C’est dos au mur que le gouvernement s’est tourné vers l’entreprise britannique pour compenser la perte du gaz fourni par l’ennemi de l’est, et alimenter depuis le gisement de Tendrara à l’est les centrales électriques de l’ONEE. La faute à la fuite dans les idées ?
Les travaux de raccordement du gisement de gaz de Tendrara dans l’est du Maroc au Gazoduc Maghreb-Europe (GME) vont bon train. C’est depuis cette concession que la société britannique Sound Energy entend approvisionner le Maroc en gaz naturel pour faire tourner les centrales de l’ONEE. Cette volonté s’est concrétisée dans un accord signé, mardi 30 novembre, entre le concessionnaire et l’ONEE, un mois après la décision du régime militaire algérien de condamner le GME- histoire de faire mal au Maroc- qui profite essentiellement à l’Espagne desservie via le Royaume.
En vertu des dispositions de ce contrat dont les modalités financières n’ont pas été dévoilées, Sound Energy s’engage à produire et à livrer à l’office jusqu’à 350 millions de mètres cubes de gaz naturel liquéfié (GNL) par an, sur une durée de 10 ans, qui transitera par la partie marocaine du GME. Côté gaz, le Maroc reste largement sous-exploité par rapport à l’Algérie alors qu’il dispose selon les experts d’un potentiel qui pourrait même fournir l’Espagne voisine.
En attendant, le volume des approvisionnements GNL promis par Sound Energy couvre seulement un tiers des besoins du Maroc qui se faisait livrer près d’un milliard de m3 par l’Algérie par le biais de la Sonatrach. Il faut dire que les pouvoirs publics marocains ont traîné des pieds dans ce domaine puisqu’ils ont curieusement abandonné le projet « Gas to Power » prévu à Jorf Lasfar, à El Jadida. Comprenant un terminal GNL, un gazoduc, deux centrales électriques et une unité de regazéification, cet investissement d’un montant de 4,5 milliards de dollars s’inscrivait dans le cadre de la diversification des sources d’approvisionnement en combustibles, à travers notamment, l’accroissement de la part du gaz dans le bouquet énergétique national.
Soutenu par l’ONYHM, ce programme ambitieux devait être réalisé par des partenaires privés dans le cadre de la production privée d’électricité, conformément à la loi 40-09, avec garantie d’achat par l’ONEE de la totalité de l’électricité produite dans le cadre de contrats de longue durée. Un appel à manifestation d’intérêt, qui a vu la participation de grands noms du secteur comme le Japonais de Mitsubishi, le Saoudien Acwa Power, l’Émirati Taqa, l’Espagnol Gas Natural, l’Italien Enel, le Français d’EDF et le Russe Gazprom, sera lancé en 2016 par l’ONEE. Mais ce dernier n’ira pas loin dans la mise en œuvre du projet, faute de lancement d’un appel d’offres.
Indépendance énergétique
La raison ? Un changement pour le moins brutal de la stratégie gouvernementale. Présenté en 2014 par le ministre de l’Énergie d’alors Abdelkader Amara, ce plan couvrant la période 2015-2025, censé être réalisé en juin 2021, a été délaissé en cours de route au profit d’un autre programme visant à alimenter le pays via une unité flottante de stockage et de regazéification dont la mise en service est programmée en 2025. C’est le successeur de Abdelkader Amara au ministère de l’Énergie et des Mines, en l’occurrence Abdelaziz Rabbah, qui en a fait l’annonce via un communiqué en juillet dernier, soit à quelques mois des élections législatives, sans expliquer les raisons de ce changement de cap. Il paraît que celui-ci a été dicté, entre autres, par le projet de gazoduc Maroc-Nigéria, la mise en exploitation commerciale du gisement gazier de Tendrara et le renouvellement du contrat relatif au GME. Mais les responsables marocains étaient à l’époque à mille lieues de penser que l’Algérie irait jusqu’à décréter la fermeture de ce pipeline. Ce qui dénote une certaine absence de vision politique, les décideurs politiques étant censés anticiper pour réduire la dépendance du Maroc vis-à-vis du gaz en provenance d’un pays voisin hostile.
Au lieu de cela, ils ont perdu beaucoup de temps en changeant leur fusil d’épaule, ce qui a fait perdre au Royaume l’occasion d’assurer son indépendance énergétique. C’est dos au mur que le gouvernement s’est tourné vers Sound Energy pour compenser la perte du gaz fourni par l’ennemi de l’est, et alimenter les centrales électriques de l’ONEE. La faute à la fuite dans les idées ?