L’investiture du Pedro Sanchez comme chef du gouvernement a été approuvée jeudi 16 novembre par le parlement espagnol. Un second mandat obtenu grâce à son réalisme politique qui est l’atout majeur de sa gouvernance.
Alors qu’il a été devancé par le Parti Populaire (PP) aux élections de juillet dernier , le Psoe de Pedro Sanchez a réussi à monter une coalition majoritaire après l’échec de la formation de Alberto Nunez Feijoo à monter un tour de table politique gagnant. Le patron des conservateurs n’a pas trouvé d’autre allié pour gouverner que le parti d’extrême-droite Vox, soit seulement 171 députés – pas assez pour bâtir une majorité parlementaire.
Après cet échec, place à son adversaire socialiste incarnée par la coalition du Psoe avec la gauche radicale.
Stratégie
Celle-ci est parvenue à obtenir le soutien des députés régionalistes et indépendantistes du Pays basque et de la Catalogne. Pour convaincre ces derniers, Pedro Sanchez a promis l’amnistie des dirigeants impliqués dans le référendum et la proclamation d’une république indépendante en 2017. Cette concession a permis à Pedro Sanchez, 51 ans, de rempiler pour un second mandat à la tête du gouvernement après avoir été investi jeudi 16 novembre par une majorité de 179 députés sur les 350 du Parlement, représentant 12,6 millions d’électeurs, soit à un meilleur score qu’en 2018. Aux voix des députés de sa coalition, composée par le PSOE (socialiste) et Sumar (gauche radicale), se sont ajoutées celles des 13 députés régionalistes basques de Bildu (gauche) et du PNV (droite) et des 14 députés indépendantistes catalans d’ERC (gauche) et Junts (droite). Ce n’était pas gagné d’avance pour Pedro Sanchez pour lequel le plus difficileà convaincre aura été Junts per Catalunya, le parti indépendantiste de Carles Puigdemont, qui s’est réfugié à Bruxelles pour échapper à la justice espagnole, qui veut le juger pour le référendum et la proclamation d’une république catalane indépendante en octobre 2017. L’amnistie promise aux indépendantistes catalans a été accueillie par une salve de critiques par les milieux de la droite et l’extrême droite.
Reste que la réussite de Pedro Sanchez a permis à l’Espagne de sortir d’un blocage politique qui aurait pu se prolonger davantage en cas de convocation de nouvelles élections législatives dont l’issue n’est pas non plus certaine. Là où l’on voit la force du chef de file des socialistes et son réalisme politique. Ce sont ces qualités qui lui ont permis de résoudre la crise diplomatique avec le Maroc et de sceller un rapprochement historique entre Rabat et Madrid en apportant en février 2022 le soutien de son gouvernement au plan d’autonomie pour le Sahara marocain. Changement qui lui a été vertement reproché par ses adversaires de la droite et provoqué dans la foulée la colère aveugle de l’Algérie qui en guise de représailles a rappelé son ambassadeur et décidé en guise de représailles de suspendre le traité d’amitié conclu en 2002 avec Madrid, de limiter les transactions commerciales et de geler les opérations bancaires avec l’Espagne. Cette mesure, autant intempestive qu’injustifiée, a pénalisé les entreprises espagnoles entretenant des relations d’affaires avec le pays de Tebboune. Face aux oukases algériennes conçues pour pousser l’exécutif espagnol à revenir sur sa position.
Atouts
Pedro Sanchez est resté imperturbable. Plutôt que de réagir à chaud au risque d’entrer dans le jeu stérile du régime anachronique des généraux algériens , il a préféré en homme politique serein et madré de laisser le temps au temps. Stratégie judicieuse puisque le régime algérien a fini, toute honte bue, neuf mois après sa réaction hystérique, par confirmer le 19 novembre la nomination d’un nouvel ambassadeur à Madrid. Quelle maestria ! Quel panache ! Tout y est, l’art et la manière. Force et de constater que l’Espagne de Pedro Sanchez a réussi en peu de temps là où la France a toujours échoué : Construire une relation équilibrée, fondée sur la realpolitik, avec les deux grands pays du Maghreb. Emmanuel Macron et son e-mouvement en marche (en arrière) doivent en prendre de la graine. N’est pas Pedro Sanchez Pérez-Castejón qui veut. La cinquantaine sportive et décontractée, ce natif du quartier branché de Tetuán à Madrid a donné la preuve éclatante qu’il est le digne héritier d’un socialisme entreprenant, décomplexé et qui sait se réinventer pour ne pas rater les rendez-vous décisifs avec l’Histoire. Pedro Sanchez était plus conscient que jamais que la position de neutralité de l’Espagne dans le dossier du Sahara, territoire national dont elle était l’ancienne force d’occupation, dessert grandement les intérêts de son pays surtout dans un contexte de mutations géopolitiques majeures. Il faut savoir bien lire les nouveaux enjeux planétaires, sentir d’où souffle le vent du changement et avoir une bonne dose de courage politique pour décider de reconstruire la relation avec le Maroc en la projetant dans les espaces d’un futur prometteur. Convaincu que le Maroc et l’Espagne sont liés par une communauté de destin et que les deux pays voisins ont tout à gagner à renforcer leur partenariat stratégique à la lumière des nouveaux défis communs, le chef de file du parti socialiste œuvrrier espagnol a damé le pion à ses rivaux de la droite et extrême droite, restés recroquevillés, à l’endroit du Maroc, sur des réflexes du passé, qui empêchent la relation entre les deux nations, pourtant géographiquement et historiquement proches, d’atteindre sa plénitude en matière politique et économique. Et last but not least, l’Espagne et le Maroc sont deux royaumes multiséculaires qui partagent le même système politique : la monarchie. Avec en prime des monarques qui se connaissent bien et s’apprécient. Autant d’atouts de taille sur lesquels Pedro Sanchez a dû s’appuyer pour redessiner les contours de liens précieux, porteurs de multiples opportunités et d’une prospérité partagée, offertes par un partenariat dynamique dans divers secteurs.