Le Maroc poubelle de l’Espagne ?

Une grosse enquête menée par la Guardia Civil espagnole, en collaboration avec Europol a mis au jour un réseau de trafic titanesque  de déchets toxiques. Parmi les pays-dépotoirs figurent le Maroc.

Le Maroc est-il devenu la poubelle de l’Espagne ? Une enquête menée par  La Guardia Civil a débouché sur l’interpellation de 8 individus impliqués dans  un supposé trafic  de plus de 5.700 tonnes de déchets plastiques en direction d’un certain nombre de pays dont fait partie le Maroc.  Cette affaire interpelle les responsables marocains  notamment le ministère chargé du développement durable dirigé par Leila Benali. Cette dernière doit diligenter une enquête pour  identifier  les acteurs marocains de ce marché noir attentatoire à l’environnement et à la santé publique.      

Cette action d’envergure s’inscrit dans le cadre  de l’opération menée par les Services de protection de la nature (Seprona) en collaboration avec Europol.

Les investigations, lancées suite  à une « hausse alarmante » du trafic illicite des déchets, ont donné lieu à  quelque 141 missions d’inspections diligentées d’entreprises manipulant ce type de résidus jugés hautement polluants. Au lieu de procéder à leur recyclage sur place, les sociétés mises en cause préfèrent les expédier vers des pays tiers en recourant à des réseaux clandestins spécialisés dans ce genre de business illicite en relation avec le crime organisé. Ce qui constitue une violation de la réglementation en vigueur en matière de de recyclage des matériaux toxiques.

Circuits détournés

La première descente  a eu lieu dans la ville de  León, où une entreprise stockait clandestinement d’énormes quantités de déchets plastiques provenant d’autres régions autonomes afin de s’en débarrasser illégalement, de les abandonner dans la nature ou de les incinérer.  Barcelone fait partie aussi des destinations-cible des enquêteurs qui ont mis la main dans le port de Ciudad Condal, sur 40 tonnes de déchets plastiques. Une enquête a été ouverte  contre la société indélicate et deux de ses dirigeants pour transfert illicite de déchets à l’étranger.

La deuxième entreprise suspecte aurait transféré en France plus de 222 tonnes de matières plastiques déclarées, alors qu’il s’agissait en fait de déchets plastiques incontrôlés.

Située à Palencia, la quatrième société visée  tirait profit de la gestion et du transfert irréguliers des déchets plastiques et électroniques, sans aucune autorisation et en dehors de tout mécanisme de contrôle.

La grosse prise de la Guardia Civil a eu lieu dans la ville de Jaén ou deux individus ont été arrêtés.  L’entreprise en cause faisait extraire  de véhicules hors d’usage des matières plastiques qui sont ensuite exportées  à l’étranger via des circuits détournés comme s’il s’agissait de cargaisons de  matières premières en bonne et due forme. Au moins 900 tonnes  de ces déchets auraient été envoyés en conteneurs vers la Thaïlande, 98 tonnes envoyées  à Hong Kong, 312 tonnes en Malaisie et, la plus grosse quantité, soit 2302 tonnes, ont été   expédiées  au Maroc. La dernière opération a eu lieu à Alicante. Une société qui, sans licence d’exploitation, se livrait à la gestion et au stockage clandestins de déchets en vue de leur exportation illégale.

Le marché des déchets est pourtant très juteux, représentant une dizaine de milliards d’euros.

Si une bonne partie des pays développés a fait du recyclage des déchets une priorité, nombre d’entre eux  continuent d’en expédier  clandestinement à l’étranger. Les principales  destinations sont l’Asie et surtout l’Afrique où l’absence de réglementation  et  de contrôle facilitent l’entrée des déchets y compris toxiques.

Les experts estiment que seuls 10% des 400 millions de tonnes de plastiques produits chaque année sont recyclés, le reste est jeté dans la nature, les forêts et les océans. Elle n’est pas poubelle la vie ?  

L’Afrique décharge du monde industrialisé  

Alors que certains pays africains ont du mal à gérer leurs propres déchets, ils accueillent  ceux des pays développés.

Or, selon la convention de Bâle, entrée en vigueur en 1992, les pays ne peuvent pas exporter leurs déchets toxiques sans le consentement des pays destinataires. C’est pourquoi les pays exportant des déchets électroniques hors d’usage vers  le continent africain le font donc sous couvert d’un don « charitable » : les objets transportés sont considérés comme des biens de seconde main, autrement dit comme des matériaux électroniques d’occasion, qui sont, eux, autorisés.

Résultat : le continent africain  est submergé de déchets, devenant le dépotoir du monde industrialisé.  Des décharges sauvages  surgissent un peu partout et plusieurs pays, dont l’Éthiopie, le Congo, le Burkina Faso, le Mozambique, le Mali ou le Niger voient leurs décharges déborder d’ordures ménagères mais aussi de matériaux toxiques ou d’équipements électroniques, venus de pays développés.

En 2018,  un rapport de la Banque mondiale estimait que l’Afrique devrait produire trois fois plus de déchets à l’horizon 2050. « L’Afrique subsaharienne a généré 174 millions de tonnes de déchets en 2016, avec un taux de 0,46 kilogramme par habitant et par jour », indique le rapport qui ajoute qu’en Afrique sub-saharienne, 69% des déchets sont déversés à ciel ouvert et souvent brûlés. 24% sont éliminés sous une forme quelconque et environ 7% d’entre eux sont recyclés ou récupérés.

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