Le ministre de la Justice a surpris plus d’un en affichant clairement sa volonté devant le Parlement d’interdire aux associations de défense des deniers publics d’ester en justice contre les élus prévaricateurs…
Abdellatif Ouahbi est au centre d’une nouvelle polémique en relation avec la moralisation de la vie publique, provoquée par sa volonté assumée de priver les différentes associations de préservation des deniers publics de porter plainte contre les élus présumés prévaricateurs. Rien que ça ! Le ministre de la Justice, qui s’exprimait en séance plénière devant la Chambre des conseillers, mardi 19 avril, a justifié son projet en dégainant cet argument : l’argent des entités publiques est « une affaire qui concerne l’État ». Et d’aborder le sujet de ces élus en pagaille, régulièrement visés par des plaintes initiées par les associations en question, qui à force de dénoncer leur incurie chronique, sont devenues les nouvelles structures à abattre car empêchant de dé-tourner en rond.
M. Ouahbi leur dénie le droit d’ester en justice qui appartient à ses yeux au ministre de l’Intérieur en sa qualité de « responsable » du budget géré par les différentes collectivités territoriales. Pour lui, « la démocratie ce n’est pas faire ce que l’on veut mais faire ce qui doit être fait ». Dans cette affaire pour le moins troublante, M. Ouahbi s’érige en défenseur des élus dont il fait lui-même partie – il est député et président du conseil municipal de Taroudant – et qu’il considère victimes d’un travail de sape de leur crédibilité orchestré par ces associations qu’il a mises dans le viseur. « Il arrivera un moment où personne n’osera plus se porter candidat (à une élection). Car dès qu’une personne se présentera, il sera l’objet d’une plainte. Si l’on porte plainte contre moi, responsable politique, et que je passe un ou deux ans devant les tribunaux, quelle crédibilité aurais-je vis-à-vis des citoyens ? », explique-t-il, ajoutant qu’un citoyen n’a pas le droit de traîner un responsable politique devant la justice surtout, précise-t-il, si les véritables motivations de sa démarche restent mystérieuses. Les propos du chef du PAM ont aussitôt fait réagir les associations mises en cause dont les dirigeants ont dénoncé une tentative de défendre les « pilleurs de l’argent public ». Dans un communiqué, rendu public le 20 avril, l’association marocaine de protection des deniers publics a condamné vivement la sortie du ministre de la Justice qu’elle juge contraire aux dispositions constitutionnelles et juridiques qui ont hissé la société civile au rang de partenaire dans l’élaboration des politiques publiques et leur évaluation.
« Sans prendre de gants, Abdellatif Ouahbi s’est fait l’avocat de ces conseillers et présidents de commune peu scrupuleux qui se sont inquiétés auprès de lui de ce qu’ils qualifient de démarches calomnieuses orchestrées à leur égard par les associations de protection de l’argent public », croit savoir un député de l’opposition. « La volonté du ministre de la Justice de sortir la société civile du processus moralisation de la vie publique est une mauvaise nouvelle pour la démocratie et cache mal une volonté de museler les lanceurs d’alerte sur le pillage de l’argent public», renchérit pour sa part un avocat de Casablanca qui ironise en indiquant que le ministre de la Justice, avocat de carrière, a trouvé « de nouveau une cause indéfendable à défendre ».