois choqués et inquiets .  Avec un tel niveau ce prix, ce sont les pauvres ménages  qui sont sacrifiés en  concédant sous la pression sociale des sacrifices très saignants. Confrontées à la vie (de plus en plus) chère qui a érodé leur pouvoir d’achat au-delà du raisonnable, bien des familles sont en incapacité financière de se payer la bête convoitée.

Disons le tout de go, le dossier ovin dégage des relents très peu ragoûtants. L’importation de quelque 600.000 béliers  d’Europe, notamment de l’Espagne voisine, de  Roumanie et de  Pologne, avec à la clé  une subvention publique de 500 DH par tête, n’a pas curieusement contribué à atténuer les prix en les rendant à la portée du grand nombre.  Scandale… A quoi rime alors ce soutien de l’État s’il ne jugule pas la poussée de fièvre sur les prix en les stabilisant ? Sert-il seulement à engraisser les copains figurant sur la short list des heureux importateurs établie par l’ONICL comme semblent  le dénoncer sur les réseaux sociaux des observateurs avisés de la chose moutonnière? Un soupçon  troublant qui pèse  fortement sur cette opération coûteuse pour les finances publiques…

Défaillances

Et si ce renchérissement  se maintient malgré ce sacrifice financier  conséquent c’est qu’il y a aussi maldonne quelque part, résidant dans la tentation de certains importateurs-spéculateurs de garder leur troupeau pour l’après-aïd afin de le vendre plus cher que s’ils l’avaient écoulé pour les besoins du rite du sacrifice (c’est connu, les cérémonies de mariage  qui battent leur plein pendant l’été est une machine à engloutir du méchoui de mouton). On n’est pas loin de l’enrichissement indu qui soulève bien des questions y compris celle d’une nouvelle spirale haussière des viandes rouges après la fête du sacrifice provoquée  par l’abattage de l’essentiel du cheptel local et d’importation. Le bouc-émissaire de cette situation pour le moins paradoxale est tout trouvé : le ministre de l’Agriculture, la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et forêts, Mohamed Sadiki.  Selon certaines sources bien informées, ce dernier  est dans le viseur de Aziz Akhannouch, décidé à le virer du gouvernement, à l’occasion du prochain remaniement. 

Après en avoir fait son successeur à la tête de ce département stratégique, le boss aurait-il perdu confiance dans son homme-lige? Ce dernier aurait-il fait des choses vaches qui l’ont énervé  ou serait-il devenu un fardeau qui plombe le bilan gouvernemental ? On ne badine pas avec la pitance quotidienne de la population constituée principalement du fameux tagine qui, au rythme où vont les choses agricoles, deviendra bientôt un plat de luxe. La popularité d’un gouvernement en dépend grandement.

Il est vrai, que Mohamed doit sa carrière politique, son entrée au gouvernement et même sa députation (élu  dans son fief natal à Berkane lors des dernières législatives) à son mentor  qui cherche aujourd’hui à le sacrifier sur l’autel de considérations liées  certainement à la descente aux enfers de l’agriculture nationale.  Mais faut-il pendre Mohamed Sadiki  et lui mettre sur le dos les défaillances du secteur agricole ?    

Cet agronome, généticien de formation,  bardé de diplômes est un bon technicien. Travailleur et discret, il monte en grade en devenant en 2013 secrétaire général du ministère que son patron dirigeait depuis 2007 avant qu’il n’en prenne le contrôle en 2021 dans le gouvernement dirigé par son prédécesseur.  

Alors que le secteur agricole et le cheptel montrent les signes d’une crise inquiétante sur fond d’une flambée inhabituelle des prix des viandes et des légumes, certains sont tentés aujourd’hui de lui faire porter le chapeau de ces turpitudes qui, pour les connaisseurs, trouvent leur origine dans les choix du Plan Maroc Vert (PMV) lancé en 2008. «  Contrairement au discours officiel, le stress hydrique n’a été que le révélateur des dysfonctionnements de PMV dont certaines cultures tournés à l’export et dont la superficie a connu un accroissement important  ont siphonné les ressources en eau du pays », estime un expert.   Il ajoute : « Les milieux  qui cherchent à jeter Mohamed Sadiki en pâture sont de mauvaise foi car ceux qui le connaissent  

décrivent un excellent exécutant , qui ne déplace pas un cageot de pommes sans se référer à l’avis de ses chefs ». Une posture de prudence que le député de Berkane observe encore comme ministre, à en croire un cacique du RNI. 

Dans cette affaire de flambée des viandes et des produits de la terre, il  y a quelque chose de plus profond que le dérèglement climatique et le renchérissement des aliments pour bétail dégainés comme arguments dans le discours officiel, croit savoir un vieux routier de l’agriculture. 

Celui-ci invite les décideurs du secteur  à se défaire de leurs petits calculs politiciens tout en allant au-delà du défi climatique  pour analyser en profondeur la forte destruction de l’emploi rural [ 206.000 postes entre le premier trimestre 2023 et le même période en 2024, NDLR]. 

«Cette hémorragie souligne  un grave problème d’attractivité du Maroc des campagnes aux yeux de  la jeunesse rurale », indique-t-il, ajoutant « qu’à l’ère des réseaux sociaux qui favorisent les comparaisons négatives avec les autres, les jeunes paysans aspirent bien plus qu’ succéder à leurs parents dans des tâches champêtres sous-payées. » 

Un changement profond semble se dessiner, qui met le travail de la terre à rude épreuve. La politique de du bouc-émissaire ou de l’autruche ne sera d’aucune utilité. Bien au contraire… w

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