La hausse du prix de la bonbonne de gaz ne fera que contribuer à la dégradation du pouvoir d’achat déjà très faible d’une large frange de la population à bas revenu…
La décompensation partielle de la subvention du gaz butane pour l’année 2024 est entrée en vigueur lundi 20 mai 2024, selon un communiqué, publié la veille, par la direction de la Concurrence, des prix et de la Compensation relevant du ministère de l’Économie et des Finances. En vertu de cette hausse, la bonbonne de gaz de 12 kg coûte désormais 50 DH au lieu de 40 et celle de 3 kg passe de 10 à 12,5 DH, soit une augmentation de 2,5 DH.
Cette révision à la hausse des prix de ce produit stratégique, la première d’une série d’augmentations qui se poursuivront jusqu’en 2026, s’inscrit dans un choix gouvernemental plus global, visant la suppression de manière graduelle des subventions des produits de première nécessité, tels que le gaz butane, le blé tendre et le sucre. Une manière de préparer progressivement le terrain à une libéralisation des prix de ces denrées au nom de l’impératif de réduction de la charge de compensation qui pèse de plus en plus lourd sur les finances publiques ( un record historique de 21,8 milliards de DH en 2022 pour le gaz butane). Les ressources ainsi économisées grâce à la vérité des prix seront réorientées vers le programme des aides sociales directes qui a démarré en décembre 2023, bénéficiant jusqu’ à fin avril 2024 à quelque 3,6 millions de ménages inscrits dans le Registre Social Unifié (RSU). Pour le gouvernement, ce soutien en faveur de la population-cible n’est pas isolé car venant compléter une série de dispositifs sociaux notamment la généralisation de la protection sociale, les aides au logement ou encore la revalorisation générale des salaires dans le privé et le public. Sur un plan strictement comptable, les arguments gouvernementaux sont recevables, voire frappés au coin du bon sens. Mais sur le plan politique, ces calculs butent rapidement sur une réalité sociale déjà très peu reluisante en raison d’un pouvoir d’achat en érosion continue sous les coups de boutoir de l’inflation et du renchérissement du coût de la vie ( flambée des prix des légumes, des viandes et bien d’autres produits de consommation courante) qui grignotent la valeur réelle des salaires. Or, les catégories à faible revenu dépensent une grande partie de leur argent pour des biens et des produits essentiels, dont les prix flambent sans cesse ( légumes, fruits, viandes et bien d’autres produits de consommation courante). Dans ces conditions, le gouvernement a beau soutenir directement les familles démunies entre 500 et 1000 DH par mois, ces dernières auront du mal à sentir l’effet de cette aide sur leur quotidien qui reste toujours très difficile en raison de la spirale de la vie chère.
Paupérisation
Dans un tel contexte, la hausse du prix de la bonbonne de gaz risque fortement d’entraîner des augmentations en cascade d’une série d’aliments cuits à base de gaz comme les produits de boulangerie comme le pain. Ce qui ne fera que contribuer à la dégradation du pouvoir d’achat d’une large frange de la population. Il s’agit particulièrement de la classe laborieuse composée essentiellement de cette main d’œuvre corvéable à merci qui prend généralement ses repas bon marché, petits déjeuner et déjeuner, dans les cantines du pauvre, que sont les fameuses mahlabas, snacks, et autres gargotes…Ces business en plein essor, qui ont essaimé dans tous les quartier, utilisent dans leur écrasante majorité les bonbonnes de gaz de 12 kg ( des bombes urbaines qui représentent par ailleurs un sérieux problème de sécurité qu’il faut régler ) La hausse de 10 DH appliquée sur le gaz butane sera répercutée, faisant renchérir de quelques précieux dirhams les prix de la pitance journalière de cette catégorie à bas salaires… Le sujet de la bonbonne de gaz est délicat, voire explosif. D’où l’importance de le manier avec beaucoup de délicatesse politique. Surtout dans cette conjoncture de toutes les flambées qui accentuent la paupérisation des couches à bas revenus.
Il est vrai que la réforme de la compensation du gaz butane, que les gouvernements qui se sont succédé ont évité de rendre effective étant donné son caractère inflammable, est devenue une nécessité absolue. Surtout que ce produit subventionné profite moins aux pauvres (un ménage nécessiteux utilise entre 2 et 3 bonbonnes par mois) qu’aux couches aisées et certains commerces juteux (restaurants, pâtisseries, hôtels, agriculteurs et même cliniques) qui recourent à la bonbonne de 12 kg.
Ces catégories en consomment beaucoup plus que la population-cible alors qu’elles ont les moyens de s’offrir le gaz a son prix réel ( 120 DH la bonbonne de 12 kg) ou recourir au gaz propane qui n’est pas subventionné par l’État. Pourquoi le gouvernement n’a pas pensé à mettre en place un dispositif qui instaure la vérité des prix du gaz pour les classes aisées au lieu de mettre toutes les couches sociales dans la même bonbonne ?