Soit le coup de food, soit l’entrecôte d’alerte !
Un couple de bœufs a sillonné dimanche dernier les artères de Rabat en semant la panique dans nombre de quartiers. La séquence, dont les images ont été largement partagées sur les réseaux sociaux, avait quelque chose d’insolite, voire de surréaliste. Mais d’où sont sortis ces bovins blancs ? Renseignement pris, ils ont échappé des abattoirs de la capitale où ils étaient placés la veille avec un groupe de congénères pour être abattus le lendemain.
Importés du Brésil pour pallier l’insuffisance de la production nationale en matière de viande et stabiliser ses prix qui ont connu une envolée spectaculaire, ces bovidés n’ont pas bonne presse chez les bouchers. Tous critiquent la qualité de leur chair qu’ils trouvent insipide, trop grasse et dure à cuire. « Si vous voulez faire fuir les clients, donnez-leur cette viande», cingle un boucher du quartier de Beauséjour à Casablanca. Même son de cloche chez un confrère du marché de Derb Ghallef. « Je ne vends pas cette viande qui n’est pas digne de nos délicieux tajines, je lui préfère de très loin la chair des bovidés du cru ». Un autre boucher dénigre son aspect et son poids qu’il juge excessif, entre 800 et 900 kg. Si la viande made in Brésil est boudée par les bouchers, elle atterrit dans quelles assiettes ? La réponse tombe comme un couperet et elle émane d’un agriculteur. A l’en croire, cette chair décriée est servie principalement dans les hôtels, les restaurants, les prisons et autres cantines.
Les bovins du Brésil sont majoritairement aux hormones ou aux sojas génétiquement modifiés et font même l’objet de clonage. C’est ce qui expliquerait la couleur terne de leur viande alors qu’un bon morceau de viande doit être bien rouge. La viande du pays de Neymar ne trouve grâce aux yeux de personne, sauf le ministre de l’Agriculture Mohamed Sadiki. S’exprimant lors du Forum de la MAP mercredi 5 avril, il n’a pas hésité à vanter la qualité d’une viande issue « des meilleures races et des plus connues » tout en appelant à « mettre fin à ces fausses informations » circulant sur les bovins brésiliens. Le ministre Sadiki affirme que le Maroc a importé la meilleure race dont les « bovins sont élevés en conduite libre, et non pas en stabulation entravée.» Les bovins du Brésil sont majoritairement aux hormones ou aux sojas génétiquement modifiés et font même l’objet de clonage. C’est ce qui expliquerait la couleur terne de leur viande alors qu’un bon morceau de viande doit être bien rouge. N’est-ce pas chef Moha ? Pour faire taire les mauvaises langues et rassurer les consommateur que nous sommes, le Canard propose à M. Sadiki de passer aux travaux pratiques en organisant par ses services un gigantesque festin populaire à base de viande du Brésil dans toutes ses déclinaisons : saucisses et viande hachée, jarret (le fameux mlej), côte de bœuf, steak, faux-filet et filet). Le volatile en est convaincu, la polémique ne peut être définitivement éteinte que sur le brasier d’un tajine aux petits pois et artichaut. Mais c’est surtout au fumet que dégagera notre légendaire viande hachée marinée cuite au charbon de bois que l’on peut se prononcer. Soit c’est le coup de food, soit l’entrecôte d’alerte !