Député-maire de Laâyoune, Hamdi Ould Errachid a réussi à verrouiller le système politique local et régional dominé par son clan tout en renforçant sa mainmise sur l’Istiqlal. Jusqu’où peut-il aller ?
Le seigneur du Sahara, c’est lui. Hamdi Ould Errachid. L’homme au visage spartiate et au regard énigmatique, règne sur Laâyoune dont il est devenu le maître incontesté. Rarement notabilité locale aura concentré autant de leviers entre ses mains : politique, économique et social. Milliardaire multi-rente (pêche hauturière, immobilier, hôtellerie, construction, stations d’essence…), il ne craint nullement le mélange des genres et la collision entre politique et argent. Bien au contraire. Ce nabab du désert, très peu communicatif, s’est servi de son statut de privilégié pour avancer ses pions et verrouiller le système politique local et régional. Mission accomplie au-delà de toute espérance. Ce système est aujourd’hui totalement contrôlé par Ould Errachid et son clan familial dans des proportions incroyables…
Autour du patriarche, député-maire de Laâyoune depuis 2002, gravitent les membres de sa famille dotés tous d’un mandat électif. À commencer par son fils Mohamed dont il a fait son premier adjoint à la commune en l’aidant à accéder à la deuxième Chambre. Le président de la région Laâyoune-Sakia Al Hamra n’est autre que son neveu Brahim Ould Rachid, tandis que la chefferie de la Chambre de commerce est revenue à son cousin Sidi Khalil Ould Errachid. Quant à la Chambre d’agriculture, elle est entre les mains de Ahmed Ahmimid. La présidence de l’Union générale des travailleurs marocains (UGTM), bras syndical de l’Istiqlal, a été dévolue à Naâma Miara, gendre de Hamdi Ould Errachid. D’un naturel madré, Hamdi Ould Errachid a réussi une ascension politique fulgurante qui a démarré au début de la décennie 2000. À cette époque, il faisait partie, en sa qualité d’agent d’autorité, des chioukhs chargés de l’opération de recensement et d’identification des votants pour le référendum d’autodétermination enterré par l’ONU pour son caractère impraticable.
Avant cette date, l’homme était discret, méconnu du grand public, se contentant d’évoluer dans l’ombre de son frère cadet, le très médiatisé Khelli Henna Ould Errachid qui se distinguait par ses sorties spectaculaires et controversées sur le dossier du Sahara. Coïncidence ou juste un partage des rôle, l’émergence de Hamdi comme un acteur politique majeur au Sahara s’est accompagnée du retrait de Khelli Hanna dont on n’entend pratiquement plus parler… 2003 marque l’entrée de Hamdi Ould Errachid au Parlement où il remplace Khelli Henna qui quitte cette institution au terme de plusieurs mandats (1977-2002) ainsi que la présidence du conseil municipal de Laâyoune au profit de son frère aîné suite à sa nomination à la tête du Conseil royal consultatif des affaires sahariennes (Corcas).
Descendants de Sidi Ahmed Rguibi, fondateur de la très influente tribu Rguibat, les Ould Rachid, à l’inverse de Khelli Hanna (RNI puis PND) sont élus tous sous la bannière de l’Istiqlal dont le véritable patron est Hamdi Ould Errachid depuis que ce dernier a contribué grandement à l’élection de Nizar Baraka à la tête du parti en octobre 2017. M. Baraka lui doit son soutien décisif dans la bataille livrée contre le secrétaire général sortant d’alors Hamid Chabat qu’il avait pourtant soutenu pour prendre le contrôle du parti contre le clan de El Fassi. Accusé de tous les maux par les figures historiques du parti qui lui reprochaient notamment sa décision intempestive d’avoir claqué la porte du gouvernement Benkirane, en juillet 2013, Chabat était devenu contre-productif, voire dangereux…
Appétit sans bornes
La « déchabatisation » de l’Istiqlal et même de l’UGTM a été menée par Hamdi et ses proches. « C’est naturellement que Nizar Baraka est devenu l’obligé de Hamdi Ould Errachid qui en a profité pour asseoir sa mainmise sur le parti », assure un istiqlalien qui a pris ses distances avec le parti. Le clan de Hamdi est très représenté au sein de l’Istiqlal où le patriarche est à la manœuvre, tirant les ficelles et orientant les décisions. On lui prête une grande influence qu’il tire notamment de sa puissance financière qui lui permet de mettre la main à la poche. Le dernier congrès du parti, qui a fait adouber son nouveau protégé, aurait été financé sur les deniers de l’homme fort de Laâyoune et de l’Istiqlal. Parti dominé historiquement par les familles fassies, l’Istiqlal a basculé sous l’influence sahraouie, au lendemain des élections communales de 2015. Le vieux parti du Maroc perd tous ses fiefs électoraux, sauf dans les provinces du sud. Les deux seules régions sur 12 contrôlées par l’Istiqlal sont sahariennes, Laâyoune-Sakia Al Hamra et Dakhla-Oued Eddahab. Sur les 25 conseillers istiqlaliens à la deuxième 10 sont issus également du Sahara. Largement suffisant pour faire de Hamdi l’homme fort de l’Istiqlal dont il est également membre de son comité exécutif et coordinateur des trois sections des régions sud du parti.
D’ailleurs, une séquence a révélé récemment au grand jour la réalité du pouvoir au sein de l’Istiqlal tout en montrant que Nizar Baraka n’est qu’une façade. Il s’agit du communiqué du comité exécutif de l’Istiqlal du 15 février 2021 qui a sonné la charge contre la CGEM, suite à l’amendement de son règlement intérieur interdisant aux hommes politiques de prétendre à la présidence nationale ou régionale de la Confédération. Si cette réforme a été mal accueillie par ce parti d’opposition c’est parce qu’elle a brutalement mis fin à l’ambition secrète qui animait Hamdi Ould Rachid à l’approche des élections pour le renouvellement des instances de la CGEM Sud : faire une OPA sur cette structure économique stratégique présidée actuellement par Mohamed Lamine Hormatollah du RNI. La virulence de la réaction istiqlalienne tranche évidemment avec le tempérament affable de Nizar Baraka connu pour être incapable de hausser le ton… Cet épisode a montré l’appétit sans bornes de Ould Errachid pour le pouvoir. Ce mystérieux maroco-espagnol est prêt à tout y compris instrumentaliser le parti pour arriver à ses fins…